À Cayenne, les militaires de l’Antenne GIGN perpétuent l’esprit du major Arnaud Blanc dit Blanka

À Cayenne, les militaires de l’AGIGN perpétuent l’esprit de Blanka
  • Par le capitaine Tristan Maysounave
  • Publié le 21 mars 2024
Photo d'Arnaud Blanc et stèle
© GEND/GR/ADC.BOURDEAU

Le samedi 25 mars 2023, le maréchal des logis-chef Arnaud Blanc, affecté à l’Antenne du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (AGIGN) de Cayenne, était mortellement blessé en forêt par les membres d’une bande armée dans le cadre d’une opération de Lutte contre l’orpaillage illégal (LCOI) menée dans la zone de Dorlin. Un an après sa disparition, ses camarades rendent hommage à celui qu’ils surnommaient affectueusement Blanka.

Alors que l’Antenne du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (AGIGN) de Cayenne n’avait jamais perdu de militaire, tout a basculé le samedi 25 mars 2023, avec le décès en forêt du maréchal des logis-chef Arnaud Blanc. Aux cérémonies et à l’émoi national, ont succédé la traque, ayant conduit à l’interpellation des membres de la bande armée et du meurtrier présumé, puis le temps du deuil. Pour ses camarades, dont nombreux étaient des amis, il a fallu faire preuve d’une très forte solidarité afin d’affronter cette terrible et douloureuse épreuve, d’accompagner sa famille meurtrie et de se relever en continuant à faire vivre l’esprit de Blanka.

De gendarme adjoint volontaire à major à titre posthume

Titulaire d’un baccalauréat en génie électronique, Arnaud Blanc intègre l’école de gendarmerie du Mans (Sarthe) en 2009, puis rejoint le Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) d’Istres (Bouches-du-Rhône) en qualité de gendarme adjoint volontaire. Ayant réussi le concours de sous-officier de gendarmerie, il est admis à l’école de Chaumont (Haute-Marne) en 2011 et est affecté à la brigade de Trévoux (Ain) à l’issue. Faisant preuve d’une appétence particulière pour l’intervention professionnelle, il rejoint le PSIG de Bonneville (Haute-Savoie) en 2015, puis l’AGIGN de Cayenne en 2019 et sert une année au sein du Groupe d’observation surveillance (GOS) de l’unité. Il assume progressivement davantage de responsabilités, notamment en devenant chef d’équipe, aussi bien en Intervention spécialisée (I.S.) qu’en matière de lutte contre l’orpaillage illégal en forêt équatoriale. Moniteur en intervention professionnelle (MIP), il obtient plusieurs qualifications, comme celles de Tireur embarqué gendarmerie (TEG) ou encore de piroguier.
Le samedi 25 mars 2023, le maréchal des logis-chef Blanc effectue une mission d’infiltration de nuit dans le secteur de Dorlin aux côtés de deux camarades de l’AGIGN, de quatre militaires des Forces armées en Guyane (FAG) et d’un infirmier. Alors qu’ils investissent un carbet, le gradé de gendarmerie est blessé par deux balles tirées par les membres d’une faction armée. Tout est mis en œuvre pour le réanimer, mais il décède rapidement.

Dans les jours qui suivent, plusieurs commémorations sont organisées afin de lui rendre hommage. Après une  première cérémonie présidée par le général d’armée Christian Rodriguez, Directeur de la gendarmerie nationale (DGGN), à la caserne de la Madeleine à Cayenne, le corps d’Arnaud Blanc est rapatrié en métropole. Accueilli par le DGGN à la Base aérienne 107 de Villacoublay le 30 mars, le gradé de l’AGIGN de Cayenne se voit alors concéder la médaille militaire. Il est également cité à l’ordre de la gendarmerie avec attribution de la médaille de la gendarmerie nationale avec palme de bronze et se voit décerner la médaille d’or de la sécurité intérieure. Le lendemain, à la caserne Pasquier du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), à Versailles-Satory, Arnaud Blanc reçoit l’hommage de la Nation et est élevé au grade de major par le président de la République, Emmanuel Macron. Il est également fait Chevalier de la Légion d’Honneur.

Le 1er avril, le major Blanc a été inhumé à Marignane. Marié à titre posthume, il avait 35 ans et était père de deux enfants âgés de deux et cinq ans.

