70 ans des FAGN : entretien avec le général Emmanuel Josse, commandant des Forces aériennes de la gendarmerie nationale

  • Par Antoine Faure
  • Publié le 07 septembre 2023
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Les Forces aériennes de la gendarmerie nationale célèbrent, ce jeudi 7 septembre, leurs 70 années d’existence. Leur commandant, le général Emmanuel Josse, revient sur leur genèse, leur évolution et dresse les perspectives d’avenir.

Général, pouvez-vous nous résumer votre parcours avant votre prise de commandement des Forces aériennes de la gendarmerie nationale ?

Je suis entré en gendarmerie en 1992 à ma sortie de Saint-Cyr. Très vite, j’ai candidaté pour le stage d’hélicoptère, qui durait six mois à l’époque, contre quinze aujourd’hui. Je suis breveté pilote en 1994, affecté à la Section aérienne de gendarmerie (SAG) de Hyères, dans le Var, comme commandant adjoint. C’était une très bonne école pour apprendre le métier, entre pré-montagne et mer, avec de nombreuses missions de sécurité publique. Quatre ans plus tard, je prends le commandement de la SAG de Dijon, puis de celle de Pointe-à-Pitre, où il y avait là aussi beaucoup d’activité, notamment sur les îles du nord, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, avec une forte délinquance et donc d’importants besoins d’appui 3D.

J’ai ensuite suivi une formation de directeur d’enquête de sécurité aérienne. J’ai été affecté au Bureau enquêtes accident pour la sécurité de l'aéronautique d'État (BEA-É), organisme qui a pour mission d’enquêter et d’émettre des recommandations à l’issue de l’enquête, au profit des sept flottes de l’État : armée de l’Air et de l’Espace, armée de Terre, Marine nationale, Direction générale de l’armement (DGA), gendarmerie nationale, sécurité civile et douanes. Cela m’a permis d’avoir une vision plus large que l’aéronautique gendarmerie, ce qui était très enrichissant.

Après l’École de guerre, je me suis éloigné un temps de l’aéronautique, d’abord adjoint au commandant du Groupement de gendarmerie départementale (GGD) du Val-d’Oise, puis commandant de celui de l’Ardèche. J’ai ensuite eu une expérience passionnante à l’Institut des hautes études de Défense nationale (IHEDN), en qualité de coordonnateur des formations. J’ai pu encadrer des jeunes à haut potentiel et côtoyer à cette occasion des personnes avec qui je travaille aujourd’hui, dans l’industrie aéronautique ou dans les armées.

Enfin, après un second passage au BEA-É, comme adjoint au directeur, un général de l’armée de l’Air et de l’Espace, j’ai pris le commandement des FAGN en 2020. En résumé, j’ai eu un parcours classique d’officier de gendarmerie spécialiste, naviguant entre ma spécialité d’aéronaute et des temps de commandement opérationnel d’unités terrestres.

Equipage des Forces aériennes de la gendarmerie en survol de Paris pour les cérémonies du 14 juillet 2023.

Equipage des Forces aériennes de la gendarmerie en survol de Paris pour les cérémonies du 14 juillet 2023.

© Sandra Chenu Godefroy

Les FAGN fêtent aujourd’hui leurs 70 ans. Pour quelle raison peut-on considérer 1953 comme étant leur année de naissance ?

C’est une question pertinente car la gestation a évidemment été progressive. Un hélicoptère ne s’est pas posé le 7 septembre 1953, comme par magie, dans la cour d’une caserne de gendarmerie. Cela a été le fruit d’une réflexion, assez rapide à vrai dire.

Au début des années cinquante, il faut bien comprendre que l’hélicoptère est – littéralement – un OVNI : un Objet volant non identifié. Sa première mise en œuvre opérationnelle date de 1950, lors de la guerre de Corée. Dans le même temps, des gendarmes commencent à s’intéresser de près à l’engin. Le chef d’escadron Jean-Barthélémy Fouché se rend notamment à New York et voit la police de la ville équipée d’hélicoptères Bell. Il en revient avec la conviction qu’il s’agit d’un outil formidable pour faire de la sécurité. Le 15 août 1952, un test de sécurisation des flux routiers est même organisé avec un hélicoptère loué et habillé aux couleurs de la gendarmerie, dans les Yvelines, entre Paris et Rambouillet.

Fortes de l’expérience coréenne, les armées décident de se doter d’hélicoptères en Indochine, avec pour mission prioritaire l’évacuation des blessés au contact avec l’ennemi. Or, l’armée manque de soldats pour cette mission, et des gendarmes se portent volontaires à titre individuel. L’armée de Terre accepte de les former au pilotage, à condition de rentabiliser cette formation en les projetant en Indochine. Le premier stage de formation débute en septembre 1953, d’où le choix de la date du 7 septembre 1953 pour célébrer cet anniversaire. À la fin de l’année 1953, la gendarmerie acquiert ses premiers hélicoptères Bell, qui seront opérationnels en 1954, et devient la première force de sécurité intérieure en Europe occidentale à se doter d’une aviation.

Trois hélicopères de la gendarmerie en vol les uns devant les autres.
© Björn Van Der Flier / Flyhighaeromedia.com

Quelle a été l’évolution des FAGN au cours de ces 70 années ?

Nos forces aériennes ont ceci de doublement singulier qu’elles sont d’une part une des rares unités à avoir mis en pratique la théorie du continuum paix-crise-guerre, car elles naissent dans la guerre d’Indochine, puis se consolident dans la guerre d’Algérie. D’autre part, elles sont intervenues dans toutes les crises majeures survenues en France ces 70 dernières années, montrant ainsi leur caractère essentiel à la sauvegarde de nos intérêts vitaux.

