Mission Syracuse : dans les airs ou sur les flots, la gendarmerie de l’Armement au premier plan

  • Par la lieutenante Floriane Hours
  • Publié le 06 novembre 2023
Chargement des colis de la mission Syracuse
© Gendarmerie de l'armement

En octobre 2019, la gendarmerie de l’Armement est mandatée pour une nouvelle mission : l’élaboration d’un dispositif de sécurisation et d’escorte de satellites militaires, de son lieu de conception, à Toulouse, à son point de lancement, à Kourou, en Guyane. Dans un premier temps aériennes, ces escortes deviendront, au fil du temps, maritimes. Une mission complexe et de forte intensité à laquelle va participer à plusieurs reprises le maréchal des logis-chef Maxence, affecté à la brigade de gendarmerie de l’Armement de Toulouse.

Le transport d’ISC (Informations et Supports Classifiés), pouvant aller d’un simple pli ou clé USB à un matériel de guerre ou assimilé tel qu’un missile, est l’une des missions identifiées des militaires de la gendarmerie de l’Armement. Toujours de haute sensibilité, ces opérations sont conduites dans la plus grande discrétion, et ce, malgré la taille parfois hors norme des matériels transportés.
Parmi ces missions, qui s’étendent régulièrement sur plusieurs jours, certaines, plus rares et plus incroyables que d’autres, laissent dans l’esprit des gendarmes qui les réalisent, des souvenirs impérissables. C’est le cas du maréchal des logis-chef Maxence. Arrivé en gendarmerie après avoir servi au sein du 3régiment d’infanterie de marine de Vannes, le chef intègre, en premier poste, l’escadron de gendarmerie mobile 14/5 de Bourg-Saint-Andéol, avant de rejoindre, quatre ans plus tard, via un appel à volontaires, le groupe de protection de la gendarmerie de l’Armement à Arcueil, où il obtiendra son brevet TEASS (Technique d’Escorte d’Autorité et de Sécurisation de Site délivré par le GIGN, NDLR).

En 2017, il intègre la brigade de gendarmerie de l’Armement de Toulouse, en charge de la protection du secret de la défense au sein du site de la DGA/TA (Direction Générale de l’Armement - Techniques Aéronautiques). C’est sur ce site, en périphérie de la ville rose, que le militaire, fort d’une solide expérience acquise au travers de ses années de service, notamment lors de son affectation au groupe de protection, va vivre pour la première fois cette fameuse escorte, l’une des plus singulières de sa carrière : celle du satellite Syracuse.

Dans les airs de Toulouse…

Tout commence en 2020. Alors que la situation internationale est stabilisée et que la guerre en Ukraine n’a pas encore éclaté, à Toulouse, le chef Maxence est appelé par son commandement pour participer à l’une des plus importantes missions d’escorte : celle du satellite militaire Syracuse. L’objectif de cette mission : assurer l’intégrité et la protection du satellite durant son transport de Toulouse, où il est fabriqué, à Kourou, d’où il sera envoyé dans l’espace.

Après une préparation de plusieurs semaines, durant lesquelles l’ensemble du dispositif sera élaboré et les protocoles définis, les personnels de la brigade de gendarmerie de l’Armement de Toulouse lancent la phase colisage, la dernière étape avant le grand départ, comme l’explique le chef Maxence : « Le colisage, c’est l’inventaire, le contrôle, puis le placement sous scellé de matériels classifiés, garantissant ainsi la traçabilité des colis qui vont être conditionnés en deux containers, l’un pour le satellite et l’autre pour l’intelligence technique (un ensemble de matériels permettant le contrôle d’éléments assurant le bon fonctionnement du satellite, NDLR). L’effectif de notre unité est fortement impacté par cette séquence, puisque se conjuguent une action de contrôle et une action de protection. »

Cette phase colisage prend fin avec la fermeture des containers et l’apposition des scellés diplomatiques par un représentant du MEAE (Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères) dépêché sur place. Ce placement sous statut « Valise Diplomatique » est essentiel afin de garantir la protection juridique internationale des matériels contenus dans les caisses maritimes. Dès lors, le chef Maxence devient, pour le temps de la mission, porteur d’un passeport diplomatique et d’une lettre de mission émise par le MEAE (cette action caractérise le transfert de responsabilité légale, NDLR). Après la phase administrative, débute la phase dynamique, celle de l’escorte du convoi exceptionnel constitué pour l’occasion. Appuyé dans cette tâche par les militaires de la Gendarmerie des transports aériens (GTA) de Blagnac, le chef d’escorte organise et dirige la protection dudit convoi vers l’aéroport, où un avion les attend. « À partir du moment où les scellés diplomatiques sont posés sur les colis, une surveillance H 24 est mise en œuvre. L’escorte démarre quant à elle depuis le site industriel jusqu’à la zone dédiée de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, où nous supervisons également le chargement dans le transporteur désigné, généralement un Antonov 124 ou un Iliouchine 76. Il faut bien comprendre qu’en tant que personnel désigné sur la lettre de mission du MEAE, je porte la responsabilité du statut « valise diplomatique » des matériels et je me dois d’en garantir l’inviolabilité. »

