La chancellerie, un outil à forte valeur ajoutée au cœur des ressources humaines
- Par Antoine Faure
- Publié le 07 janvier 2025
Valoriser les personnels dans leurs actions méritoires et leurs parcours de carrière, et garantir le respect du Code de déontologie en gendarmerie par la mise en œuvre adaptée des sanctions du Code de la Défense, telle est la mission confiée au bureau de la chancellerie de la Direction générale de la Gendarmerie nationale (DGGN). Un travail de l’ombre destiné à mettre les autres en lumière. Présentation d’un métier méconnu et sensible de la filière R.H.
Dans leurs locaux de la Sous-direction de l’accompagnement du personnel (SDAP), au sein de la Direction générale de la Gendarmerie nationale (DGGN), les dix-sept membres du bureau de la chancellerie - officiers, sous-officiers, militaires du Corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale (CSTAGN) et personnels civils -, instruisent le niveau DGGN des demandes de récompenses, de décorations et de sanctions disciplinaires.
Conseil et accompagnement
Une partie de ce processus consiste à recueillir et à analyser des informations, tout en veillant à ce que la matérialité des faits méritoires ou des comportements fautifs soit clairement établie.
Ainsi, les chanceliers sont-ils amenés à échanger régulièrement avec les unités subordonnées, en vue de s’assurer de la juste adéquation entre les actions méritoires accomplies et les récompenses envisageables.
De la même manière, ils veillent à ce que l’engagement dans la prise de responsabilités au cours d’une carrière puisse être valorisé uniformément par l’accès à un dispositif de décoration.
Sur le volet disciplinaire, les chanceliers jouent un rôle important en matière de conseil aux formations administratives, en veillant notamment à ce que les droits dont bénéficie le militaire mis en cause soient respectés.
Cette mission de conseil et d’accompagnement implique une véritable technicité que seule l’expérience permet d’acquérir avant d’en maîtriser pleinement les subtilités.
Le bureau de la chancellerie est organisé en trois sections : décorations, récompenses et discipline. Son activité est en partie rythmée par l’objectif que constituent les grandes cérémonies officielles annuelles : celle du 16 février, au cours de laquelle la gendarmerie rend hommage à ses personnels décédés ou blessés en service, mais également à ceux ayant accompli des actions héroïques ; celles du 8 mai, du 14 juillet et du 11 novembre qui, dans le cadre du devoir de mémoire, offrent une occasion solennelle de remettre des récompenses et des décorations prestigieuses.
Le bureau de la chancellerie se doit également de répondre à toute sollicitation dans le cadre de la préparation de visites officielles du président de la République ou du Premier ministre, mais également des déplacements du Directeur général ou du Major général de la Gendarmerie nationale.
L’engagement du bureau est systématique lorsque, malheureusement, un camarade décède victime du devoir et qu’il est nécessaire d’agir dans l’urgence, afin que la Nation, incarnée par les autorités de l’État, lui rende hommage à travers une remise de décorations à titre posthume.
Au-delà des différents cadres d’intervention du bureau de la chancellerie, il convient de bien mesurer ce que recouvre le champ des récompenses et des décorations afin de mieux cerner le périmètre de la chancellerie dite « positive ».
Les récompenses
Les récompenses constituent, pour toute autorité hiérarchique, un outil de valorisation des personnels s’étant démarqués par une action ponctuelle méritoire, « dont il faut faire une description exhaustive pour la récompenser à sa juste valeur, sachant que, si on la surestime trop, on risque de dévaloriser la récompense », explique le colonel Jean-Marc Audoin, chef du bureau de la chancellerie.
Ce sont les chefs qui constatent les mérites qui ont la possibilité de proposer une récompense. De manière générale, il s’agira du commandant de la Compagnie de gendarmerie départementale (CGD) ou de l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM), mais il peut arriver que le commandant d’une brigade territoriale soit à l’origine de la demande. La hiérarchie est tout de suite informée, et le groupement ou la région de gendarmerie a la possibilité de reprendre la main. « Un échange commence alors entre le bureau de la chancellerie et la formation administrative, afin d’obtenir tous les éléments factuels nécessaires pour que le militaire obtienne une récompense à la hauteur de son mérite, poursuit le chef du bureau. Le SDAP dispose d’une délégation du Directeur des ressources humaines de la Gendarmerie nationale (DRHGN) pour valider cette récompense. »
Ces dernières années, l’augmentation du nombre de grands événements, nécessitant une forte contribution des Forces de sécurité intérieure (FSI), et des dispositifs de sécurisation d’ampleur, face à des crises de haute intensité à fort engagement opérationnel, a mécaniquement accru le nombre des sollicitations pour récompenses. « On constate parfois une certaine impatience de la part des chefs, comme des gendarmes concernés, note le colonel Audoin. Les chefs veulent valoriser le travail de leurs militaires, ce qui est normal, et ces derniers ont aussi une attente légitime de reconnaissance ; pour autant, la hausse du volume des demandes ne nous permet pas toujours de récompenser les faits méritoires aussi rapidement que nous le souhaiterions. Si les attentes sont légitimes, on ne perçoit pas toujours le travail minutieux, technique et sensible qui se cache derrière le traitement équitable des dispositifs d’ampleur. »
Les décorations
Contrairement aux récompenses, qui concernent donc une action ponctuelle, les décorations ont vocation à valoriser un parcours de carrière sur un temps plus long, marqué par un engagement dans les responsabilités et le commandement. Cette reconnaissance de l’État se matérialise par l’entrée dans l’ordre national de la Légion d’honneur et du Mérite, ainsi que par la concession de la Médaille militaire.
