50e anniversaire de la gendarmerie de l’armement : rencontre avec son commandant, le colonel Christophe Urien

  • Par Propos recueillis par la lieutenante Floriane Hours
  • Publié le 06 novembre 2023
Le colonel Urien, pose devant un kakemono de la gendarmerie de l'armement.
© Gendarmerie de l'armement

Du haut de ses 50 ans, elle est pourtant l’une des gendarmeries spécialisées les moins connues de l’Institution ! À l’occasion de cet anniversaire, le colonel Christophe Urien, à la tête de la gendarmerie de l’armement depuis février 2023, revient sur l’histoire de cette gendarmerie, ses missions et ses enjeux.

Créée en 1973, la Gendarmerie de l’armement (GARM) tire son nom, non pas des armes (elle n’a rien à voir avec les armureries de la gendarmerie), mais de la Direction générale de l'Armement (DGA), à laquelle elle est directement rattachée. Une gendarmerie complexe que nous fait découvrir le colonel Christophe Urien, commandant de la GARM.

Mon colonel, la gendarmerie de l’armement fête cette année ses 50 ans. Pouvez-vous retracer les grandes étapes de sa création et les moments forts qui ont marqué son histoire ?

La gendarmerie de l’armement a vu le jour par décret du 16 mars 1973 pour protéger les installations de la Délégation ministérielle pour l’armement (DMA), créée le 5 avril 1961 et qui deviendra plus tard la DGA (Direction Générale de l’Armement). Voulue par le général de Gaulle, la DMA se voyait confier la double mission de constituer une force nucléaire stratégique et de conduire des programmes d’armements conventionnels au profit des forces. Face à ces enjeux et dans un contexte géopolitique marqué par la guerre froide, il a été décidé de protéger le patrimoine humain, technique, matériel et immatériel de la DMA. Dès 1973, les premières unités sont créées à Arcueil, Le Bouchet, Indret, Saint-Médard-en-Jalles et Bourges, tandis que son état-major est installé à Paris, au sein de la Cité de l’air. Les années suivantes verront la création de plusieurs brigades et le format de la gendarmerie de l’armement s’adaptera aux évolutions de la DGA, notamment le transfert de son activité industrielle vers le secteur privé. Ainsi, un certain nombre de brigades seront dissoutes, parmi lesquelles celles de Saint-Étienne, Saint-Tropez ou encore Clermont-Ferrand.

Sur une photo en noir et blanc, deux gendarmes marchent le long d'un grillage représentant de toute évidence la bordure d'un site militaire dont ils ont en charge la sécurisation.
© Gendarmerie de l'armement

L’assassinat, le 25 janvier 1985, de l’ingénieur général de l’armement René Audran, directeur des affaires internationales de la DGA, par des membres du groupe terroriste Action Directe, révélera l’impérieuse nécessité d’assurer la protection physique de certaines autorités de la DGA. Différents services de police et de gendarmerie assurent cette mission jusqu’en décembre 1986, date à laquelle le délégué général pour l’armement prend la décision de confier à la gendarmerie de l’armement la protection rapprochée et la sécurité des hautes autorités de la DGA. Le groupe de protection de la gendarmerie de l’armement est créé et ses effectifs sélectionnés et formés par le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale. Aujourd’hui, cette unité se consacre exclusivement à la protection rapprochée du délégué général pour l’armement, du directeur adjoint et du directeur du développement international.

Trait d’union entre la DGA et la gendarmerie nationale, la gendarmerie de l’armement est un modèle qui s’est exporté auprès d’autres entités. En 1991, une brigade de gendarmerie de l’armement est créée au profit de l’institut de recherches de Saint-Louis, établissement binational franco-allemand en charge des recherches et des études scientifiques et techniques fondamentales pour les domaines de défense et de sécurité. En 2010, à la suite du transfert de l’activité du centre de recherches de Gramat de la DGA vers la direction des applications militaires du CEA, la brigade de gendarmerie de l’armement est maintenue pour poursuivre sa mission de protection du site. Enfin, en 2017, le service de santé des armées se tourne vers la gendarmerie de l’armement pour protéger l’institut de recherche biomédicale des armées, centre de recherche en santé de défense installé à Brétigny-sur-Orge.

Concernant l’organisation actuelle de la GARM, pouvez-vous décrire son maillage territorial, son organisation et ses missions ?

La gendarmerie de l’armement est une petite structure qui compte dans ses rangs 318 militaires. Ses effectifs sont répartis au sein d’un état-major basé à Arcueil, de deux compagnies, respectivement implantées à Arcueil et à Saint-Médard-en-Jalles, d’une section de recherches et du groupe de protection. Les treize brigades de gendarmerie de l’armement, dont les effectifs oscillent entre 10 et 40 gendarmes, sont réparties sur l’ensemble du territoire national. Elles sont implantées sur les centres majeurs de la DGA, où se déroulent des essais et des expertises de très haut niveau, au sein d’infrastructures souvent uniques en Europe. Mais elles ont également compétence sur les autres emprises de la DGA. À titre d’exemple, la BGARM de Toulon a dans son périmètre une dizaine de sites, dont celui de l’Île du Levant.