L’héritage du major Blanc

« Il nous lègue son amour pour la France et pour la Guyane. Il nous lègue aussi son engagement pour la Nation, et nous avons désormais une dette d’engagement envers lui. » Déclaration du Président Emmanuel Macron au cours de la cérémonie d’hommage national du 31 mars 2023.

Blanka était un exemple pour les militaires de l’AGIGN.
« J’ai été affecté en même temps qu’Arnaud. C’était quelqu’un de passionné, qui a fait beaucoup pour l’unité, raconte le capitaine Sébastien, commandant l’AGIGN de Cayenne. C’était un véritable meneur d’hommes. Il comprenait rapidement les choses et était chef d’équipe et inscrit au tableau d’avancement au grade d’adjudant. Il adorait la forêt et avait une carrière promise en intervention spécialisée. Le jour du drame, il a réalisé une bonne mission, puisqu’il a réussi à s’infiltrer jusqu’au carbet, mais il a malheureusement fait face à une bande armée. S’il était encore de ce monde, je lui confierais de nouveau des missions sans hésiter. »

« Blanka était une personne exceptionnelle, qui avait le cœur sur la main. Il était simple et généreux. J’ai passé d’excellents moments tant professionnels que privés avec lui », témoigne avec émotion Christian, affecté à l’AGIGN depuis bientôt huit ans.

« J’ai rencontré Blanka en octobre 2018 alors qu’il passait les tests en intervention spécialisée. À l’époque, il voulait déjà venir en Guyane parce qu’il rêvait de vivre l’aventure de la forêt. En 2020, je suis arrivé à l’AGIGN de Cayenne alors qu’il était affecté au GOS. Il m’a incité à le rejoindre et nous avons travaillé ensemble pendant un an. Blanka a été mon parrain à cette époque. Il m’a initié aux filatures, à la pose de balises ou de caméras. Il était très professionnel. Qu’importe le domaine concerné, il se montrait très assidu afin de devenir meilleur, précise Romain. Il adorait la Guyane, la forêt et les opérations en pirogue. Ce qui l’attirait le plus, c’était l’aspect hors du commun de nos missions et notamment de nos infiltrations en forêt. Il aimait tout particulièrement les préparer puis les mettre en œuvre en étant héliporté, déposé au milieu de nulle part avant de marcher pendant des heures dans la jungle jusqu’aux objectifs. »

Son décès aura participé à l’adaptation des modes d’action de l’unité en forêt.
« La menace en forêt a évolué. La présence de bandes armées nous contraint à adapter nos modes d’action. Nous sommes confrontés au haut du spectre en forêt comme sur le littoral. Le risque zéro n’existe donc pas, explique le capitaine Sébastien. Nous avons néanmoins cherché à tirer les enseignements de la mort d’Arnaud. Nos interventions de nuit dans le domaine de la lutte contre l’orpaillage illégal ont par exemple changé, avec pour objectif de ne plus jamais revivre un tel drame. »

Et à l’instauration d’un devoir de mémoire.
« Il y a d’abord eu le temps du deuil. Le corps d’Arnaud a été rapatrié de la forêt et nous avons pu le veiller dans la salle des traditions de l’AGIGN avant les différentes cérémonies, poursuit le capitaine. Ce fut un moment particulièrement symbolique pour nous, car cette salle avait été imaginée puis aménagée par Arnaud. Nous avons ensuite voulu instaurer un devoir de mémoire, notamment en y intégrant les gendarmes nouvellement affectés. Lorsqu’un militaire est muté dans l’unité, je lui fais le Retour d’expérience (RETEX) de la mission menée par Arnaud et je lui explique qui était Blanka. Nous avons créé un recueil en sa mémoire et je demande à chaque nouvelle recrue de s’en imprégner. Tous les ans, je vais effectuer un pèlerinage à Dorlin, à l’endroit où est mort Arnaud, et j’y emmène des gendarmes de l’unité. »

