Mayotte : le soutien et la logistique au service de la résilience et de la robustesse des gendarmes

  • Par Antoine Faure
  • Publié le 15 janvier 2025
Arrivée de fret au port de Mayotte avec un gendarme de dos qui regarde
© GEND/SIRPA/GD R. CULPIN

La réponse de la Gendarmerie nationale à la crise née du passage du cyclone Chido à Mayotte, le 14 décembre 2024, s’est construite notamment grâce à deux éléments déterminants et complémentaires : la résilience et la robustesse des gendarmes départementaux et mobiles affectés sur l’île, appuyées par une manœuvre de soutien et de logistique qui a permis la projection rapide de renforts. Présentation de cette chaîne avec quatre de ses acteurs majeurs.

Lieutenant-colonel Christian Pépin, chef d’état-major du Commandement de la gendarmerie (COMGEND) de Mayotte

« Mon rôle a été d’organiser l’appui des différents bureaux du COMGEND pour préparer et conduire le soutien logistique et humain nécessaire à l’engagement opérationnel. Environ 48 heures avant l’arrivée de Chido, des lots cyclone complets ont été déployés dans chaque unité, comprenant notamment des lampes, des tronçonneuses, des disqueuses, des groupes électrogènes, ainsi que des rations de combat et de l’eau, et ce, afin de disposer des ressources dès le début d’une crise dont on ignorait alors l’ampleur. Ces lots avaient été remis à jour en 2022. Bien que nous n’ayons pas connu de cyclone à Mayotte depuis de nombreuses années, nous étions prêts.

Le 14 décembre, nous avons mis en place un état-major de crise dans l’attente du détachement du Centre national des opérations (CNO), afin de suivre l’arrivée des renforts opérationnels et de soutien, et de traiter les premières évacuations de familles de gendarmes. La logistique y était pleinement intégrée, ainsi que le suivi opérationnel par le Bureau opérations emploi (BOE), associé au Centre de coordination des opérations (CCO) du COMGEND.

Après le passage du cyclone, les communications étaient totalement rompues, notamment avec le nord et l’ouest de l’île. Il était difficile de connaître un état précis de la situation. Il fallait s’assurer de l’intégrité physique des personnels – heureusement, nous n’avons pas eu de blessés –, ainsi que de l’état des logements et des casernes. 72 gendarmes se sont retrouvés sans toit, et deux casernes ont été particulièrement endommagées, la Brigade territoriale autonome (BTA) de Tsingoni et la Compagnie de gendarmerie départementale (CGD) de Koungou, qui comprend le groupe de commandement, la BTA, la Brigade de recherches (B.R.) et le Peloton de surveillance et d’intervention de gendarmerie (PSIG).

Mercredi 18 décembre, le COMGEND a été renforcé par 41 militaires de métropole, puis par deux Compagnies de marche (CdM) d’une centaine de gendarmes départementaux chacune, l’une armée très rapidement par le COMGEND de La Réunion, l’autre en provenance de métropole, qui venaient s’ajouter aux huit Escadrons de gendarmerie mobile (EGM), six déjà sur place et deux supplémentaires. Dès le 19 décembre, tous les renforts étaient là. Il faut souligner la rapidité de la mise à disposition de ces militaires ainsi que celle de l’engagement des moyens par la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), qui a permis aux services de soutien du COMGEND de se concentrer sur la remise à niveau des emprises et le relogement des militaires.

Le gendarme mahorais est par nature résilient. C’est un territoire qui connaît des crises régulières, avec des problématiques d’approvisionnement en eau et en nourriture. Cette résilience a pu s’appuyer sur la mise en place de ce dispositif humain, logistique et opérationnel qui fait la force de la gendarmerie et qui a permis de faire face, dans la durée, grâce à l’arrivée rapide des renforts. »

Arrivée de fret au port de Pamandzi à Mayotte.
© GEND/SIRPA/GND R. CULPIN

Commandant Bruno Sankaré, chef du Bureau soutiens finances (BSF) du COMGEND de Mayotte

« C’était un vrai challenge d’accueillir tous les renforts individuels, mobiles et départementaux, et de reloger les militaires sinistrés. Heureusement, nous avions noué de très bons partenariats avec les quelques structures hôtelières de l’île, qui nous ont mis à disposition des chambres volontairement. Des réquisitions de la Préfecture de Mayotte ont facilité l’accompagnement des clients pour se rendre à La Réunion.

Ces places n’étant pas suffisantes, nous avons eu recours à des prises à bail de villas individuelles inoccupées sur Grande-Terre. Le Groupement opérationnel de maintien de l’ordre (GOMO) a été d’une grande aide pour rechercher ces villas et contacter les propriétaires en direct. On s’est ainsi assuré que les hébergements correspondaient bien aux besoins des gendarmes mobiles. Enfin, trois établissements scolaires (deux sur Grande-Terre et un sur Petite-Terre), ont été occupés provisoirement. Ils ont été libérés en prévision de la rentrée scolaire.