Tous les sites où nous sommes présents sont classés « zone protégée » et comportent un ou plusieurs points d’importance vitale, des installations prioritaires de défense ou encore des zones de défense hautement sensibles. Vous l’aurez compris, l’une de nos missions fondamentales est la protection du secret de la défense nationale, qui impose que tous les militaires, quels que soient leur grade et leur statut, y compris nos réservistes, soient habilités au niveau « très secret ».

Les brigades de gendarmerie de l’armement ont un rôle majeur dans le dispositif de sécurisation de ces emprises et les commandants de brigade entretiennent des liens directs et étroits avec leurs directeurs de site. Ces derniers, ingénieurs généraux ou ingénieurs en chef de l’armement, doivent pouvoir s’appuyer sur l’expertise du commandant de brigade pour tout ce qui touche à la sûreté et à la protection de leur établissement. Celui-ci doit également entretenir des liens privilégiés avec les autres forces de sécurité intérieure, mais également avec les inspecteurs de la DRSD (Direction du Renseignement et de la Sécurité de la Défense) de son ressort ou encore les sociétés de sécurité privée. Schématiquement, les gendarmes de l’armement exercent les mêmes missions que leurs camarades de la gendarmerie départementale et disposent des mêmes prérogatives. Leur action s’exerce sur des « circonscriptions » particulières, qui se caractérisent par leur extrême sensibilité, au profit d’une « population » tout aussi particulière. Ainsi, la PSQ – Police de Sécurité du Quotidien – mise en œuvre par la gendarmerie départementale, a été adaptée et les quatre fonctions traditionnelles de la gendarmerie s’y exercent : contact, prévention, investigation et intervention. S’y ajoute une fonction protection particulièrement importante. En ce sens, nos missions présentent des similarités avec celles réalisées par les PSPG (Peloton Spécialisé de Protection de la Gendarmerie) au sein des centres nucléaires de production d’électricité.

De son côté, la section de recherches de la gendarmerie de l’armement, créée en 2010, est une unité de police judiciaire à compétence nationale, qui traite d’un contentieux très spécifique. Outre les affaires habituellement dévolues aux unités de police judiciaire, cette unité diligente des investigations liées aux accidents ou dysfonctionnements impliquant des armes ou systèmes d’armes français, notamment lors de leur utilisation par les forces armées, au respect des règles de protection du secret de la défense nationale mais aussi aux infractions commises dans le cadre des marchés publics liés à l’armement ou du non-respect de la réglementation sur les armes et leur vente. Sur ce dernier point, la réglementation est spécifique et particulièrement technique. La section de recherches de l’armement est l’unité la mieux placée pour traiter ces affaires, tant par la formation de ses enquêteurs que par ses liens privilégiés avec la DGA.

Un gendarme installé face à un ordinateur avec sur le dos, un gilet où est noté "Gendarmerie - Section de Recherches"
© Gendarmerie de l'armement

Peut-on dire de la GARM qu’elle a une culture bien spécifique ? Et à ce titre, comment s’inscrit-elle par rapport aux autres unités de la gendarmerie ?

Notre ADN est d’abord celui de la gendarmerie nationale et les gendarmes de l’armement en portent les valeurs et les fondamentaux : le sens du service et de la mission, la disponibilité, la rigueur, l’engagement et la discrétion. Mais notre ancrage au sein de la DGA et aux côtés de nos autres autorités d’emploi, tout comme les spécificités de nos missions nous plongent au cœur des intérêts stratégiques de la Nation. C’est à la fois une opportunité et une responsabilité qui nous engagent au regard des enjeux sous-jacents. Comme il est coutume de dire, derrière tout programme d’armement français, il y a le travail passionné et de haute expertise d’ingénieurs, de techniciens, d’ouvriers mais aussi, quelque part, l’action discrète et indispensable des gendarmes de l’armement.

Je disais précédemment que la fonction protection est au cœur de notre activité. Celle-ci revêt plusieurs aspects : la protection d’emprises sensibles, la protection du secret, la protection des autorités de la DGA ou de délégations étrangères, la protection du pavillon des armées lors des grands salons de défense (Euronaval, EuroSatory, salon du Bourget), la protection de matériels au titre des escortes que nous réalisons. Sur ce dernier point, la gendarmerie de l’armement s’est vu confier, en 2018, les escortes des vecteurs aériens de la composante nucléaire aéroportée et, en 2020, celles des satellites militaires depuis Toulouse jusqu’au centre spatial guyanais à Kourou. Elle assure également un nombre important de transports d’informations et supports classifiés. Ces missions se réalisent bien évidemment avec le concours d’autres unités de la gendarmerie nationale. Par exemple, nous sollicitons les groupements de gendarmerie départementale pour connaître la viabilité des axes, les motocyclistes de la gendarmerie de l’air ou de la garde républicaine pour fluidifier nos mobilités, les unités de la gendarmerie des transports aériens ou de la gendarmerie maritime selon que le transport se fasse par voie aérienne ou maritime, etc. La Force nationale nucléaire radiologique biologique chimique (F2NRBC) ou encore la Section protection appui drone (SPAD) de la garde républicaine nous apportent également leur expertise et leur savoir-faire en différentes occasions. Enfin, dans le domaine du renseignement, la GARM dispose de l’ensemble des informations captées sur le territoire national.

