Outre-mer : territoires et enjeux spécifiques
- Par Maud Protat-Koffler
- Publié le 07 juin 2019
Avec plus de 4 000 personnels affectés dans les neuf territoires ultramarins, renforcés par 1 500 militaires issus de 21 escadrons de gendarmerie mobile en déplacement et 1 400 réservistes, la gendarmerie nationale constitue la principale force de souveraineté outre-mer et doit faire face à des taux de violence et d’immigration irrégulière souvent élevés, généralement bien supérieurs à ceux constatés en France hexagonale.
« L’outre-mer est l’un des rares commandements sur lequel le soleil ne se couche jamais, c’est la normalité exceptionnelle dans sa nature même », présente le général de corps d’armée Lambert Lucas, commandant de la gendarmerie outre-mer (CGOM). Placés chacun sous la responsabilité d’un commandement de gendarmerie d’outre-mer (COMGEND), les neuf territoires ultramarins totalisent une superficie d’environ 120 370 km² et près de 2,8 millions d’habitants, soit 5 % de la population française. Pour autant, le niveau de délinquance élevé et l’afflux migratoire irrégulier génèrent en outre-mer une situation de crise permanente. La gendarmerie y constate ainsi 45 % des vols à main armée, 20 % des violences crapuleuses, 20 % des homicides, 40 % des étrangers en situation irrégulière et 10 % des viols et des violences intrafamiliales du total national de la zone gendarmerie.
À cela s’ajoutent des situations de sur-crise, comme en Guyane en 2017, à Mayotte en 2018 ou en Guadeloupe, après le passage de l’ouragan Irma. En Nouvelle-Calédonie, la situation liée au référendum avait, par exemple, nécessité une planification de plus d’un an et demi sur le territoire. Ces situations s’expliquent essentiellement par l’évolution démographique. « Certains départements, comme la Martinique ou la Guadeloupe, perdent de la population dans des proportions importantes, ce qui en fera, d’ici une quinzaine d’années, les deux régions françaises les plus vieilles derrière le Limousin, explique le général Lambert Lucas. Parallèlement, des territoires comme Mayotte ou la Guyane verront leur population doubler d’ici 20 ou 25 ans en raison de la natalité et des phénomènes migratoires. » En conséquence, la gendarmerie doit adapter ses modes d’action en permanence et abonder ses effectifs pour faire face à de nouvelles situations incertaines.
« L’outre-mer est restée pendant très longtemps dans le bruit de fond. On en parlait quand il y avait une grosse crise dans les années quatre-vingt, alors qu’il y avait de vraies problématiques au niveau de la sécurité, des infrastructures, de la scolarité, de la santé… et on le voit très bien au travers des dernières crises », évoque le général Lucas. Ce réflexe outre-mer, porté par la ministre Annick Girardin, a fini par se développer au niveau central et au sein de la direction de la gendarmerie. « L’an dernier, sur les 450 effectifs supplémentaires dont a bénéficié la gendarmerie, près de 130 ont été affectés outre-mer alors qu’on ne représente que 5 % des effectifs », se félicite le général Lucas.
Les gendarmes départementaux d’outre-mer peuvent également compter sur le renfort permanent de 21 Escadrons de gendarmerie mobile (EGM), soit 30 % des EGM engagés en opérations. Projetés pour une période de trois mois, les gendarmes mobiles sont essentiels à la manœuvre opérationnelle du commandement local. Ainsi, dans le cadre d’événements particuliers, comme l’expulsion récente des étrangers en situation irrégulière de La Réunion vers le Sri Lanka, la gendarmerie mobile a renforcé de manière tout à fait exceptionnelle les effectifs de la Police aux frontières (PAF) pour remplir cette mission.
Garder le cap d’un ministère à l’autre
« Dans le cadre ultramarin, il y a une vraie proximité entre les différents acteurs administratifs, judiciaires et militaires », affirme le général Lucas. Responsable de 98 % du territoire et de 70 % de la population en outre-mer, la gendarmerie ultramarine est une vraie force de souveraineté sur laquelle chacun sait pouvoir compter. Avec le rattachement au ministère de l’Intérieur en 2009, elle a confirmé cette proximité renforcée avec les autorités administratives (commissaires, préfets…), tout en continuant de s’appuyer étroitement sur ses relations indispensables avec les armées dans le cadre des missions opérationnelles engagées. Depuis 2008, elles collaborent par exemple au sein de l’opération Harpie, visant à lutter contre l’orpaillage illégal en Guyane. La gendarmerie d’outre-mer et la gendarmerie maritime s’associent également à la Marine nationale pour lutter contre l’immigration clandestine, comme à Mayotte. « Nous avons dans tous ces territoires une sorte de communauté de destin avec les armées. Dans certains endroits, la gendarmerie reste la seule présence militaire », ajoute le général Lucas, pour qui la priorité, à compter de 2009, résidait à la fois dans la souplesse du transfert au ministère de l’Intérieur en parallèle de la mise en place de plusieurs conventions avec les armées et dans le maintien de cette fraternité d’armes.
Les problématiques ultramarines posent ainsi la question d’un élargissement des dispositifs adaptés à l’outre-mer. Parmi diverses administrations, l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) a par exemple ouvert un bureau spécialement dédié aux problématiques ultramarines. « Cela a mis en évidence la pertinence du modèle gendarmerie datant pourtant de 1950 », justifie le général Lucas. Acteur majeur de l’outre-mer et interlocuteur régulier au sein du ministère de l’Intérieur et vis-à-vis du ministère des Outre-mer, le CGOM devient ainsi une source d’inspiration revalorisée par ce rattachement, comme sur le reste du territoire national.
Forte de tradition et de modernité
En outre-mer, un commandant de gendarmerie a la plénitude de ses moyens. Qu’il s’agisse de moyens aériens, nautiques, de la gestion du quotidien et de l’emploi de la gendarmerie mobile, la gendarmerie outre-mer devient ainsi une source d’inspiration locale. « La police nationale commence à réfléchir à la mise en place de commandements intégrés dans l’ensemble de ses capacités », explique le général Lucas, qui voit, avec le recul, dans cette intégration au sein du ministère de l’Intérieur, une occasion de démontrer la valeur de la force de la tradition, de la modernité et de l’adaptabilité que la gendarmerie porte en elle.
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