Gendarmerie de l’Armement : les gardiens invisibles de l’île du Levant

  • Par la lieutenante Floriane Hours
  • Publié le 11 novembre 2023
Sur un point de vue en hauteur, deux militaires observent le large. L'une regarde avec des jumelles alors que son camarade lui montre quelque chose au loin.
© Sirpa-G . GND B. Lapointe

À Toulon, les militaires de la brigade de gendarmerie de l’Armement assurent l’intégrité et la protection du secret sur onze sites. Parmi eux, se trouve l’île du Levant, un territoire situé en Méditerranée, au large des côtes toulonnaises, à la suite des îles de Porquerolles et de Port-Cros.

Nous sommes un jeudi d’octobre, il est 7 heures. Dans un petit port militaire, situé sur le territoire de la ville de Hyères, deux gendarmes ouvrent la grande grille blanche donnant accès au quai, pendant qu’un troisième installe une table dans un petit hangar, à gauche de la grille, qui servira, le temps du contrôle, de poste provisoire. Un à un, les ingénieurs et autres personnels travaillant ponctuellement ou plus régulièrement sur l’île avancent et présentent aux gendarmes leur badge ou leur carte d’identité. Pour entrer, il faut montrer patte blanche. « C’est simple, si leur nom n’apparaît pas sur la fiche ou qu’ils n’ont pas de badge, ils ne passent pas », explique l'adjudant-chef Julien, chargé de la manœuvre.

Devant un hangar, alors que le jour n'est pas totalement levé, des personnes font la queue pour faire vérifier leur badge auprès d'une militaire. Deux gendarmes de l'armement qui appuient leur collègue surveillent et échangent avec les habitués.
© Sirpa-G . GND B. Lapointe

À 7 h 30, la dernière personne est arrivée. Les trois militaires replient leur petite table, ferment le hangar et prennent à leur tour leurs affaires pour monter dans le bateau qui les conduira, au côté des autres passagers, sur l’île du Levant. Ce bateau, appelé TP (Transport de Personnes), est le seul moyen (avec le « Gapeau », bateau en charge d’apporter vivres, eau et véhicules) d’accéder à la partie militaire de l’île, représentant 90 % de sa surface (les 10 % restants étant occupés par un village vacances). Faisant l’aller-retour deux fois par jour (tôt matin et le soir), il est quotidiennement emprunté par 50 à 60 personnes. Alors que le bateau s’éloigne de la côte en direction de l’île du Levant, les trois gendarmes regardent le soleil se lever. « Il n’est pas mal notre bureau, non ? », sourit l’adjudante Sabrina. Il est 7 h 45, l’air est frais, la mer est calme. Dans 40 minutes, le bateau arrivera dans le petit port militaire du Levant.

Trois gendarmes quittent la continent pour partir direction l'ile du levant.
© Sirpa-G . GND B. Lapointe

 

Une présence 7 jours sur 7, 24 h sur 24

Ces trois gendarmes, ce sont l'adjudant-chef Julien, l’adjudante Sabrina et le maréchal des logis-chef Hervé, tous affectés depuis plus ou moins longtemps à la brigade de gendarmerie de l’Armement de Toulon, dont l’une des missions est la protection du site militaire de l’île du Levant. Connue des Toulonnais pour être un terrain militaire où des activités hautement confidentielles se déroulent, l’île du Levant est l’un des trois sites français de DGA E.M., la spécialité « Essai de Missiles » de la Direction générale de l’Armement (DGA).

Sur place, plus d’une centaine d’ingénieurs travaillent du lundi au jeudi sur le futur de l’armement français en termes de lancement de missiles. Des activités protégées par de hauts niveaux d’habilitation et dont les calculs et autres données sont des éléments classifiés nécessitant le plus haut niveau de protection. C’est pour s’assurer de la préservation de ces données, de l’intégrité des sites militaires et de la protection des personnes qui y travaillent, que la brigade de gendarmerie de l’Armement de Toulon déploie sur place, 7 jours sur 7 et 24 h à 24 h, un poste permanent armé de quatre personnels la semaine (du lundi au jeudi) et le week-end (du jeudi soir au lundi matin).

Surveillance et protection à terre...