Nous avons cette chance de pouvoir nous appuyer sur l’écosystème de la gendarmerie nationale, qui apporte une réelle plus-value dans l’exécution de nos missions.

Pour tenir compte de nos spécificités, la gendarmerie de l’armement a engagé ces dernières années une politique volontariste en matière de formation de ses personnels. Ces formations concernent la prévention technique de la malveillance, avec le développement d’un réseau de référents et de correspondants sûreté, la fraude documentaire et le contrôle des titres sécurisés, l’intervention professionnelle ou encore la détection d’explosifs. 40 % des sous-officiers de la GARM sont ainsi qualifiés EOR (Explosive Ordnance Reconnaissance – anciennement Reco-Nedex). Tous les nouveaux arrivants suivent également un séminaire d’acculturation, où est notamment abordée la réglementation spécifique à la protection du secret. Enfin, nous allons prochainement développer la formation des chefs d’escorte et équipiers.

Quelles sont les priorités opérationnelles actuelles de la GARM ?

L’émergence de la conflictualité en Europe et la prégnance de la menace terroriste doivent nous inciter à adopter une posture de vigilance. La menace a évolué, a pris une nouvelle dimension et nous devons nous y préparer collectivement. Parallèlement, la DGA opère sa transformation et va inévitablement, dans le cadre de la nouvelle loi de programmation militaire et du développement d’une économie de guerre, renforcer son activité.

Dans ce contexte, il m’apparaît impératif de durcir nos capacités dans le domaine de la protection et de l’intervention, mais aussi de valoriser notre expertise en matière de sûreté et de gestion de crises. Il s’agit de conforter les savoir-faire de la GARM dans ces domaines, tant auprès de l’échelon central de la DGA qu’auprès des directions de site. La dynamique initiée ces dernières années doit être maintenue. De même, il est nécessaire de développer nos capacités en matière de lutte anti-drone. La GARM pourrait ainsi se voir doter d’équipements similaires à ceux existant ailleurs en gendarmerie (Infodrone, aéroscope, fusil brouilleur). Il est également important de renforcer la capacité de renseignement de la GARM, non seulement pour anticiper les menaces, mais aussi pour renseigner la DGA pour tout ce qui touche à la base industrielle et technologique de défense (BITD). Il s’agit de s’appuyer sur le réseau de renseignement de la gendarmerie nationale afin de recueillir et transmettre à la DGA tout renseignement utile concernant l’industrie de défense, sans empiéter sur les prérogatives des services spécialisés.

Recherche d'explosifs par un peronnel de la gendarmerie de l'armement et son chien
© Gendarmerie de l'armement

Allez-vous être impactés par les grands événements à venir ?

Pas directement, puisque les J.O. 2024 ne devraient pas avoir une forte incidence sur l’activité des sites de nos autorités d’emploi. Mais il est possible que certaines de nos capacités soient sollicitées. Je pense en particulier aux équipes cynophiles, présentes au Bouchet et à Biscarrosse, spécialisées en protection défense et en recherche d’explosifs. Je pense également aux EOR, qui ont d'ailleurs été mis à contribution pour la coupe du Monde de Rugby. Quoi qu’il en soit, les gendarmes de l’armement répondront présents !

Le 9 novembre 2023, la gendarmerie de l’armement fêtera officiellement ses 50 ans d’existence. Qu’avez-vous prévu pour marquer cet événement ?

Le jeudi 9 novembre 2023, nous allons organiser une cérémonie militaire à Arcueil, qui sera co-présidée par le major général de la gendarmerie nationale et le délégué général pour l’armement. Elle se tiendra au Fort de Montrouge, à Arcueil, lieu symbolique, puisque la toute première brigade de gendarmerie de l’Armement y a vu le jour le 16 juillet 1973. Le moment de cohésion qui suivra sera l’occasion de présenter le livre sur la gendarmerie de l’armement, rédigé spécialement pour le cinquantenaire. Édité à 1 500 exemplaires et réalisé en interne, sous la direction de colonel (ER) Daniel Hestault, ancien commandant en second de la GARM, cet ouvrage permettra aux lecteurs de mieux connaître cette gendarmerie spécialisée.

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