J.O. de Tokyo : Maxime Pauty à la pointe du fleuret
- Par le commandant Céline Morin
- Publié le 19 juillet 2021
Membre du club d’escrime isséen Les Mousquetaires depuis l’âge de 5 ans, le maréchal des logis (MDL) Maxime Pauty a rejoint les rangs des sportifs de haut niveau de la Défense gendarmerie en mars 2020. Champion d’Europe en individuel et vice-champion du Monde par équipe en 2019, le fleurettiste de 28 ans est prêt à porter haut les couleurs de la France au Japon.
Comment est née votre histoire avec l’escrime ?
Pour faire simple, je pourrais juste dire que je voulais devenir Zorro ou d'Artagnan. Mais la véritable histoire est un peu plus complexe. Quand j’avais 5 ans, l'équipe de France de foot a gagné la coupe du Monde. J'avais vu l’ambiance qu’il y avait dans un stade, l’impact que ça avait sur les gens qui suivent le sport. Et donc, à ce moment-là, je me suis dit que je voulais être footballeur. Le foot, j’adore ça, j’en ai fait aussi. Mais en fait, ce que je voulais vraiment, c’est être un champion et représenter un jour l’équipe de France. C’est vraiment ce que je voulais, même à 5 ans. Sauf qu’à cet âge, il n'y a pas de compétition en foot, seulement des entraînements, ce qui ne m’intéressait pas.
Donc je ne me suis pas inscrit au foot ! Mais comme mes parents voulaient que je fasse du sport, ma mère m’a parlé de l’escrime, en faisant référence à Zorro et à d'Artagnan. Il faut savoir que mes parents, pour que je développe mon vocabulaire, préféraient que je regarde les vieux films de cape et d’épée plutôt que les dessins animés. C’est donc comme ça qu’est née mon envie pour l’escrime. Là aussi, j’étais trop petit, mais le maître d'armes a quand même voulu me tester pour voir si j’étais assez mature, et finalement il m’a pris.
Vous êtes plus précisément un spécialiste du fleuret. Pouvez-vous expliquer, dans les grandes lignes, aux non-initiés, ce qui différencie les trois armes de l’escrime que sont l'épée, le fleuret et le sabre ?
Là encore, c’est plus complexe qu’il n’y paraît. Mais pour simplifier, on peut dire que l’épée est la première arme, celle qui accompagnait les chevaliers, celle qui est à la base de l’escrime médiévale, l’arme des duels, d’abord judiciaires au Moyen-Âge, puis d’honneur dès le XVIe siècle, au cours duquel ils sont à l’origine de près de 10 000 morts en trente ans. Pour enrayer cette hécatombe, il a ensuite été instauré que le vainqueur serait celui qui touchait le premier, d’où l’apparition des vêtements blancs, permettant de voir le « premier sang », couleur qui a perduré dans la tenue des escrimeurs. Aujourd’hui, l’objectif de la discipline reste de toucher l’adversaire avec la pointe de l’épée, et ce, sur toute la partie du corps, sans être touché.
Le fleuret est considéré comme l'arme de transition entre l’épée et le sabre. Contrairement à l’épée, la discipline est plus technique, du fait qu’elle requiert plus de précision et qu’elle intègre une notion de défense. En effet, pour gagner le point, il s’agit toujours de toucher l’adversaire avec la pointe de l’arme, mais uniquement au niveau du buste et du dos. Par ailleurs, le fleuret est ce qu’on appelle une arme de convention, c’est-à-dire qu’il y a des priorités. Tout l'enjeu va donc être d’attendre le bon moment pour attaquer avant l'autre, au risque d’essuyer une parade riposte, ou d’attendre que l’autre attaque pour lui faire une parade riposte, c’est-à-dire écarter sa lame et le toucher ensuite. Dans le cas où les deux adversaires touchent en même temps, c’est à l'arbitre de départager entre celui qui a attaqué en premier et celui qui a fait une parade riposte. Le point se gagne ainsi à la priorité, alors qu’à l’épée, on peut avoir des doubles touches, qui confèrent le point aux deux adversaires.
Enfin, le sabre applique les mêmes règles de priorité que le fleuret, mais les cibles ne sont pas les mêmes, puisqu’il est permis de toucher tout le haut du corps, du bas du buste jusqu’à la tête, en passant par les bras. Ce qui s’explique par le fait qu’historiquement, le sabre était l’arme des cavaliers. Pour ne pas toucher le cheval, qui avait plus de valeur que l’homme, les combattants se limitaient à la partie haute du corps. La dernière particularité du sabre est de pouvoir également toucher l’adversaire avec le tranchant de l’arme.
Revenons à votre parcours. Pourquoi avoir rejoint les Sportifs de haut niveau de la Défense (SHND), et plus particulièrement la gendarmerie ?
Quand on veut devenir Zorro ou d'Artagnan, cela révèle déjà, même inconsciemment, un petit côté justicier, non ? Plus sérieusement, l’armée, tout comme la gendarmerie ont pour mission de défendre les intérêts de la Nation et de protéger ses citoyens. Ce sont des valeurs que je partage.
