Tireur d’élite en gendarmerie : « La première cartouche doit faire mouche »
- Par Pablo Agnan
- Publié le 02 février 2022
Pour mettre dans le mille en un coup, sur une cible située à plus de 600 mètres, les Tireurs d’élite de la gendarmerie (TEG) doivent d’abord passer par une sélection drastique et une formation énergique. Au programme : rusticité, froid, tir et infiltration. Découvrez l’école du tir par excellence et garantie sans artifice.
« C’est l’un des stages les plus rustiques de la gendarmerie », prévient le capitaine Jérôme T., directeur de la formation des Tireurs d’élite gendarmerie (TEG), dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Pendant quinze jours, vingt stagiaires, triés sur le volet et issus de l’ensemble des PSPG (Pelotons Spécialisés de Protection de la Gendarmerie) de la zone, n’ont visé qu’une seule chose : décrocher leur brevet de TEG.
Au départ, ils étaient 200 militaires à avoir postulé pour cette formation. Seuls 50 dossiers ont été retenus. 20 ont pu accéder au stage, après des tests de sélection en immersion pendant 48 heures et 18 sont allés jusqu’au bout. L’écrémage témoigne de la rudesse de la quinzaine, aussi bien sur le plan technique que rustique.
Des conditions très rudes
Car il faut d’abord survivre aux conditions climatiques, pour le moins capricieuses, du camp de Canjuers. Situé dans le Var, le plus grand champ de tir d’Europe culmine à une altitude d’environ 1 000 mètres. Du 3 au 14 janvier, dates de la formation, il était recouvert d’une épaisse couche de neige de 20 centimètres. La température moyenne, elle, était de moins 11 degrés.
Et contrairement aux journées d’hiver, celles des candidats sont longues. Début des cours à 7 h 30, pour une fin prévue entre minuit et une heure. « En fonction de la thématique du moment, précise le capitaine Jérôme T. On cadence la progression, notamment par rapport aux conditions du moment, et plus précisément selon la météo et les infrastructures à disposition ! C’est toujours le terrain qui commande. »
« Un sac et un fusil, l’essentiel du tir sans aucun artifice »
Lors d’un tir effectué sur une cible située au-delà d’environ 100 mètres, ces paramètres ont une influence considérable sur la trajectoire et le point d’impact de la balle. Évidemment, plus la distance à la cible est grande, plus la direction et la vitesse du vent, la densité de l'air et l'altitude de la cible par rapport au tireur, doivent être prises en compte par ce dernier. Une seule erreur dans ses estimations peut lui faire complètement manquer sa cible.
C’est pourquoi la formation se déroule sans matériel, c’est-à-dire « sans aides pour déterminer les solutions balistiques », telles que des télémètres laser, des équipements de mesure météorologique ou des ordinateurs portables et leurs logiciels de prédiction cinétique. « C’est l’école du tir par excellence, la méthode Breuvart*, qui a fait ses preuves ces trente dernières années au sein du Groupe », se réjouit l’officier.
Précision, rigueur et rusticité au cœur de la formation des tireurs d’élite
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« Un sac et un fusil, l’essentiel du tir sans aucun artifice. » Un peu comme ce soldat américain de la Première Guerre mondiale. En février 1918, le sergeant major Herbert Sleigh faisait mouche à 1 280 mètres avec son M1903 Springfield, dans des conditions bien pires que celles du camp de Canjuers en hiver.
Lenteur égale précision, précision égale vitesse
Pour atteindre cette excellence, les stagiaires répètent inlassablement les mêmes gestes, à savoir les élémentaires du tir : « Les différentes positions, la visée, la respiration, le doigt sur la détente », énumère le capitaine Jérôme T. En réalité, il s’agit-là, pour l’officier, « d’un seul et même geste », reproduit des centaines et des centaines de fois, afin d’imprégner la mémoire musculaire.
« On cherche à créer une parfaite symbiose entre le tireur et son arme. L’idée, c’est que chaque geste devienne un automatisme, un peu comme marcher ou respirer. »
Pour parvenir à cette symbiose, les instructeurs confrontent les candidats à un maximum de situations, allant « du tir de précision au tir de combat sous toutes ses formes, traitant des objectifs immobiles ou en mouvement, aussi bien dans un véhicule qu’à pied, sur des distances allant de zéro à plus de 600 mètres. » Sans oublier l’infiltration et l’observation, qui représentent « 99 % du travail d’un TEG. »
Et afin de maximiser ces quinze jours, les instructeurs ont été dopés à « la sauce GIGN ». En 2018, la formation des TEG a en effet été entièrement repensée par le « Groupe », dans l’objectif « d’uniformiser l’instruction des tireurs d’élite en gendarmerie », précise le capitaine Jérôme T., lui-même ancien tireur d’élite au sein de la GTA (Gendarmerie des Transports Aériens).
Portrait cible d’un tireur d’élite
L’intérêt de cette méthode est double. Primo, « il s’agit de normaliser l’apprentissage du métier sur l’ensemble des unités d’intervention travaillant sur le haut du spectre. » Secundo, « les candidats reçoivent le parfait ADN, tel qu’il m’a été transmis lors de ma formation au GIGN », à savoir : « travail, rigueur et persévérance. »
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Mais avant de pouvoir intégrer cet ADN, encore faut-il être compatible, ce qui n’est pas donné à tout le monde. « Certains ne sont pas faits pour ce métier », résume laconiquement l’instructeur. En plus des qualités citées précédemment, un TEG se doit d’être « froid, méthodique et calculateur. » Le stage n’a pas vocation à déceler ces traits chez un candidat, mais au contraire de révéler ceux qui en sont dépourvus. « On ne peut pas se cacher 15 jours derrière son fusil », affirme, catégorique, l’officier.
Réduire la menace instantanément
Auparavant baptisés « tireurs TIKKA », en référence à l’armement utilisé, le fusil de précision à verrou TIKKA type TAC-A1, de calibre 7,62 mm, de la manufacture d’armes finlandaise SAKO, les TEG sont désormais répartis dans quatre branches de la gendarmerie.
Outre le GIGN et ses antennes, on trouve des tireurs d’élite au sein de la Garde républicaine (G.R.), de la Gendarmerie des transports aériens (GTA), et plus récemment des Pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG), chargés de protéger les centrales nucléaires.
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Pourquoi ces unités ? « Parce que le GIGN a transféré ses missions de protection des personnalités gouvernementales à la G.R., qui se charge du patronage des emprises parisiennes, et à la GTA, en ce qui concerne les infrastructures aéroportuaires. »
Ces tireurs sont employés lors de situations de crise sur le haut du spectre, notamment en matière de prises d’otage et de lutte anti-terroriste, avec pour objectif « de réduire une menace instantanément, si le péril est imminent. » D’où l’aspect perfectionniste, voire répétitif de cette formation : « Car la première cartouche doit faire mouche. »
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