70 ans des FAGN : entretien avec le LCL R. Drouin, retraité des Forces aériennes de la gendarmerie nationale, à l’occasion de la sortie de son nouvel ouvrage « Les Ailes du Pandore »

  • Par Hélène THIN
  • Publié le 14 octobre 2023
Deux images côte à côte : la couverture d'un ouvrage représentant sur fond blanc des avions et des hélicoptères, et le visage souriant de Roger Drouin, l'auteur du livre
© D.R.

Alors que les Forces aériennes de la gendarmerie nationale (FAGN) célèbrent leur 70e anniversaire, l’ouvrage Les Ailes du Pandore, paru aux éditions Complicités, revient sur l’extraordinaire aventure des hélicoptères bleus au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Son auteur, le lieutenant-colonel Roger Drouin, ancien pilote d’hélicoptère et ancien commandant de Section aérienne de gendarmerie (SAG) en métropole et en outre-mer, également vice-président de l’association Les Ailes de la gendarmerie, signe là un quatrième récit captivant.

Colonel, pourriez-vous nous présenter votre nouvel ouvrage, Les ailes du Pandore ?

Ce livre est un roman historique fondé sur des faits exacts, et dont seuls les dialogues et leur mise en scène sont romancés. Ce premier tome s’attache à retracer l’histoire de l’hélicoptère en Gendarmerie sur une période qui s’échelonne de 1953 à 1984. Ces trois décennies, qui ont fait l’objet d’une précédente historiographie, L’aventure au quotidien, relatant les nombreux faits d’armes de mes collègues, sont ici explorées sous un angle nouveau. Car cette incroyable saga, celle de l’avènement et de la montée en puissance de l’hélicoptère en gendarmerie, n’aurait pu voir le jour sans des chefs exceptionnels, ni sans l’indispensable soutien de leur « cellule centrale », le terme « État-major » étant inapproprié jusqu’aux années quatre-vingt-dix. C’est sous ce prisme que ce nouveau livre se propose d’aborder cette histoire, à la fois passionnante et singulière.
Afin d’étayer ma propre expertise du sujet, j’ai réalisé un important travail de recherche et ai mené l’enquête auprès de nombreux protagonistes, dont j’ai pu recueillir les témoignages. Je dispose également d’archives confidentielles, constituées pour partie de textes non publiés à ce jour.
Rédigé dans un style et un vocabulaire accessibles aux profanes, l’ouvrage se propose de faire découvrir au lecteur une autre facette de la gendarmerie, tant les missions et le savoir-faire des Forces aériennes de la gendarmerie nationale (FAGN) demeurent largement méconnus du grand public.
Dans le prolongement des Ailes du Pandore, un second tome paraîtra d’ici le printemps 2024. Cet ouvrage, en cours de finalisation, portera sur une période encore jamais décrite, de 1990 à 2023.

Quelles ont été les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

J’ai démarré ma vie professionnelle comme instituteur. Le jeune enseignant que j’étais a ensuite été appelé pour faire son service militaire. Ce fut pour moi la découverte d’un univers totalement étranger mais beaucoup plus attrayant que celui de l’Éducation nationale, fut-elle privée ! À l’issue, devenu Officier de réserve en situation d’activité (ORSA), j’ai fait la connaissance de la gendarmerie à l’occasion des opérations « Asparagus », où j’ai œuvré sous les ordres directs de feu le général René Omnès, et lors desquelles étaient mis à sa disposition des renforts militaires de l’Arme du Train, afin de soutenir son action lors des grands départs en vacances. Séduit par l’image professionnelle de cette grande Institution, j’ai préparé et obtenu le concours de l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN). À la sortie, j’ai été affecté en unité de gendarmerie mobile (EGM 2/13), un cursus classique à l’époque.
S’est alors présentée l’opportunité de passer mon brevet de pilote d’hélicoptère, à la faveur d’un appel à candidatures réservé aux officiers. C’est ainsi que, porté par l’envie d’une vie plus aventureuse, j’ai mis le cap sur Dax, où j’ai été breveté « observateur pilote » à l’été 1975.
Le précieux sésame en poche, j’ai découvert l’univers de l’aéronautique militaire, pour lequel je me suis immédiatement passionné ! S’en est suivie une quinzaine d’années aux commandes des hélicoptères bleus, principalement sur Alouette II. Première affectation, en 1975, à Dijon, où j’ai eu la chance de voler en double, aux côtés du lieutenant André Viot, un moniteur et un homme d’exception, auprès de qui j’ai pu parfaire ma formation et mon pilotage, dans le Jura d’abord et très vite à Briançon. Convaincu de mon aptitude à piloter en montage, André a fortement encouragé mon évolution en ce sens. Affecté à Toulouse dès juin 1976, je découvre la réalité du secours en montagne, dans les Pyrénées ariégeoises, et le secours tout court aux côtés du SAMU 31. Ce fut là une grande et belle aventure, qui durera quatre ans. Vint ensuite le départ pour l’outre-mer. Basé en Nouvelle-Calédonie, je prends le commandement de la Section aérienne de gendarmerie (SAG) de Nouméa, et fais l’apprentissage de l’hélitreuillage en mer. Trois ans plus tard, de retour en métropole, je suis affecté à Arcachon, avec le grade de chef d’escadron. J’y fais de l’hélitreuillage en mer ma spécialité. Après cinq années intenses de secours à la population le long des plages d’Aquitaine, et tandis qu’un nouvel appareil, l’Écureuil, s’impose progressivement dans le paysage, mon temps aux hélicos est écoulé… Je quitte alors les FAGN à mon corps défendant pour le poste d’adjoint au commandant du GGD 31.
Pour moi, l’heure est alors venue de me reconvertir à la vie civile… 18 mois plus tard, j’entreprends une formation à Sup' de Co Marseille, suivie d’une première expérience très instructive à la direction générale de l’Union départementale des mutuelles de France, basée à Nice. J’y resterai quinze mois, avant de démissionner pour prendre la direction générale de la Caisse régionale des congés payés du BTP. En charge des départements des Alpes-Maritimes, des Alpes de Haute-Provence, ainsi que de la Corse, j’y exercerai durant seize ans, jusqu’à mon départ en retraite, à l’âge de cinquante-neuf ans.
Néanmoins, je n’ai jamais perdu le contact avec les hélicos de la gendarmerie. Aussi ai-je intégré, il y a une trentaine d’années, l’association « Les Ailes de la Gendarmerie », dont j’ai l’honneur d’être le vice-président. Depuis sa création en 1991, l’association n’a cessé d’évoluer. Aujourd’hui forte de près de 300 adhérents, elle a pour vocation de créer du lien et de soutenir les membres - anciens et actuels - des Forces aériennes de la Gendarmerie. Comme pour mes publications précédentes, les recettes des Ailes du Pandore et mes droits d’auteur lui seront reversées dans leur intégralité.

