Opération Hygie : comment les gendarmes prennent-ils soin de ceux qui nous soignent ?
- Par Pablo Agnan
- Publié le 28 avril 2020
La crise sanitaire génère des opportunités, notamment pour les délinquants qui ont adapté leur stratégie. Face à ce changement de physionomie, les gendarmes ont lancé la riposte pour lutter contre cette nouvelle forme de criminalité, avec l’opération Hygie.
Une semaine après la mise en place des mesures de confinement, les gendarmes ont observé une « baisse de l’activité délinquante », mais restaient « très attentifs à un déplacement de l’action criminelle sur de nouvelles thématiques potentiellement liées à la crise sanitaire. » Ces mots, presque prémonitoires, sont ceux du général de division Jean-Philippe Lecouffe. Le sous-directeur de la police judiciaire de la gendarmerie énumérait, à l’occasion d’une interview accordée à 20 Minutes, les actes crapuleux en relation avec le COVID-19, auxquels les forces de l’ordre seraient confrontées dans les semaines à venir.
Et aujourd’hui, les affirmations du haut gradé s’avèrent exactes. Presque pas un seul jour ne se passe sans que les médias et réseaux sociaux ne relaient une affaire criminelle en relation, ou plutôt contre le milieu médical. Arnaques en ligne, vente de médicaments, phishing (ou hameçonnage), vol de matériels de protection… La physionomie de la délinquance s’est métamorphosée pour concentrer ses activités exclusivement sur la crise et les opportunités qu’elle génère. Et c’est notamment le secteur médical qui en fait les frais. Un constat qui a conduit la gendarmerie à riposter en lançant l’opération Hygie. Un nom à la résonance symbolique, qui renvoie à la déesse grecque de la santé. Ici, l’objectif est clair : prendre soin de celles et ceux qui nous soignent.
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261 atteintes contre des personnels soignants depuis mi-mars
Apporter une réponse globale à l’ensemble des problématiques qui touchent le milieu médical est le but de cette opération multi-rôles. « Elle contient de la prévention, de la sécurité des mobilités, de la dissuasion, des investigations et de la protection des victimes », recense le colonel Jean-François Morel, patron du dispositif au sein de la Direction des opérations et de l’emploi (DOE). « Nous visons la protection de l’ensemble du milieu sanitaire, des établissements de soins aux pharmacies, en passant par le personnel et les services qui les soutiennent. »
Pour cette mission, la gendarmerie a mobilisé ses troupes, en premier lieu desquelles les groupements. En Meurthe-et-Moselle (54), 16e département le plus touché par l’épidémie, les militaires ont mis en place, dès le début des mesures de confinement, des actions de prévention auprès des pharmacies. La prévention prend une place centrale dans le dispositif, notamment celle à destination des personnels soignants. Car depuis le début des mesures de confinement, la gendarmerie a relevé 261 atteintes contre les travailleurs du secteur médical. Une tendance malheureusement à la hausse.
Gendarmes d'Haroué
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Cette population peut être confrontée à « des vols, comme celui de leur caducée pour accéder aux hôpitaux ou circuler librement, voire des agressions et même des menaces de la part de leur voisinage, précise le colonel Morel. Il a été nécessaire de mener à leur profit des actions de sensibilisation, notamment via les ordres médicaux, comme celui des infirmiers par exemple. » Ces personnels soignants, comme ceux des EHPAD, sont exposés aussi bien au virus qu’aux plaintes, notamment des mises en cause venant des patients ou de leur famille. Actuellement, la gendarmerie recense douze dossiers liés à la surmortalité dans les EHPAD, « une tendance elle aussi à la hausse », confirme l’officier de la DOE.
La protection de l’ensemble du dispositif sanitaire ne limite pas son large champ d’action aux personnels soignants. Hygie doit aussi concentrer ses efforts sur la sécurisation et la sauvegarde des sites et des transports sensibles. « Cette tâche est supervisée par le Centre national de sécurité des mobilités (CNSM), intégré au Centre des opérations (CDO) de la gendarmerie. » Les stocks et transports de masques par exemple, matériel dit « critique », constituent un point de préoccupation très sensible. Globalement, tout le matériel médical en relation avec la crise sanitaire fait l’objet d’une attention très particulière de la part des militaires, notamment le matériel de protection mais aussi les médicaments.
Le cyberespace, nouvel Eldorado des criminels
Les « molécules miracles », comme la chloroquine ou plus récemment la nicotine, sont également dans le viseur des enquêteurs. Et depuis le début de la crise sanitaire, matériel médical et remèdes en tout genre se sont retrouvés en masse sur le Web. Le cyberespace constitue la face cachée de cette opération, où les militaires du Pôle national de lutte contre les cybermenaces (PNcyber) sont en première ligne. C’est grâce à une surveillance accrue et quotidienne du Web que les gendarmes ont réalisé leurs plus gros coups de filet, comme lorsqu’ils ont fait fermer sept sites frauduleux de vente en ligne, proposant masques, gants, gel hydroalcoolique et tests de dépistage. Tous des arnaques, évidemment.
Les cybercriminels profitent de la désorganisation générale au début des crises, car il y a plus d’opportunités. Mais il faut rester vigilants, de nouveaux sites sont découverts chaque semaine.
À l’heure actuelle, les cyberenquêteurs constatent une baisse de la volumétrie des arnaques en ligne par rapport aux premières semaines. « Les cybercriminels profitent de la désorganisation générale au début des crises, car il y a plus d’opportunités. Mais il faut rester vigilants, de nouveaux sites sont découverts chaque semaine », prévenait dernièrement le colonel Éric Freyssinet. Et effectivement, le patron du PNcyber ne s’était pas trompé : les 8 et 9 avril, les gendarmes du groupe d’appui et de renseignement de la Section de recherches des transports aériens (SRTA) ont interpellé deux hommes soupçonnés de vendre des attestations à l’en-tête de l’AP-HP, véritables sésames pour circuler en cette période de confinement.
Une réussite rendue possible grâce au soutien des militaires de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP). Depuis le début de la crise sanitaire, ils ont en effet réalisé 127 appuis auprès des différentes unités chargées des enquêtes, comme les brigades et les sections de recherches. « L’OCLAESP joue un rôle prépondérant du fait de son expertise et des contacts qu’il entretient avec les pôles santé publique judiciaire et avec les acteurs majeurs du secteur », précise le colonel Jean-François Morel. Et il y en aura certainement d’autres...
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