Mayotte : les gendarmes de Tsingoni ont su faire preuve de résilience

  • Par Antoine Faure et le capitaine Tristan Maysounave
  • Publié le 08 janvier 2025
Les maréchaux des logis chefs Vincent et Julie avec leur chien Quezal.

Les maréchaux des logis chefs Vincent et Julie avec leur chien Quezal.

© GEND/SIRPA/GND R. CULPIN

Les militaires de la brigade de Tsingoni, fortement endommagée par le passage du cyclone Chido le 14 décembre 2024, ont poursuivi leurs missions au profit de la population, faisant montre d’une résilience et d’une rusticité inhérentes à leur statut militaire. Témoignage de l’un de ces gendarmes, le maréchal des logis-chef Vincent.

Le maréchal des logis-chef Vincent est affecté à la Brigade territoriale autonome (BTA) de Tsingoni, à Mayotte. Âgé de 29 ans, il est arrivé sur l’île le 1er mai 2024, avec sa compagne, la maréchale des logis-cheffe Julie, âgée de 30 ans. Après quatre années en gendarmerie, tous deux affectés en Gironde, à la Compagnie de gendarmerie départementale (CGD) de Libourne, ils ont répondu à un appel à volontaires pour servir à Mayotte, et ont atterri sur l’île un mois avant l’ouverture de cette nouvelle unité. « La brigade de Tsingoni a été inaugurée quelques jours avant le passage du cyclone Chido, en même temps que la prise de commandement de notre chef », relève Vincent. Ils n’étaient pas seuls à faire le voyage. Quezal, un Akita Inu, « notre boule de poils », les a accompagnés. Devenu la mascotte de la brigade, celui-ci a fêté ses cinq ans la veille de la catastrophe.

Vincent et Julie sont venus à Mayotte pour découvrir un territoire atypique et vivre un engagement opérationnel très différent de la métropole. « Avant le cyclone, c’était vraiment une île magnifique, verte et préservée du tourisme. Le lagon est superbe. On a pu plonger, voir des dauphins, des tortues… »

« Tant qu’on ne l’a pas vécu, on ne peut pas comprendre »

Samedi 14 décembre, vers 8 heures du matin, le vent s’est levé et a commencé à souffler fort, annonçant l’arrivée imminente du cyclone Chido, prévue depuis plusieurs jours. « On avait préparé des sacs d’urgence pour pouvoir vite quitter notre logement en cas d’effondrement ou d’arrachement du toit », raconte Vincent. Aux alentours de 10 h 20, le toit s’est effectivement envolé. « Ce bruit, je ne suis pas près de l’oublier. Comme une détonation. Le vent a tout emporté comme si c’était un simple bout de papier. C’était vraiment impressionnant. On entendait toutes les tôles qui tapaient dans les murs, qui frottaient le bitume... Tant qu’on ne l’a pas vécu, on ne peut pas comprendre. Je ne m’attendais pas à ce que soit aussi violent et aussi fort, ni qu’il y ait autant de dégâts. On savait, bien sûr, que le cyclone allait arriver sur Mayotte, mais on ne pensait pas qu’il se situerait directement sur l’île. »

Logement avec le toit arraché à Mayotte
© GEND/SIRPA/GND R. CULPIN

Vincent et Julie récupèrent Quezal dans les décombres et se réfugient dans les locaux d’une entreprise, au premier étage du bâtiment. « Mais avec les rafales de vent et la pluie, on a été obligés de redescendre au rez-de-chaussée, dans l’appartement de nos propriétaires, en voyage à La Réunion, et de patienter pendant deux heures, le temps du passage du cyclone, poursuit le sous-officier de gendarmerie. Dès qu’il y a eu une accalmie, nous avons rejoint la brigade, où nous avons été accueillis par les gendarmes mobiles qui y sont affectés. Comme le toit avait aussi été arraché, on a commencé à tout nettoyer, à écoper. Il a fallu monter une garde permanente pendant la semaine qui a suivi, puisque le portail avait cédé sous la force du vent. C’était notre mission prioritaire. Nous avons mis en place des patrouilles pédestres jusqu’aux logements de nos camarades dont on était sans nouvelles. »

La circulation est alors complètement bloquée à cause des arbres et des divers objets qui jonchent la route. « On a attendu que la Sécurité civile commence à déblayer pour pouvoir organiser de vraies patrouilles, poursuit Vincent, notamment en direction des commerces qui ont été dégradés et qui ont ensuite subi des pillages dans la nuit du samedi au dimanche. Aucune intervention n’était alors possible, puisque nous n’étions pas en mesure de répondre aux appels du 17, et que les liaisons radio avec nos chefs étaient coupées. »

« La rusticité, ça ne me dérange pas »

Dans les jours qui suivent, les gendarmes de Tsingoni ont bénéficié du renfort d’une dizaine de camarades départementaux, puis de quatre gendarmes mobiles, pour monter la garde à la brigade, patrouiller, prendre contact avec les élus et les commerçants, encadrer les distributions d’eau et de denrées alimentaires.

Les gendarmes sont rapidement relogés dans un hôtel ayant subi des dégradations moindres, mais sont alors toujours privés d’électricité et d’eau courante dans les chambres, en raison des fuites sur les canalisations. La brigade, elle, est presque vide. Sans moyens informatiques, puisque tout a été transporté dans des pièces non humides, et sans réseau Internet, les militaires sont dans l’impossibilité de recueillir les plaintes, et redirigent les citoyens vers la brigade de Sada, et, pour les faits les plus graves, vers la Section de recherches (S.R.) de Mamoudzou.

Malgré la fatigue qui s’accumule, malgré le questionnement sur l’avenir de leur brigade, Vincent, Julie et les autres gendarmes de Tsingoni poursuivent néanmoins leurs missions pour aider la population. « On s’est engagé pour ça, sourit Vincent. J’aime mon métier. La rusticité, ça ne me dérange pas, c’est un état d’esprit. J’ai été sergent dans l’armée de Terre pendant cinq ans. J’avais l’habitude de travailler dans des conditions dégradées, au Liban, au Gabon... Et puis, on n’a pas été blessés, on arrivait à avoir de l’eau, de la nourriture, à se débrouiller. Je pensais plus à la population qui n’a plus rien à manger, plus rien à boire. Certains ont tout perdu. Nous, ça va, on peut serrer les dents. Le repos, on verra ça plus tard. »

Les gendarmes ont aussi pu compter sur la cohésion au sein de la brigade et aussi avec les gendarmes mobiles. « On s’entendait déjà très bien avec eux, et forcément, ça a renforcé nos liens, puisqu’il n’y a pas de place pour l’individualisme dans cette situation ; ça a été une force de pouvoir surmonter cette épreuve à plusieurs. »

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