Et les FAGN n’ont cessé de s’améliorer, de se transformer. Au départ, nous étions très orientés sur le secours, mais nous nous sommes vite rendu compte de la polyvalence de l’hélicoptère. C’est un outil de gestion de crise très adaptable, qui permet d’intervenir en tout temps et en tout lieu lors de catastrophes industrielles ou naturelles, de grands mouvements de population, d’attaque terroriste…

Le panel de missions a donc grandement évolué. Si, il y a une trentaine d’années, le secours représentait près de la moitié des missions, il n’en représente aujourd’hui que 18 %. Nous nous sommes recentrés sur notre cœur de métier : la sécurité publique, la recherche de malfaiteurs, l’enquête, l’interpellation, le renseignement... Avec deux grands modes d’action : en visibilité pour marquer la présence de la gendarmerie, sur les manifestations ou les grands événements sportifs ou culturels, par exemple ; ou au contraire en discrétion, en volant plus haut, de manière à voir sans être vu ni entendu.

Au plan opérationnel, on peut dire, d’une certaine manière, que les FAGN ont suivi une trajectoire inverse à celle du GIGN, qui était très centralisé avant de se déployer en région via les antennes. Nous, c’est le contraire. Dès le début, les FAGN sont un outil au service du commandant de Région, et cela n’a pas changé : les sept commandants de Région zonale de gendarmerie ont toujours la main. Mais en 1976, soit plus de 20 ans après leur naissance, il a été décidé de créer un commandement centralisé des FAGN.

Au cours de ces 70 années, les FAGN ont aussi diversifié leurs moyens d’action avec l’emploi, pendant une vingtaine d’années, de petits avions, puis, depuis une quinzaine d’années, de drones de plus en plus sophistiqués. Le drone, au départ, est une appropriation par le terrain, avec des gendarmes possesseurs d’appareils proposant au commandement de remplacer l’hélicoptère pour certaines missions. Puis l’emploi s’est professionnalisé pour devenir un volet du domaine 3D à part entière, en complément, voire en substitution, de l’hélicoptère. La gendarmerie compte désormais dans ses rangs de nombreux télépilotes de drones, pas tous dans les FAGN, mais dont le suivi des activités est assuré par le commandement des FAGN au plan de la sécurité aérienne et de l’expérience aéronautique.

Enfin, les FAGN se sont aussi largement féminisées, avec plus de 12 % de femmes parmi les 500 personnels, y compris des pilotes et des mécaniciennes. Un chiffre en constante progression.

 

Nous avons parlé du passé, du présent, mais comment voyez-vous l’avenir des FAGN ?

À très court terme, en 2024, nous aurons la création de la trentième base, à Lille, afin de couvrir la zone Nord et participer, notamment, à la lutte contre l’immigration clandestine.

À plus long terme, il faut bien comprendre que les FAGN constituent une force humaine, avec des experts de haut niveau, mais qui reste très dépendante d’une technologie qui évolue constamment. Nos aéronefs – hélicoptères mais aussi drones – seront ainsi de plus en plus connectés entre eux, et c’est aussi le cas entre les équipages en vol et les équipages au sol, qu’il s’agisse d’une patrouille de gendarmerie départementale ou d’un blindé de gendarmerie mobile. L’un des points clés de notre vision prospective, c’est cette intégration du numérique.

L’autre question tient au rôle du pilote à bord de l’appareil, mais aussi du mécanicien, qui lui a une double compétence, en vol et au sol, pour la maintenance, un modèle d’ailleurs spécifique à la gendarmerie, dont nous sommes très fiers. Le rôle du pilote et du mécanicien en vol est de plus en plus remis en question, avec un mouvement technologique qui permet désormais à l’équipage de se décharger d’une partie des contraintes du pilotage pour se concentrer sur la mission. C’est un vrai atout, mais cela comporte des contraintes, en termes de formation et de budget. Les appareils seront de plus en plus technologiques. Leur obsolescence sera donc plus rapide. Les hélicoptères d’hier duraient en moyenne 40 ans. Ceux de demain dureront moins longtemps et seront plus chers. Il nous faut donc définir le bon format de la flotte pour conserver l’efficacité opérationnelle, avec peut-être moins d’appareils, mais qui seront plus performants, encore plus polyvalents, à l’image du H160, l’hélicoptère de demain, qui va nous permettre de faire un bond technologique. À l’inverse, la réflexion sur l’achat d’hélicoptères plus rustiques et moins chers doit être également creusée, même si elle est disruptive aujourd’hui.

Ces 70 années ont été une véritable aventure humaine, qui a commencé avec des pionniers devant une page blanche, qui ont tout inventé, qui ont pris des risques, et à qui il faut rendre hommage. Nous avons su conserver cet esprit pionnier et nous en inspirer. Il nous est précieux pour écrire aujourd’hui les pages de demain, avec de nouveaux appareils, de nouvelles technologies, face à de nouveaux enjeux.

Au cours de ces 70 ans d’existence, enfin, nous avons perdu 27 des nôtres, 27 gendarmes navigants tombés en service aérien commandé, dont en cinq en mission de guerre. Nous ne les oublions pas.

Les FAGN en chiffres

  • 56 hélicoptères
  • 500 personnels
  • 29 bases (Sections aériennes de gendarmerie) : 23 en métropole et 6 en outre-mer

 

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