Une fois les deux colis chargés, l’avion décolle. Le maréchal des logis-chef et le chef de la mission sont seuls à bord pour assurer l’escorte. Durant les 9 à 10 heures de vol, les gendarmes vont ainsi procéder à des contrôles systématiques des scellés et s’assurer que rien ne dysfonctionne dans les arrimages. Dans un avion-cargo au confort plus que rudimentaire, ils vont ainsi se relayer, sous le regard parfois inquiet des autres voyageurs (techniciens, ingénieurs œuvrant pour l’industriel, membres d’équipage).
« La difficulté à ce moment-là est de coordonner chaque action, de faire corréler celle des techniciens ou ingénieurs avec la nôtre, le tout dans un environnement soumis aux protocoles impératifs de sécurité de vol et de fonctionnement de l’avion. Chacun est dans son rôle. Concentré sur sa mission, on peut ne pas appréhender celui des autres au bon niveau. Cela peut, par exemple, gêner les membres d’équipage de voir évoluer les gendarmes dans l’aéronef durant une grande partie du transport », précise le chef Maxence, avant de poursuivre : « le fait de devoir contrôler aussi les déplacements des personnels de bord est assez compliqué. Ils ne comprennent pas forcément que, dans leur avion, ils soient contraints à des règles de sécurité imposées par notre dispositif. Ne maîtrisant ni le russe ni l’ukrainien, je m’appuie sur mes compétences bilingues en anglais dans nos échanges, avec cette volonté de toujours favoriser le « travailler ensemble », très attentif à ne jamais rien imposer par la force. »

à Kourou…

Après une traversée éprouvante, et alors que la fatigue et la tension se font sentir, les militaires et leur précieux chargement arrivent sur le sol guyanais. Sur ce territoire, où le taux d’humidité frôle les 90 %, la mission des gendarmes de l’Armement est loin d’être terminée. Rejoints par les militaires du COMGEND (Commandement de la Gendarmerie) de Guyane, ils vont débuter une nouvelle étape. « En liaison avec le COMGEND, on fait en sorte d’avoir une équipe d’accueil soutien au sol, souvent matérialisée par le détachement Orchidée (un détachement composé de gendarmes mobiles, NDLR), lequel est chargé des escortes de Cayenne vers Kourou au profit du Centre Spatial Guyanais (CSG). Cela nous permet de rester focalisés sur notre mission et de pouvoir fluidifier les formalités, réduites autant que possible,car le but est d’éviter d’être dispersés afin de ne pas fragiliser notre dispositif de protection rapprochée de la valise diplomatique. C’est dans ces moments-là qu'il peut parfois y avoir des points d’incompréhension avec nos camarades de la GTA locale ou avec les collègues de la PAF (Police Aux Frontières, NDLR). Encore une fois, chacun est dans sa mission, et il nous faut faire converger chaque périmètre. Au final, dans ce milieu très « sécuritaire », chacun comprend le besoin de l’autre ainsi que les enjeux qui en découlent. »

Plus de cinq heures après leur atterrissage en Guyane, le convoi arrive au CSG de Kourou. Sur place, le maréchal des logis-chef Maxence doit, en sa qualité de personne chargée par le MEAE de l’escorte de la valise diplomatique, accomplir un dernier acte : briser les scellés de la Valise diplomatique, le tout en présence d’un représentant de l’industriel. Un acte majeur qui permet de transférer à nouveau la responsabilité de ces matériels à son propriétaire initial. Après quelques jours extrêmement denses, la phase « livraison » de la mission prend fin. Les gendarmes repartiront dans la foulée pour la métropole sur un vol civil.

Un système bien rodé, sur une mission effectuée à plusieurs reprises par d’autres personnels de la gendarmerie de l’Armement, et qui aurait pu se perpétuer ainsi durant plusieurs années...

