Défendre les professionnels
- Par Antoine Faure avec le commandant Céline Morin
- Publié le 16 novembre 2020
Protéger les entreprises et les commerces contre les dangers d’intrusion physique ou informatique, telle a été l’une des missions principales de la gendarmerie nationale pendant la crise sanitaire. Elle a pu s’appuyer pour cela sur son réseau de proximité et sur des outils préexistants, ou dont le lancement a été accéléré.
Dès le début de la crise de la COVID-19, les forces de la gendarmerie se sont déployées sur tout le territoire afin de protéger les plus vulnérables : les seniors et les victimes de violences intra-familiales notamment, mais aussi les commerces et les petites entreprises, dont la situation a pu être fragilisée par ce contexte exceptionnel. L’Opération tranquillité entreprises et commerces (OTEC) a ainsi été renforcée, avec de nombreuses patrouilles de gendarmes d’active et de réserve, de jour comme de nuit, d’initiative mais aussi à la demande de chefs d’entreprise, de commerçants ou d’artisans.
Renforcer les liens avec les gérants et les commerçants
« La brigade du Beausset est venue me présenter le dispositif très tôt après le début du confinement », témoigne Thomas Weller, dirigeant de Quai Sud. Cette PME varoise fabrique habituellement dans ses ateliers des produits gourmets pour épiceries fines. Pendant la crise, elle a réorienté son activité pour aider une entreprise voisine à produire du gel hydro-alcoolique. « J’ai vraiment apprécié la réactivité de la gendarmerie. J’ai trouvé ça particulièrement rassurant. Nous avons travaillé ensemble à l’organisation des rondes et, grâce à cela, nous n’avons eu aucun problème à signaler durant cette période. »
« Ce dispositif existait auparavant, mais le besoin était beaucoup plus important avec la crise sanitaire, explique la cheffe d’escadron Séverine Hammel, référent national des référents sûreté au bureau de la sécurité publique. Il a fallu déployer notre offre de protection et l’adapter aux risques nouveaux. »
Deux situations ont été distinguées. Soit l’entreprise avait dû fermer, à la suite des mesures de confinement, soit elle était restée ouverte et son activité, médicale ou alimentaire notamment, présentait un caractère sensible en lien avec la gestion de crise.
Pour accompagner les gendarmes sur le terrain, un nouvel outil a été déployé. L’application de cartographie et d’itinéraire Osmand, sur Néogend, déjà utilisée pour les surveillances des opérations tranquillité vacances, localise désormais les entreprises et commerces.
Le principe est simple : le gendarme peut afficher automatiquement sur la carte de son secteur les données des trois opérations Tranquillité - seniors (OTS), vacances (OTV) et entreprises et commerces (OTEC) - avec des icônes dédiées et un code couleur allant du vert au noir, en fonction du dernier passage enregistré. Et la patrouille est alertée quand elle approche un local ou un entrepôt à surveiller. « Nous adaptons nos outils en fonction des besoins, poursuit la CEN Hammel. Cette carte est très utile pour prioriser les missions et renforcer les liens avec les gérants des entreprises et des commerces. »
Anticiper les cybermenaces
Mais les risques de cambriolage et de dégradation n’étaient pas les seuls encourus par les professionnels durant cette période. Un autre ennemi, tapi dans l’ombre du cyberespace, tentait par tous les moyens de profiter de la situation et de l’évolution brutale des pratiques, notamment de la généralisation du télétravail, qui n’avait pas été anticipée, et qui a entraîné des risques en matière de sécurité informatique, avec l’ouverture de portes dans les systèmes d’information.
« Dans le domaine judiciaire, la menace cyber est l’un des phénomènes qui s’est le plus développé avec la crise, confirme le colonel Éric Freyssinet, chef du pôle national de lutte contre les cybermenaces de la gendarmerie. Les cybercriminels ont notamment profité de la désorganisation du début pour multiplier les actions contre les entreprises, à travers la diffusion de logiciels malveillants ou de rançongiciels. Il était donc naturel que la gendarmerie renforce sa présence. Nous avons adopté une démarche d’anticipation, de détection des incidents cyber, d’investigation et de prévention à l’attention de ces acteurs, face aux différents types de menaces. »
Dès le début de la crise, la gendarmerie a ainsi multiplié les opérations de sensibilisation auprès des organismes exerçant leur activité dans des secteurs sensibles (santé, alimentation, logistique, textile…), à commencer par les pharmacies mais également auprès des collectivités territoriales et des élus locaux. « Il a très vite fallu les alerter sur les tentatives d’escroquerie dont elles pourraient faire l’objet, avec des sites vitrines créés spécifiquement et destinés à vendre frauduleusement des masques ou du gel hydro-alcoolique. »
Les conseils de base ont été rappelés, notamment les moyens mis en place pour se faire aider : Perceval pour les fraudes à la carte bancaire et le portail cybermalveillance.gouv.fr. La gendarmerie a d’ailleurs décidé d’ouvrir plus rapidement que prévu, dès le 20 avril, un canal à destination des professionnels, entre la Brigade numérique et la plateforme cybermalveillance.gouv.fr, gérée par le groupement d’intérêt public Acyma.
« C’est un projet sur lequel nous travaillions déjà avant le déclenchement de la crise et qui a toute sa place dans l’accompagnement des victimes professionnelles, précise le colonel Freyssinet. Il nous est apparu important d’exploiter la spécificité du contact numérique, d’autant plus dans cette crise, où l’on cherchait à éviter les contacts physiques non nécessaires. »
Dans la même logique, la gendarmerie a proposé des webinaires, en partenariat avec les chambres de commerce et d’industrie, pour accompagner les entreprises à se protéger de ces cybermenaces. À l’instar de celui réalisé par l’adjudant-chef Manuel Canada, de la brigade départementale de renseignements et d’investigations judiciaires de l’Aube, sur la thématique de la protection des systèmes informatiques des TPE, toujours accessible sur le site de la CCI Troyes et Aube et sur le réseau Youtube.
De plus, la gendarmerie a également proposé aux élus locaux (députés, sénateurs, mairies, etc.) des rencontres par visioconférence avec les acteurs de la prévention : référent sûreté, enquêteur NTECH, militaire spécialiste SIC. Ces entretiens ont été l’occasion de diffuser des conseils de prévention contre les cybermenaces, dont peuvent être victimes les parlementaires.
Au 8 juillet, 47 802 opérations de prévention et de contact cyber avaient été réalisées par le pôle national de lutte contre les cybermenaces au profit d’élus locaux, d’entreprises, de laboratoires, d’hôpitaux et de pharmacies ; 1 214 incidents cyber avaient été traités et 489 enquêtes judiciaires ouvertes.
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