Concernant la sélection pour la Médaille militaire, les commandants de formation administrative sont sollicités pour prioriser les meilleurs profils, en tenant compte essentiellement de critères spécifiques d’ancienneté, de mérites opérationnels variés, de l’engagement sur des postes de commandement, des responsabilités exercées et de la mobilité géographique et fonctionnelle.
Le bureau de la chancellerie affine ensuite la sélection afin de la faire entrer dans le contingent annuel de décorations octroyé par le ministère des Armées, avant de la soumettre au Directeur des ressources humaines (DRHGN).
Concernant la Légion d’honneur et l’ordre national du Mérite, c’est le bureau de la chancellerie qui, après étude des profils et selon les critères imposés par la Grande chancellerie de la Légion d’honneur, propose une liste de candidats priorisés sur la base de leur parcours de carrière, en respectant le contingent annuel fixé par le ministère des Armées.
C’est une commission, présidée par le Major général (pour l’ordre national du Mérite) et par le Directeur général de la Gendarmerie nationale (pour la Légion d’honneur), qui arrête la liste des candidats qui seront présentés au ministère des Armées.
Le bureau des promotions militaires du ministère des Armées étudie ensuite en détail les dossiers proposés par la gendarmerie, avant de les transmettre à son tour vers la Grande chancellerie de la Légion d’honneur pour un nouvel examen minutieux de chaque candidature. Lors de cette ultime étape, cette instance, dont le président de la République est le grand maître, écarte encore parfois un profil, le plus souvent parce que le candidat est jugé trop jeune ou n’a pas encore occupé de responsabilités appréciées comme suffisantes au regard de l’éminente distinction en jeu.
Les sanctions disciplinaires
Comme le dit la devise d’un célèbre quotidien national, citant Beaumarchais dans le Mariage de Figaro : « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ». C’est donc, en parallèle des 45 000 récompenses accordées par an, en moyenne, que sont prononcées quelque 3 000 sanctions. Un levier tout aussi important pour les chefs pour leur permettre d’affirmer l’importance du respect des règles déontologiques qui doivent guider l’action de chaque militaire. On distingue à cet effet trois grands groupes de sanctions : le premier va de l’avertissement au blâme du ministre ; le deuxième englobe les sanctions pécuniaires ; le troisième va du retrait d’emploi sans solde à la radiation, qui concerne les cas les plus graves.
Les dossiers disciplinaires sont transmis par les commandants de formation administrative, s’ils estiment qu’ils doivent être traités au niveau du DGGN, lequel dispose d’une délégation du ministre des Armées pour prononcer une sanction du haut du spectre. « Le bureau de la chancellerie a un rôle de conseil sur la pertinence d’une sanction, et son niveau, en fonction des éléments matériels et du contexte, mais il ne s’agit que d’une préconisation », précise le colonel Audoin.
Après étude des dossiers qui leur sont transmis concernant les sous-officiers et gendarmes adjoints volontaires, les rédacteurs du bureau de la chancellerie soumettent une ou plusieurs propositions au DGGN pour décision. Concernant les officiers, le DGGN fait suivre les propositions de sanctions les plus lourdes au ministre des Armées, qui prend la décision.
Il est donc évident que l’impact des décorations, récompenses et sanctions disciplinaires est sensible sur la carrière d’un militaire et implique donc des chanceliers rodés aux subtilités des procédures, parfois jugées rigides, et une bonne connaissance de la « mécanique » chancellerie. Pour cette raison, les personnels du bureau de la chancellerie sont régulièrement engagés dans des séances de formation ou d’information à destination tant des chanceliers des formations administratives, que des autorités hiérarchiques ou des membres des instances de concertation.
La formation
Parce que les sanctions, comme les récompenses et les décorations, sont des leviers R.H. à part entière et des outils de management indispensables pour les chefs militaires, le bureau de la chancellerie intervient dans le cadre de la formation des officiers, lors du stage d’Enseignement militaire supérieur de 1er niveau (EMS 1), et de celle des futurs commandants de groupement ou de région, afin d’appeler leur attention sur certains points clés essentiels dans ce domaine. Le bureau sensibilise aussi les conseillers concertation de 2e et 3e niveaux dans le cadre de leur rôle de conseil aux chefs dans leurs prises de décisions.
Une formation spécifique des chanceliers a été mise en place fin 2023 à destination de tous les nouveaux chanceliers, afin de leur donner les bases indispensables pour appréhender leur nouveau périmètre missionnel.
Ce domaine particulier de la gestion R.H. implique donc de disposer de techniciens devant développer un certain nombre de qualités nécessaires à la fiabilité qu’il convient d’acquérir dans le traitement des dossiers, tous différents les uns des autres.
Les qualités d’un chancelier
L’efficacité du chancelier implique des qualités rédactionnelles avérées, une aptitude à manier la langue française avec aisance, des facultés d’organisation, d’analyse et de synthèse solides. Son sens de l’initiative doit également être développé dans le cadre de l’instruction de ses dossiers et son aptitude à travailler en équipe affirmée.
Enfin, la chancellerie étant un domaine éminemment sensible, il est essentiel que le chancelier prenne en compte l’impérative nécessité d’une discrétion professionnelle sans faille, compte tenu de la confidentialité des travaux.
Ainsi, les personnels du bureau de la chancellerie sont les garants de la valorisation équitable des personnels et de la protection de leurs droits lorsqu’ils doivent parfois répondre de leurs manquements déontologiques.
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