Un voyage inaugural par voie maritime

En 2021, peu après la dernière mission d’escorte réalisée par le chef Maxence, la guerre éclate en Ukraine. Provoquant une onde de choc au sein de nombreux pays, notamment  européens, ce conflit, pourtant localisé, va avoir un impact direct sur la mission de transport des satellites militaires Syracuse. Pour pallier l’impossibilité, sécuritaire et diplomatique, de voler désormais sur les appareils Iliouchine ou Antonov, une autre solution va être trouvée : transporter les satellites non plus par voie aérienne mais par voie maritime. Le navire « le Canopée », conçu pour Ariane Group dans le but d’acheminer des éléments de la dernière version de la fusée Ariane 6 depuis la métropole vers Kourou, est choisi. Avec la mission Syracuse, il réalisera sa première traversée, qui permettra également de procéder à sa certification. En janvier 2023, le navire, véritable bijou de technologie, appareille donc pour ce voyage inaugural, direction Kourou. À la tête de la mission, se trouve une nouvelle fois le maréchal des logis-chef Maxence, qui sera accompagné à bord par plusieurs gendarmes, issus des brigades de gendarmerie de l’Armement de Toulon, Bruz et Saclay.

Un gendarme de l'armement en polo bleu, regarde le bateau blanc d'Ariane Group, le canopée
© Gendarmerie de l'armement

Partant d’une page blanche, les militaires vont devoir « co-construire » durant quatre à cinq mois, en partenariat avec l’industriel et la DGA, un nouveau processus d’escorte, prenant en compte de nouveaux risques et de nouveaux défis dont le premier : l’escorte routière du convoi, non plus jusqu’à l’aéroport de Toulouse-Blagnac, mais jusqu’à un port de la façade Atlantique. Une fois en mer, à bord de ce bateau encore en cours de rodage, d’autres difficultés vont apparaître. « Le voyage a été long et éprouvant. Nous n’avons pas tous le pied marin. Les premiers jours, nous avons essuyé une tempête. Le navire n’était pas encore parfaitement paramétré pour ces conditions extrêmes. Le roulis et le tangage ont finalement été maîtrisés, mais ça a mis un peu de temps. » Pour assurer la protection optimale des containers durant toute la durée de la traversée, le travail des militaires (réalisé sous forme de quart) est constant, contraignant les gendarmes embarqués à un fort engagement.

Le 12 janvier 2023, après plusieurs jours en mer, les côtes de Guyane se dessinent enfin à l’horizon. Après une escale à quelques kilomètres de cette terre promise, l’équipage du Canopée et son précieux chargement accostent dans un petit port proche de Kourou. À terre, les gendarmes mobiles du détachement Orchidée, rompus à l’exercice au fil des précédentes missions liées aux escortes aériennes, assurent la protection du convoi. Le 13 janvier au soir, soit plus de deux semaines après son départ de Toulouse, et malgré d’ultimes aléas techniques, le satellite Syracuse rejoindra son emplacement dédié au Centre Spatial de Guyane.

« Après avoir anticipé pour pouvoir être et durer, on improvise, on s’adapte, on domine. »

De ses cinq missions Syracuse, le maréchal des logis-chef Maxence conserve de très nombreux et indélébiles souvenirs, des conditions de voyage pour le moins spartiates des gros-porteurs Iliouchine ou Antonov, aux temps forts (dans tous les sens du terme) partagés avec les marins du Canopée. Une expérience extrêmement enrichissante professionnellement et humainement, qu’il définit ainsi : « après avoir anticipé pour pouvoir être et durer, on improvise, on s’adapte, on domine ».

Les enjeux de telles missions, confiées à la gendarmerie de l’Armement par les plus hautes autorités de l’État, obligent à un engagement fort de l’Institution. Ne dit-on pas que derrière chaque gendarme, il peut y avoir toute la gendarmerie... C’est particulièrement vrai pour ces missions sensibles. Au-delà de l’engagement d’une grande partie des unités et services de la gendarmerie de l’Armement (de la brigade aux différents services de l’état-major, en passant par les compagnies), sont également sollicitées la gendarmerie des transports aériens, la gendarmerie maritime, la gendarmerie départementale, la gendarmerie mobile, en métropole comme en Guyane, tant pour leurs aptitudes techniques que pour leur connaissance et leur maîtrise du terrain. Le bon accomplissement de ces missions dans leur globalité ne peut ainsi être envisagé qu’au travers de la complémentarité des savoir-faire de chacun.

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