Printemps 1979. Roger Drouin, près de l'étang d'Arain dans l'Ariège.

© D.R.

Que retenez-vous de ces quinze années passées aux commandes d’Alouette II ?

Du temps des Alouettes, deux facteurs déterminants ont conditionné l’activité des sections aériennes de gendarmerie.
Le premier, c’est à l’appareil que nous le devons. L’Alouette II, sur laquelle nous volions, était à la fois moins rapide et moins performante que ses successeurs. Sa vitesse, avoisinant les 160 km/h, son temps de mise en route, et le peu d’équipements dont elle était dotée, limitaient de fait le champ d’action de la machine dans le cadre de la sécurité publique stricto sensu. La Gendarmerie, de surcroît, disposait à l’époque d’un nombre d’hélicoptères bien plus restreint qu’aujourd’hui. Les délais de liaison pour atteindre les sites d’intervention en étaient allongés d’autant !
Le deuxième facteur concerne le manque de moyens aériens alors alloués aux autres acteurs d’État pour l’exécution de leurs missions. C’est ainsi que la gendarmerie, de par son implantation sur l’ensemble du territoire français, ses compétences et ses moyens, a été grandement sollicitée afin de remplir de nombreuses missions de secours dans un cadre civil, en particulier aux côtés des SAMU. Dans ce contexte, nous nous sommes concentrés sur le « tout secours », laissant de côté certaines de nos missions de sécurité publique, notamment de police judiciaire, pourtant essentielles. La gendarmerie a ainsi œuvré de facto au service de la population. Puis les choses ont évolué lorsque d’autres ministères, à l’instar de la Santé, se sont dotés de moyens supplémentaires.
À cette période, l’Écureuil, successeur de l’Alouette, fait son entrée en scène. Beaucoup plus rapide, mieux conçu et mieux équipé, l’hélicoptère gagne en performance. Ces évolutions majeures nous permettent ainsi de nous recentrer sur notre cœur de métier : la sécurité publique, au sens large du terme, où le secours ne représentait plus que 30 % de notre activité. C’est alors que nous entrons dans une toute nouvelle ère, qui sera l’objet du tome II des Ailes du Pandore.

Pour finir, quel est, selon vous, l’avenir de l’hélicoptère ?

En ce début de XXIe siècle, le secteur de l’aéronautique a connu une profonde mutation, liée pour partie à l’arrivée des drones. Néanmoins, il ne me semble pas qu’il y ait là une menace pour l’avenir de l’hélicoptère. Ce dernier demeure incontournable et irremplaçable dans certaines situations. J’y vois plutôt une refonte de la pensée stratégique. Demain, les nombreuses missions opérationnelles feront appel à une combinaison des trois vecteurs du moyen aérien : le drone, l’hélicoptère et l’avion. Je suis persuadé que dans ce schéma, l’hélicoptère continuera longtemps d’occuper une place centrale. En effet, chacun de ces trois vecteurs présente des qualités intrinsèques, déterminant la spécificité de leurs actions.
Je dirai, pour conclure, que l’avenir des formations aériennes sera fait du mariage de ces trois moyens, et que l’hélicoptère a encore de beaux jours devant lui !

Pour aller plus loin

Les ailes du Pandore -  Tome 1
Lieutenant-colonel (er) Roger Drouin
Éditions Complicités

Disponible à la vente sur Internet en cliquant sur ce lien

 

 

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