Chloroquine : un trafic en pleine expansion
- Par Pablo Agnan
- Publié le 02 avril 2020

La vente en ligne de chloroquine explose ! Le 31 mars, 70 sites proposant à la vente cet antipaludique ont été fermés par les gendarmes. Mais le phénomène continue de prendre de l’ampleur. Enquête sur un trafic inédit.
« Acheter chloroquine » : il suffit de taper ces deux mots dans n’importe quel moteur de recherche pour tomber sur une liste vertigineuse de résultats. Si le débat fait actuellement rage en France, comme partout dans le monde, pour statuer si son utilisation est bénéfique ou non pour le traitement des patients atteints de COVID-19, cet antipaludique est d’ores et déjà considéré par beaucoup comme le remède miracle. Et cette donnée n’a pas échappé aux escrocs en tout genre, qui proposent de vendre de la chloroquine via des sites Internet. En l’espace de quelques semaines, leur nombre s’est démultiplié.
« C’est irrationnel, on n’a jamais vu ça », commente même Éric Vernier, spécialiste du blanchiment de capitaux et de la fraude en entreprise, auteur d’une tribune sur le commerce illégal de chloroquine. « Il s’agit simplement de la loi de l’offre et de la demande. Et actuellement, la demande est très forte. C’est un rêve pour les criminels. »
Si pour l’instant, aucun réseau de trafiquants n’a encore été formellement identifié, les gendarmes de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) sont « en alerte permanente » sur le sujet, comme l’assurait le général de division Jean-Philippe Lecouffe, sous-directeur de la police judiciaire au sein de la gendarmerie nationale (PJGN) à 20 minutes.
Fermeture de 70 sites Internet proposant de la chloroquine
« Il y a un trafic d’ordonnances pour se procurer de la chloroquine ou des produits antipaludéens s’en approchant, on le sait. Plein de sites ont aussi vu le jour en affirmant en vendre. C’est évidemment une escroquerie », ajoutait le haut gradé dans la même interview. Une partie de ces sites Internet a d'ailleurs été mise hors-service le 31 mars, par une task force de gendarmes.
Au total, 70 sites et blogs de vente illicite de chloroquine ont été fermés, après un travail de longue haleine conduits par des militaires de la Section de recherches (S.R.) de Strasbourg, sous la houlette de NTECH, spécialisés en matière de lutte contre la cybercriminalité.
Une veille poussée a permis aux enquêteurs d’identifier des dizaines de sites hébergés en France, par les plateformes Eklablog et d'Overblog, qui proposaient la vente de chloroquine. Les liens actifs sur les différentes pages renvoyaient automatiquement les internautes vers quatre plateformes hébergées en Allemagne, aux États-Unis et en Chine et qui demeurent pour certaines encore actives aujourd’hui. Leurs serveurs, basés à l’étranger, ne peuvent pas être neutralisés, du fait de leur lieu d'implantation.
La parfaite collaboration avec les administrateurs d’Eklablog et d'Overblog a permis de mettre en lumière un piratage d’une soixantaine de pages Web tout à fait légales et hébergées en France, qui renvoyaient vers les mêmes plateformes. Cette technique permettait aux escrocs d’obtenir un très haut référencement par Google. Au total, ces pages ont été fréquentées par plus de 43 000 visiteurs entre le 1er et 29 mars, principalement en France et en Italie. « La fermeture de ces sites est à titre préventif, pour éviter que d’autres personnes ne se fassent piéger », précise le lieutenant-colonel Jean-François Fevre, numéro 2 de la S.R. de Strasbourg. « Mais on ne peut pas tout faire fermer. Quand on bloque un site, un nouveau apparaît presque immédiatement », un peu comme l’Hydre de Lerne, qui lorsqu’une de ses têtes est tranchée, en voit deux autres repousser quasi-simultanément.
134 euros pour 100 gélules, consultation et ordonnance offertes
Si les sites proposant de la chloroquine poussent comme des champignons, c’est à cause d’une demande exponentielle, provenant essentiellement « de monsieur et madame tout le monde », précise Éric Vernier, également chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). « Les criminels vont vendre aux plus offrants et, actuellement, ce sont les gens normaux qui cherchent à s’en procurer. »
D’où l’explosion de pages proposant de la chloroquine ou autres antipaludiques sur le « clear web ». L'un d'eux, domicilié aux Seychelles, pays ajouté au début de l’année 2020 par l’Union européenne sur sa liste noir des paradis fiscaux, propose une boîte de chloroquine pour la modique somme de 72 euros, sans ordonnance, alors que le paquet de 30 comprimés coûte un peu plus de 4 euros dans une pharmacie française.
Un autre fait encore plus fort en proposant 100 gélules pour 134 euros, consultation médicale et ordonnance incluses. Là encore, l’adresse physique qui héberge le site est bien réelle, mais la société qui l’occupe l’est beaucoup moins. Les numéros de téléphone indiqués sur leur site générique et leur page Facebook sont soit en attente, soit non attribués. Celle-ci a d'ailleurs été épinglée en 2015 dans l’affaire des Panama Papers.
Les gendarmes poursuivent leurs investigations pour identifier d’autres plateformes frauduleuses. D’autres sites ont déjà été identifiés, créés à partir d’adresses I.P. localisées en Russie, probablement derrière des réseaux privés virtuels (abrégé VPN pour Virtual Private Network). Des recherches plus poussées font également apparaître que, pour accroître le référencement, des hackers ont procédé à des injections SQL1 sur des sites existants.
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