Concernant l’alimentation, après les rations de combat pendant les premiers jours, la distribution de repas chauds a été rendue possible rapidement grâce à l’hôtel Ibis sur Petite-Terre et aux restaurants conventionnés sur Grande-Terre. Pour l’armement, les stocks du COMGEND ont été rapidement complétés par un envoi depuis la métropole. Par ailleurs, le facteur mobilité étant déterminant pour que les renforts remplissent leurs missions, nous avons réussi à louer une centaine de véhicules du parc privé auprès de différents loueurs. Compte tenu du fait que les renforts s’inscrivent dans la durée, nous avons proposé à la Direction des soutiens et des finances (DSF) de la DGGN, dans une logique d’économies, d’acheter des véhicules, plutôt que de louer à perte.

Enfin, nous avons également reçu le renfort de militaires du Corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) – mécaniciens automobiles, armuriers, personnels AOT (Appui Opérationnel Transverse) – pour appuyer le BSF et le Bureau du personnel (B.P.) dans leurs spécialités respectives. »

Gendarmes installés dans le lycée de Pamndzi à Mayotte après le passage du cyclone Chido.
© Gendarmerie nationale
Gendarmes installés dans un lycée à Mayotte après le passage du cyclone Chido.
© GEND/SIRPA/GND R. CULPIN

Capitaine Flore Kaposztas, chef de service adjoint du Service de soutien à la projection opérationnelle (SSPO)

« Le SSPO a été projeté en renfort, en qualité de bras armé du CNO, et spécifiquement de son bureau J4 (J pour « Joint » et 4 pour logistique, la 4e fonction opérationnelle dans la classification militaire, NDLR), avec trois axes missionnels. Tout d’abord, il s’agissait de prendre la main sur la logistique de crise spécifique Chido pour permettre au BSF d’accompagner ses sinistrés et de traiter la problématique de relogement. Notre priorité a été de mettre en place un dispositif de coordination des transits et des transports dans un cadre multi-modal, c’est-à-dire de traiter l’ensemble du fret gendarmerie qui arrivait par voie aérienne et maritime, et d’organiser les transports routiers pour ventiler ces ressources aux différentes unités, en lien avec le BSF et le GOMO. Cela s’est fait autour de deux bases logistiques et de transit, une au niveau de l’aéroport de Pamandzi et une au niveau du port de Longoni.

En tout, ce sont 1000 m³ de fret, soit 200 tonnes, qui ont été acheminés vers Mayotte, auxquels s’ajoutent quinze TRM (Toutes Roues Motrices) et quatre Véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG). Ce fret comprenait notamment du matériel technique spécifique des unités spécialisées telles que l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), le Service central des réseaux et technologies avancées (SCRTA), le CNO et le SSPO. En complément, 500 lits picot et 23 000 rations de combat ont été envoyés pour soutenir la génération de forces, ainsi que plus de 70 000 litres d’eau.

À partir de ces bases logistiques, et c’était le deuxième axe, nous avons organisé la gestion et le suivi des matériels et des denrées stratégiques, afin de permettre à la gendarmerie de poursuivre ses missions de manière optimale.

Enfin, dernier axe, l’installation d’un dispositif d’hébergement d’urgence, dans la perspective de l’arrivée de nouveaux renforts de gendarmerie mobile et la conjecture de la rentrée scolaire. Nous avons donc, dans un premier temps, mené une mission de reconnaissance sur l’ensemble du territoire mahorais, afin d’identifier les sites potentiels de montage. Cela nous a permis d’être réactifs lorsque le besoin s’est confirmé, et d’installer en 48 heures le camp dans un gymnase de Pamandzi, avec des tentes, des lits, des outils de climatisation, afin de permettre aussi la bascule, dans les meilleures conditions, des gendarmes de la compagnie de marche et des gendarmes mobiles qui étaient hébergés dans le lycée de Pamandzi. »

  • Hébergements installés dans le gymnase de Pamandzi pour les gendarmes mobiles et les gendarmes des Compagnies de marche qui étaient hébergés dans le lycée de Pamandzi.

    Hébergements installés dans le gymnase de Pamandzi pour les gendarmes mobiles et les gendarmes des Compagnies de marche qui étaient hébergés dans le lycée de Pamandzi.

    © Gendarmerie nationale
  • Hébergements installés dans le gymnase de Pamandzi pour les gendarmes mobiles et les gendarmes des Compagnies de marche qui étaient hébergés dans le lycée de Pamandzi.