Sans m’appesantir sur l'intérêt des contrats de SHND, je dois dire que c'est une opportunité exceptionnelle qui nous permet de vivre de notre sport, mais qui nous offre aussi des formations, et une possibilité de reconversion dans une grande variété de métiers. Comme je cherchais des soutiens, j’ai pensé à la gendarmerie, non seulement pour l'intérêt de ces contrats, mais aussi parce qu'il y a un lien étroit entre la gendarmerie et la ville d’Issy-les-Moulineaux, où se trouve sa direction générale. Ça me tenait à cœur de rester lié à ma ville. Je suis au club d'Issy depuis que j'ai cinq ans. C'est la ville dans laquelle j'ai fait toute ma scolarité, dans laquelle j'ai grandi. C’est vraiment ma ville, on ne peut pas m’en dissocier. De fait, j’ai pu concilier les deux !
Lors de mon parcours « d’insertion » au sein du bataillon de Joinville, j'ai participé aux Jeux mondiaux militaires, aux championnats du Monde militaire, et j'ai vraiment découvert le côté fraternel et famille qu'il y a dans l'armée, encore plus particulièrement dans l'armée de champions. C'est quelque chose qui m'a beaucoup touché, parce que j’ai ce même lien familial avec mon club d’Issy-les-Moulineaux ; cela a d'ailleurs contribué à me faire poursuivre l’escrime, à des moments où je me questionnais. J’avais ma famille, avec le club d'escrime d'Issy, j'en avais rencontré une deuxième, et là, dans l'armée, j'en ai trouvé une troisième. C'est vraiment ce qui m'a convaincu d'y entrer et je le ressens au quotidien dans la collaboration qui s'est nouée.
Vous vivez donc votre sport à temps plein ?
Avec le soutien de l'armée et de la ville d’Issy-les-Moulineaux, j'ai en effet la chance de pouvoir être sportif et escrimeur à temps plein. Pour autant, j’ai passé un diplôme de journaliste, justement pour préparer ma reconversion. Un sportif français, autour de 24 ans, a normalement un diplôme ou est en train d’en passer un, c’est obligatoire quand on est en équipe de France. L’INSEP nous pousse vraiment en ce sens, pour couvrir nos arrières.
L’actualité sportive a quelque peu été mise entre parenthèses en raison de la crise sanitaire, mais 2019 a été une année particulièrement riche pour vous, puisque vous avez décroché les titres de champion d’Europe en individuel et de vice-champion du Monde par équipe. Vous avez en outre terminé 2e de la coupe du Monde à Tokyo en décembre dernier. Ces titres, vous les considérez comme la concrétisation de votre rêve ?
Quand nous sommes devenus vices-champions du Monde, j’étais content, parce que c’était une médaille mondiale, mais pour moi, deuxième, ce n’est pas un titre. Soyons clairs, j'étais fier de ce qu'on avait fait, mais je restais un peu sur ma faim. En revanche, cette performance était très importante pour se qualifier pour les jeux olympiques. C’est comme ça que j'ai vécu ces championnats du Monde.
Décrocher le titre de champion d’Europe, ça, ça m'a rendu très très heureux ! Je ne dirais pas que c’était la réalisation d’un rêve d’enfant, mais à ce moment-là, je me suis dit que si ma carrière devait s'arrêter, j'avais au moins un titre qui a de la valeur. Donc c’était une grande fierté !
La place de 2e à la coupe du Monde de Tokyo est intéressante à plus d'un titre. D’abord parce qu'il s'agissait d'un « test event » pour les J.O., qui nous a permis de nous imprégner de la salle qui nous accueillera cet été. En plus, c'était une compétition clé pour se qualifier en individuel pour les Jeux. Cette succession de trois performances et ma saison en général m'ont ainsi permis d’intégrer la sélection olympique. Ça, c’était un rêve d'enfant, mais comme je pars du principe que les rêves, par essence, ne se réalisent pas, progressivement, c’est devenu un objectif, et maintenant, je dirais même que l’objectif, c’est la médaille olympique, ou les médailles olympiques, voire les titres olympiques !
Aujourd’hui, je suis fier d’aller aux J.O., parce que je sais tout le travail réalisé. Et quand je repense au parcours du petit enfant qui voulait juste devenir Zorro, qui est ensuite juste devenu champion départemental, puis champion de sa ligue, puis champion de France dans les catégories jeunes, quand je vois le chemin parcouru, je suis très fier de faire partie de ceux qui vont représenter la France aux J.O. Mais en réalité, je me rends compte que l’objectif ce n’était pas ça, et que l’objectif est encore plus haut.
Ces podiums sont de très bon augure à l’approche des J.O. Dans quel état d'esprit êtes-vous à quelques semaines du jour J (entretien réalisé le 17 juin, NDLR) ?