Stèle Blanka à Dorlin.
© GEND/GR/ADC.BOURDEAU

« Nous avons tenu à créer une stèle en la mémoire d’Arnaud sur le lieu des faits. Nous avons voulu symboliser l’esprit de l’AGIGN de Cayenne en installant une pointe de pirogue contenant sa photo. Nous avons complété la stèle par un morceau de bois, sur lequel nous avons gravé tous les trigrammes (groupe de trois lettres constituant une version abrégée du nom de famille, NDLR) des militaires affectés à l’antenne au moment du drame. Arnaud faisait partie de ceux que nous appelons les coyotes à l’unité, c’est-à-dire qui sont le plus aguerris au milieu nautique, et notamment au maniement des pirogues », précise celui que les militaires de l’AGIGN surnomment « papi ». « Après l’installation de la stèle, nous avons emmené sa conjointe sur place pour qu’elle puisse se recueillir et nous lui avons fait survoler la forêt équatoriale afin de lui faire découvrir concrètement la mission de lutte contre l’orpaillage illégal et le combat mené par Arnaud », complète le lieutenant Julien Massard, commandant la Section aérienne de gendarmerie (SAG) de Cayenne.

Affiche du gala de boxe en hommage à Arnaud Blanc.
© GEND/GR/ADC.BOURDEAU

« Le dimanche matin, nous effectuons des entraînements de boxe avec des camarades de l’AGIGN. À l’époque, Arnaud nous a rejoints et a rapidement proposé de créer un gala de boxe interarmées, explique Romain. Le projet s’est concrétisé dès 2021 et a été un véritable succès. Le gala a réuni 400 personnes et l’intégralité des bénéfices a été reversée à la Maison de la Gendarmerie. La deuxième édition devait se tenir l’année de la mort d’Arnaud. Après le drame, nous avons décidé d’organiser chaque année l’événement en sa mémoire afin de collecter des fonds pour venir en aide à sa famille. Le gala, organisé le 2 juin 2023, a généré un véritable engouement. Cette année, il s’est tenu le 22 mars et a de nouveau connu une très forte participation. Mais il n’est pas la seule action que nous perpétuons en hommage à Blanka. Un WOD de crossfit a également été créé. Nous avons aussi accueilli ses proches et nous entretenons le lien avec sa femme. Nous avons compilé des témoignages dans un recueil auquel ont pu participer tous ceux qui l’ont connu. Nous en avons fait deux exemplaires, dont un a été donné à sa famille. En grandissant, ce livre aidera les enfants d’Arnaud à comprendre qui était vraiment leur père. »

Les militaires de l’AGIGN de Cayenne ont également reçu l’autorisation de rebaptiser le carbet de la gendarmerie de Guyane situé sur la rivière Kounana. « La plaque commémorative a été apposée sur la devanture l’année dernière, complète Nicolas, affecté à l’unité après le drame. Le carbet Blanka nous rappelle qu’Arnaud constitue notre héritage. »

La disparition du Major Blanc résonne encore aujourd'hui. La dixième promotion des cadets de la gendarmerie de Haute-Savoie l'a ainsi choisi comme parrain.

Le poste fixe de Dorlin, comme un symbole

La zone de Dorlin, située dans le croissant aurifère guyanais, est historiquement une des zones particulièrement actives et rentables de l'orpaillage illégal. Ce site compte de nombreux chantiers et campements, fréquemment détruits dans le cadre de l'opération Harpie. En 2012, deux militaires du Commando de recherche et d’action en jungle (CRAJ) du 9e Régiment d'infanterie de marine (9e RIMA) et deux militaires du Groupe de pelotons d’intervention (ancienne dénomination des AGIGN) avaient été respectivement tués et blessés par balle lors d’une embuscade. En réaction, un Poste avancé opérationnel tactique (POAT) armé par la gendarmerie et les Forces armées de Guyane (FAG), avait été mis en place d'octobre à décembre 2022, puis de janvier à mars 2023. À cette époque, les militaires qui tenaient la zone avaient dû être engagés sur un autre site particulièrement orpaillé. En l’absence du poste fixe, la mission Nivré avait été conçue sous la responsabilité d’Arnaud Blanc. Elle visait à déstabiliser les agissements des garimpeiros (chercheurs d’or clandestins, NDLR). C’est au cours de cette opération qu’il perdit la vie.

POAT de Dorlin
© GEND/GR/ADC.BOURDEAU


Après le drame, le poste a été rétabli et renforcé. Les gendarmes et militaires des FAG, présents en permanence sur place, empêchent la réinstallation des garimpeiros. Des missions de lutte contre l’orpaillage illégal sont également menées en profondeur à partir de ce point.

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