Sur place, les militaires ont plusieurs missions, définies en amont par l’officier de sécurité (un équivalent d’officier supérieur), représentant de la DGA, en lien avec le commandant de la brigade, le lieutenant Stéphane. « La mission prioritaire est ici la surveillance du PIV (Point d’Intérêt Vital), c’est-à-dire la surveillance de toute intrusion par voie maritime ou à pied via la partie civile, qui est particulièrement tranquille l’hiver, mais qui devient un peu le Cap d’Agde l’été. »

En voiture, deux gendarmes de l'armement réalisent une patrouille pour s'assurer qu'aucune intrusion ne vienne mettre en péril la sécurité de l'ile et des personnels.
© Sirpa-G . GND B. Lapointe

Pour assurer cette surveillance, les gendarmes du Levant réalisent chaque jour des patrouilles en voiture (le détachement du Levant en possède deux sur place), à vélo (bientôt électrique) ou à pied pour les zones les plus proches. « La deuxième mission, poursuit le lieutenant, c’est la protection du secret lié aux essais qui sont réalisés sur l’île et commandés depuis les Z.R. (Zones Réservées), dont l’accès est extrêmement restreint. Sur l’île, des industriels et les armées viennent tester leurs futurs programmes et des données sont produites. Il faut donc passer dans les bâtiments pour vérifier qu'aucun document classifié ne soit resté dans les bureaux. Sur les Z.R., nous vérifions aussi que tout soit bien sous alarme et que tout soit sécurisé. Lors des essais, nous assurons également le blanchiment et le bouclage de la zone. »

… et en mer

Cette surveillance accrue du territoire s'effectue également en mer. « Depuis trois ans, nous avons un moyen nautique qui nous permet de tenir les abords de l’île. » Nommée Pégase, cette vedette peut être conduite par l’ensemble des gendarmes de la brigade, tous titulaires d’un permis bateau. Mise à l’eau lorsque les conditions le permettent, la vedette permet aux gendarmes d’avoir une vision plus globale de l’environnement de l'île. « Les côtes sont assez rocheuses, mais nous vérifions quand même que personne n’essaie de les franchir ou ne tente de s’installer dans les quelques criques sauvages de l'île », explique l’adjudant Julien, à la barre du semi-rigide.

Sur la vedette de la GARM, en mer, les deux gendarmes vérifient qu'aucun bateau ne s'approche trop près de l'île.
© Sirpa-G . GND B. Lapointe

Au-delà de la surveillance, les gendarmes de l’Armement effectuent également des missions de police de la mer. « Les alentours de l’île sont situés dans un parc Natura 2000, avec des fonds marins magnifiques et une faune et une flore très riches, avec notamment la présence de mérous, ce qui attire régulièrement des personnes faisant de la pêche sous-marine. Sur ces zones, nous avons quand même quelques pêcheurs autorisés, que nous contrôlons régulièrement. Lors des essais, nous n’intervenons en mer que sur demande de la DGA, sinon, ce sont eux qui assurent le bouclage maritime de la zone », précise le lieutenant.

En dehors de ces missions prioritaires, les gendarmes de l’Armement peuvent aussi intervenir sur la partie de l’île ouverte au public. Située en zone police mais ne possédant pas de poste sur place, les militaires y interviennent ponctuellement en qualité de primo-intervenants pour stabiliser ou sécuriser une situation lorsque la vie d’autrui est en danger.

Sur le toit d'une antenne, deux gendarmes regardent la partie habitée de l'ile.
© Sirpa-G . GND B. Lapointe

"Tenir l’île à trois ou quatre gendarmes, une mission complexe"

Pour travailler de façon la plus efficiente possible, les gendarmes peuvent compter sur le soutien des opérateurs du centre de vidéosurveillance qui, en temps réel, les informent de tout déclenchement d’alarme ou d’intrusion. Une interopérabilité qui permet aux gendarmes de tenir une île de 14 km de long à seulement trois ou quatre gendarmes. « Tenir un tel territoire avec ce nombre d’effectifs est compliqué », confie le lieutenant Stéphane, tout en rassemblant ses dernières affaires. Car dans moins d’une heure, il repartira sur le continent à bord du dernier bateau de la semaine, avec trois autres camarades. L’adjudant-chef Julien, l’adjudante Sabrina et le maréchal des logis-chef Hervé resteront seuls sur l’île. Ou presque. Au côté de quelques pompiers, agents de sécurité et d’un marin (une quinzaine de personnes en tout), ils veilleront à leur tour sur les données confidentielles de la DGA et s’assureront de l’inviolabilité du site, jusqu’au retour, lundi, des ingénieurs et d’un nouveau détachement de gendarmes de l’Armement.

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