« Foudre », un exercice de contre-terrorisme en conditions réelles à Orly
- Par la capitaine Céline Morin
- Publié le 08 mars 2017
Du 6 au 7 mars 2017, un exercice de contre-terrorisme a engagé les acteurs du Schéma national d'intervention sur l'emprise de l'aéroport d'Orly.
Aéroport d’Orly – 6 mars. Il est près de minuit. Le trafic aérien s’est arrêté pour la nuit et s'apprête à laisser place à une tout autre effervescence. Cette nuit, en effet, l’aéroport sera le théâtre d’un exercice joué en conditions réelles et visant à mettre en œuvre, pour la première fois, les acteurs du Schéma national d’intervention (SNI) : primo-engagés, primo-intervenants et les deux unités nationales d’Intervention spécialisée (I.S.) de la gendarmerie et de la police nationales, ainsi que la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) de la préfecture de police de Paris, auront leur rôle à jouer.
L’objectif : tester les procédures prévues par le SNI, plus particulièrement l’engagement et la complémentarité des différents échelons ainsi que la coordination des unités d’intervention spécialisée. Conjointement avec la préfecture du Val-de-Marne et le groupe Aéroports de Paris, l’Unité de coordination des forces d’intervention (UCOFI), à l'origine du SNI, a donc élaboré, dans le plus grand secret, un scénario inspiré des attaques simultanées de 2015 à Paris et de celle perpétrée à l'aéroport de Bruxelles en 2016. Résultat : un exercice nocturne imposant aux unités de nombreuses contraintes, en termes de temps, de confinement des lieux, de faible luminosité, d'obligation de discrétion…
Trois attaques simultanées
Il est minuit passé quand un groupe de terroristes s’attaque à un avion en phase d’embarquement et prend les passagers en otage. Averti de la situation, le commandant de la compagnie de la Gendarmerie des transports aériens (GTA) d’Orly engage rapidement ses différents moyens. Dans le même temps, le GIGN est alerté.
Deux sections de la Force Intervention, soit une quarantaine de militaires, se mettent immédiatement en route. Le Psig Sabre de la GTA prend position autour de l’avion, à distance d’observation. Les militaires doivent assurer le bouclage de la zone jusqu’à l’arrivée du GIGN et être en mesure de renseigner le commandement, mais aussi d’intervenir en cas de mise en danger immédiate de la vie des otages.Au même moment, l’aérogare d'Orly est le théâtre d’une deuxième attaque.
Au contact des fonctionnaires de la Police aux frontières (PAF) et des militaires de Sentinelle, les terroristes se retranchent avec des otages dans des sanitaires. Dans un mouvement de panique, une partie des personnes présentes dans l’aérogare prend la fuite en direction des pistes. La GTA est alors rapidement engagée sur site pour contenir l'envahissement du tarmac.
Il s’agit d’assurer la sécurité de ces personnes en évitant un suraccident mais aussi de vérifier qu’aucun terroriste ne s’est glissé dans la foule. Une équipe cynophile de la GTA spécialisée en recherche d’explosifs est à pied d’œuvre. Une troisième prise d’otage se déroule dans un Orly bus en provenance de Paris. Pris en chasse par la force d’intervention rapide de la BRI, le véhicule se dirige vers l’aéroport.
Un dispositif de bouclage de l’emprise aéroportuaire, auquel contribue activement la GTA, est mis en place pour prévenir toute tentative d’intrusion supplémentaire profitant des événements en cours. Les gendarmes renforcent également la protection des points d’intérêt vital, comme la tour de contrôle.
Phase de négociation
Un des preneurs d'otage de l’avion fixe un ultimatum à 1 h 50. La phase de négociation est engagée. Les éléments recueillis permettent d’alimenter le Poste de commandement (P.C.) tactique du GIGN et le P.C. de crise I.S., où les commandants du GIGN, du Raid et de la BRI coordonnent leur tactique. Dans le même temps, les hommes des trois unités d’intervention spécialisée se préparent à l'assaut.Au P.C. autorité, le préfet du Val-de-Marne est à la manœuvre.
Il bénéficie du report d’images en provenance directe des trois sites. L’hélicoptère de la gendarmerie permet notamment la retransmission d’images thermiques permettant de connaître la position des terroristes et des otages dans l’avion.
Assaut coordonné
La négociation ne vient pas à bout de la détermination des preneurs d'otages. Ces derniers avancent l’heure limite de leur ultimatum à 1 h 35. Tout va alors s’enchaîner très vite. Ce revirement précipite la mise en place des trois unités d'intervention. Les trois opérations étant liées, les assauts devront être simultanés.