En ce moment, j’exécute mes tâches. Je suis dans la phase où il faut cocher les cases de la préparation, physique, technique et psychologique. On travaille vraiment sur tous les aspects. Je suis très studieux, je fais « ce que je dois faire ». C’est encore la période où on se fait mal, d’ailleurs j’ai mal partout !
L'entraînement est quotidien. Un sportif de haut niveau n'est jamais en vacances, jamais véritablement en repos. Même faire la sieste fait partie du job. Parfois, j’ai envie de faire autre chose que l'enchaînement « entraînement-repos-entraînement-repos », mais il faut aussi se forcer à faire la sieste, à bien manger… Dans tous ces gestes du quotidien, je pense à moi et à mon sport…
Ensuite, quand on se rapproche de l’épreuve, on entre dans des entraînements très réalistes par rapport à la compétition, avec beaucoup de temps de repos, parce qu'il faut « faire du jus ». Donc j’ai aussi hâte de me rapprocher de l’épreuve pour que l’entraînement baisse en intensité et que ce soit la partie « facile » physiquement.
Ces résultats sont de bon augure, oui, mais d’un autre côté, ça fait un an et demi qu’on n'a pas fait de compétition avec l'équipe des J.O., depuis décembre 2019 en fait. Il y a quand même beaucoup d’incertitudes, mais ce sera pareil pour tout le monde. Alors pour l’instant, je m’interdis de trop me projeter sur l’épreuve en elle-même, que ce soit en individuel ou par équipe. C’est quelque chose qui viendra dans les derniers moments. En ce moment, au niveau psychologique, j’essaie de rester dans le présent et d'être concentré sur mes tâches quotidiennes pour bien me préparer.
La crise sanitaire est un facteur qui entre en ligne de compte dans la préparation ?
Au regard de la crise sanitaire, nous n'avons eu qu'une seule compétition individuelle pour finir la qualification pour les J.O. Elle s'est déroulée en mars dernier, dans des conditions drastiques. L'épreuve a dû changer de pays, et même deux semaines avant, on se demandait encore si elle allait avoir lieu. C'était vraiment complexe !
Nous avons pu faire trois stages, un à Bayonne, un à Saint-Nazaire, et un dernier, début juillet, à Aix-en-Provence, avant de nous envoler pour le Japon le 12 juillet, pour un séjour de trois semaines. On aura ensuite un dernier stage près du mont Fuji, avant de rejoindre le village olympique vers le 20 juillet. Le 26, je disputerai mon épreuve individuelle et le 1er août, l'épreuve par équipe, pour un retour dès le 3 août au regard des contraintes sanitaires.
Lors des Jeux, les mesures seront vraiment poussées. Nous serons contrôlés tous les deux jours par test PCR, même en étant vacciné. On devra aussi quotidiennement présenter notre planning précis du jour suivant. Et je crois bien qu’à part pour aller manger et nous rendre au centre d’entraînement ou sur le site des compétitions, nous resterons en chambre. Ce ne sera donc pas la fête olympique. C'est d'ailleurs l’un des aspects que je travaille avec la préparatrice mentale, pour faire en sorte de le vivre du mieux possible et que ces conditions ne soient pas une source de stress. C’est vraiment très important de travailler l’aspect psychologique pour vivre au mieux cette dernière semaine au Japon, malgré des conditions et une pression qui n’auront jamais été aussi fortes.
Mais d’un autre côté, je me dis que ça fait partie de notre job. On est sportif de haut niveau, on tend à être des champions, et justement, le champion, c’est celui qui est capable de s’adapter à toutes les situations et d'en ressortir plus fort, plus grand. On ne sera donc pas aux J.O. pour se plaindre et dire que ce sont des jeux compliqués, on sera au contraire là pour montrer au monde entier que le sport peut être vecteur de valeurs, pour donner l'exemple en montrant aux gens que quand il faut s’adapter, il faut savoir répondre présent.
Vous pensez déjà à l'après Tokyo, par exemple à Paris 2024 ?
À mon sens, tout athlète se doit d'avoir la tête dans le présent avant un rendez-vous comme les jeux olympiques. Ce n'est pas possible autrement. Personnellement, je suis concentré à 100 % sur Tokyo. Ce serait catastrophique de penser à 2024. C'est une autre dynamique et d'ailleurs, on ne sait pas ce qu'il peut se passer en trois ans. À l’échelle de la vie d'un sportif de haut niveau, c'est énorme. À 28 ans, je suis censé être à l’apogée physique de ma carrière. Dans trois ans, j’en aurai 31, et il y aura d’autres athlètes qui seront à leur tour à leur apogée ; personne n’est certain de refaire les jeux suivants. C'est pour ça qu'il faut vraiment être dans le présent. En revanche, c'est vrai que les jeux de Paris 2024 restent un rêve et que j'aimerais bien évidemment faire partie de cette aventure. Je pense que ce sera un objectif exceptionnel, qui me permettra de sortir plus vite de la phase de décompression qui suivra indubitablement les Jeux de Tokyo.
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