    Hébergements installés dans le gymnase de Pamandzi pour les gendarmes mobiles et les gendarmes des Compagnies de marche qui étaient hébergés dans le lycée de Pamandzi.

    © Gendarmerie nationale
  • Hébergements installés dans le gymnase de Pamandzi pour les gendarmes mobiles et les gendarmes des Compagnies de marche qui étaient hébergés dans le lycée de Pamandzi.

    Hébergements installés dans le gymnase de Pamandzi pour les gendarmes mobiles et les gendarmes des Compagnies de marche qui étaient hébergés dans le lycée de Pamandzi.

    © Gendarmerie nationale
  • Hébergements installés dans le gymnase de Pamandzi pour les gendarmes mobiles et les gendarmes des Compagnies de marche qui étaient hébergés dans le lycée de Pamandzi.

    Hébergements installés dans le gymnase de Pamandzi pour les gendarmes mobiles et les gendarmes des Compagnies de marche qui étaient hébergés dans le lycée de Pamandzi.

    © Gendarmerie nationale
  • Hébergements installés dans le gymnase de Pamandzi pour les gendarmes mobiles et les gendarmes des Compagnies de marche qui étaient hébergés dans le lycée de Pamandzi.

    Hébergements installés dans le gymnase de Pamandzi pour les gendarmes mobiles et les gendarmes des Compagnies de marche qui étaient hébergés dans le lycée de Pamandzi.

    © Gendarmerie nationale
  • Hébergements installés dans le gymnase de Pamandzi pour les gendarmes mobiles et les gendarmes des Compagnies de marche qui étaient hébergés dans le lycée de Pamandzi.

    Hébergements installés dans le gymnase de Pamandzi pour les gendarmes mobiles et les gendarmes des Compagnies de marche qui étaient hébergés dans le lycée de Pamandzi.

    © Gendarmerie nationale

Lieutenant Cédric Bouquet, du bureau J4 (BJ4) du CNO

« Le CNO était en alerte la semaine précédant le cyclone. Il fallait décider si une projection était pertinente ou si on pouvait suivre à distance, depuis la salle de crise de la DGGN. Finalement, la décision a été prise de projeter dix personnels du CNO : J1 pour la génération de forces (R.H.), J6 pour le rétablissement des réseaux SIC, J3 et J5 pour la planification et la conduite des opérations, J4 pour la logistique, ainsi que le major Gildas de la CELL-SOUT, unité projetable intégrée au CNO, un acteur majeur de notre dispositif, capable d'apporter son expérience capitale dans la gestion d'une crise et des compétences servant à l'ensemble du spectre logistique.

Nous sommes partis de Paris le 16 décembre, 48 heures après le passage du cyclone, et nous sommes arrivés à Mayotte le 18, après un transit par La Réunion. La mission du bureau J4 sur place est d’offrir un appui à l’échelon territorial et de se constituer telle une colonne vertébrale du soutien logistique, de Paris à Mayotte. Elle s’articule par la présence d’un officier représentant la Gendarmerie au sein de la Cellule inter-ministérielle de crise-logistique (CIC-log), au ministère de l’Intérieur, du BJ4 qui coordonne l’information et assure le lien entre les échelons, et d’un officier sur place à Mayotte.

Nous ne sommes pas les seuls à être projetés sur cette crise. Il y a aussi des agents de la Sécurité civile, des pompiers, des policiers ainsi que d’autres forces armées…  Il faut donc composer avec les arbitrages ministériels et des priorisations sur tous les moyens engagés. Dans un cas cyclonique comme celui qu’a connu l’île, la préservation et la disponibilité des vecteurs aériens et maritimes sont des éléments primordiaux pour mener à bien notre manœuvre logistique et assurer un suivi du fret efficient. Il s’agit d’obtenir une harmonisation et une organisation des ressources entre toutes ces forces, en lien à la fois avec les contacts de la préfecture et les unités de gendarmerie départementale et mobile présentes à Mayotte et à La Réunion.

Pour le COMGEND, l’apport du BJ4 permet d’avoir un regard extérieur. Nous pouvons être force de proposition pour appuyer le BSF et les décharger de l’effort de coordination nécessaire à la conduite des opérations logistiques. Nous possédons une expérience et mobilisons les Retex (Retours d’Expérience) issus de précédentes missions : l’ouragan Irma, le cyclone Belal… Cela nous permet de mettre à disposition du COMGEND un process et des outils clé en main.

Nous avons également pour rôle d’anticiper la fin de mission, en décidant quels sont les matériels déployés qui sont amenés à rester sur Mayotte et ceux qui peuvent être renvoyés en métropole pour être ventilés dans les unités. »

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