Au regard de la sensibilité de la prise d’otages dans l’avion, le général Hubert Bonneau, commandant du GIGN, endosse, comme le prévoit le SNI, la fonction de coordinateur des forces d’intervention spécialisée afin d’assurer la synchronisation les forces. Chaque unité reste toutefois maîtresse de sa propre manœuvre. Le GBR Bonneau propose alors un assaut d’urgence au préfet qui valide la tactique.
À 1 h 25, le commandant du GIGN annonce un « time on target » à six minutes. 1 h 29 : les colonnes d’assaut sont prêtes. 1 h 31 : le top action est donné. L’assaut est simultané sur les trois sites. Tout se déroule sous le signe de la fulgurance. Un élément clé dans le traitement de ce type de crise.
Neutralisation des terroristes
Sur le tarmac, des hommes du GIGN sécurisent le périmètre. Un terroriste est neutralisé au pied de l’avion. Le Sherpa et le Swatek abordent l'appareil. En un éclair, les militaires du GIGN ouvrent les deux portes latérales de l’avion, investissent la carlingue, neutralisent les terroristes, puis évacuent les otages par les échelles de leurs véhicules d’intervention… Bras écartés du corps, puis mains sur la tête, les otages libérés sont pris en compte par petits groupes et conduits à l'écart de l'appareil, derrière un hangar.
Avant de les remettre à l’unité territorialement compétente, les militaires du GIGN, renforcés par les gendarmes du Psig Sabre, contrôlent et fouillent les passagers et leurs sacs, avec l’appui d’un chien « explo », pour s’assurer qu’aucun terroriste ne figure parmi eux. Une opération de dépiégeage est également menée dans l’appareil. Sur chaque site, ce sont les mêmes scènes, les mêmes gestes.Les otages sont sains et saufs. Mission accomplie. Pour toutes les forces en présence, l'heure est au débriefing.
Débriefing
À l’heure du débriefing, le LCL David Drouaud, chargé de projets à l’UCOFI, revient sur l’esprit de l’exercice : « Nous avions choisi de concentrer l’exercice sur un seul et même site où il nous serait possible d'engager, sous couvert de l'UCOFI, les deux forces nationales d'intervention spécialisée et celle de la P.P. Cet exercice, au cours duquel nous avons imposé de nombreuses contraintes, a permis de faire travailler les unités sous pression face à un délai très court imposé par l’ultimatum des terroristes.
Les trois forces ont dû mener un assaut d’urgence dans un cadre très contraint en termes de temps et d'espace, pour sauver les otages. D’où le nom de l’exercice : « Foudre » ! Cela démontre que la coordination entre les unités d’I.S. est indispensable lors d'une attaque multisites. Le fait de se connaître ne suffit pas, il faut pratiquer et mettre en œuvre les procédures prévues par le SNI. »Le colonel Benoît V., chef d'état-major opérationnel du GIGN, explique les difficultés inhérentes au scénario mis en place pour les unités d’intervention :
« Nous nous sommes retrouvés face trois crises ; chaque unité a géré la sienne. Ce type d’exercice permet notamment de travailler la coordination entre les unités d’intervention spécialisée. Nous avons joué ce qui s'est passé dans la réalité en janvier 2015. Il n'y a que deux façons de se coordonner dans ce genre de situation : soit en plaçant un officier de liaison de chaque unité au sein des différents P.C. tactiques, soit en activant un seul et même P.C. pour l'intervention spécialisée . réunissant chaque chef d’unité. Dans ce scénario, les opérations étant liées par une crise commune, la simultanéité de l'assaut sur les trois sites et donc la coordination entre les unités étaient une absolue nécessité. »
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« L’urgence de la situation a voulu que nous déclenchions un assaut d’urgence. Cette contrainte de temps est venue s'ajouter à la manœuvre. C'est allé très vite. Mais les unités parlent le même langage et se sont donc entendues très facilement. Au-delà de cet aspect, cela nous a permis, au GIGN, comme aux autres unités, de nous exercer sur nos modes d'action et de travailler des points particuliers comme la remontée de renseignement, la transmission des informations, la planification de l’assaut d’urgence, la gestion et la fouille des otages en lien avec le Psig Sabre GTA, etc. »
Enfin, le lieutenant-colonel Éric Espinal, commandant le groupement GTA Nord explique l’importance d’un exercice de ce genre sur un terrain aussi complexe qu’un aéroport :
« La GTA a engagé une quarantaine de militaires des BGTA d’Orly et d’Athis-Mons ainsi que du Psig Sabre d'Orly. Sur les missions principales et secondaires qui nous étaient dévolues, le bilan est vraiment positif et enrichissant. Nous avons pu mettre en œuvre l’ensemble des actions de notre ressort sur le secteur de l’aéroport, qui reste un environnement très complexe au regard de la présence de différents sites sensibles et plusieurs entrées. Cela permet aussi de mettre le doigt sur les points à améliorer dans les procédures d’engagement et de coordination entre l’ensemble des acteurs de la plateforme. »
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