Le Bataillon de Joinville, ambassadeur des armées dans le monde sportif

  • Par le chef d'escadron Charlotte Desjardins
  • Publié le 18 avril 2025
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Vu de dos sur un t-shirt bleu siglé en blanc "Armée de champions"
© CNSD

Le Bataillon de Joinville est une unité regroupant les sportifs de haut niveau de la Défense sous contrat avec l’armée française. Créé en 1956, il a vu son rôle évoluer, mais œuvre toujours au soutien du sport de haut niveau et au rayonnement des armées.

Tous les grands noms du sport français y sont passés : de Platini à Noah, en passant par Zidane ou encore Galthié… Il a créé des liens indéniables entre les armées et le sport de haut niveau : ce lieu mythique, c’est le Bataillon de Joinville. Implanté sur le camp Guynemer, à Fonainebleau, où se trouve aujourd’hui le Centre national des sports de la défense (CNSD), il englobe tous les sportifs de haut niveau des Armées et de la Gendarmerie.

Une histoire déjà ancienne

1956, naissance du Bataillon de Joinville.(B.J.). En raison de la conscription, qui dure deux ans à l’origine, et dans le cadre du soutien au sport de haut niveau, il regroupe les appelés sportifs, leur permettant de poursuivre leur carrière sous les drapeaux. Tout en faisant leurs classes, ils sont présents deux à trois jours par semaine à l’École interarmées des sports (EIS).
Avec la fin du service militaire obligatoire, le B.J. est mis en sommeil, et les Armées se mettent à constituer des équipes de France militaires, avec pour chacune des sports bien identifiés. À la Gendarmerie, le tir ; à l’armée de l’Air, le parachutisme et la voltige ; à la Marine, la voile ; et à l’armée de Terre, le triathlon, l’équitation et le ski. Peu à peu, les unités commencent à recruter directement des athlètes de haut niveau, rendant nécessaire la mise en place d’un nouveau protocole d’accord cadre, signé en 2015, pour redéfinir le dispositif. Celui-ci précise que la gestion des sportifs de haut niveau sous contrat avec les Armées et la Gendarmerie sera centralisée au CNSD, remettant le Bataillon de Joinville au goût du jour. À sa tête jusqu’à l’été 2024, le commandant Erwan Lebrun, enfant du sport militaire, explique son enjeu : « Aujourd’hui, le Bataillon de Joinville, c’est avant tout une marque, un identifiant qui parle à tout le mouvement sportif, mais qui n’a plus le même fonctionnement. L’équipe est resserrée, avec la partie centrale à Fontainebleau, soit quatre personnels qui suivent cent soixante-dix athlètes. Pour la partie hivernale, à Chamonix, ils sont quatre pour cinquante athlètes. Enfin, il y a une troisième entité à Pau, à l’ETAP, avec un chef de section pour huit athlètes. Les sportifs, eux, sont dans leur structure d’entraînement. »

Recrutement des Sportifs de haut niveau de la Défense (SHND)

Le protocole d’accord cadre détaille le processus de recrutement des athlètes, qui doivent tout d’abord être inscrits sur la liste ministérielle des sportifs de haut niveau. Au cours d’une commission de recrutement, qui se tient deux fois par an, leurs noms sont proposés par les fédérations au commissaire au sport militaire, qui s’appuie sur l’avis de l’Agence nationale du sport et du Comité national olympique (ou paralympique) et sportif français. Les candidats sont alors étudiés, choisis, puis positionnés au sein des Armées et de la Gendarmerie au regard des places disponibles, sans être cantonnés à une force en fonction de leur discipline. Cette commission sert aussi à l’avancement.
« Les athlètes ont un avancement particulier, adapté à leur statut et à leur emploi, et lié à leurs performances, explique le commandant Lebrun. Ils sont recrutés pour ça, pour performer, ramener des médailles, rayonner et participer à faire connaître les Armées et la Gendarmerie nationale à travers leur appartenance à l’Armée de champions et au Bataillon de Joinville. »
Outre cette notion de performance, ils peuvent aussi évoluer au regard des regroupements, formations militaires adaptées qui leur sont proposées à plusieurs reprises dans l’année, et au cours desquelles ils réalisent des périodes d’acculturation.

Huit membres de l'armée de champion de dos, dont un dont on devine les roues du fauteuil, en bas de treillis et t-shirt bleu siglé en blanc "Bataillon de Joinville" regardent un homme en treillis expliquant le fonctionnement d'u nbâton téléscopique. Au fond des épineux, un bâtiment couleurs bois et trois arches, une bleu, une bland, une rouge
© CNSD

Un statut particulier

Les Sportifs de haut niveau de la Défense-Gendarmerie (SHND-G) sont rattachés au corps technique et administratif de la gendarmerie comme sous-officiers commissionnés. Recrutés au grade de Maréchal des logis (MDL), ils peuvent être proposés pour passer au grade supérieur lors de leur renouvellement de contrat, en fonction de leurs performances (titres mondiaux, olympiques, etc.).
Pour la Gendarmerie, les plages de grade vont de MDL à adjudant, à l’exception d’Élodie Clouvel, engagée depuis 2012 et aujourd’hui capitaine, ayant bénéficié de l’ancien dispositif. Certains grands noms des autres armées sont aussi des cas particuliers, comme Martin Fourcade pour l’armée de Terre. Engagé comme militaire du rang, ce dernier est passé sous-officier avant de devenir sous-lieutenant au regard de ses nombreux titres (globe, champion du Monde, médailles et titres olympiques).
« Concernant les avancements, les différences sont liées aux choix de chaque armée, qui ont chacune décrit un cursus spécifique, ajoute l’officier. Globalement, c’est la performance sportive ou un titre majeur qui va leur permettre de voir leur statut évoluer. Les autres avancements sont liés au temps de service et au niveau de formation militaire, c’est-à-dire la présence sur ces stages d’acculturation et de formation. Il y a une base commune pour tous, et les durées sont un peu différentes selon les forces. Mais nous avons globalement quelque chose d’assez cohérent. »
Les sportifs paralympiques sont quant à eux des personnels civils, agents sur contrat auprès du ministère des Armées ou de l’Intérieur. La Gendarmerie en compte cinq dans ses rangs. La possibilité de changement de catégorie (C à B) dans leurs contrats est également liée à la performance : ils doivent servir au moins quatre ans et décrocher un titre pour pouvoir évoluer. Leurs contrats, d’une durée de deux ans, peuvent être renouvelés deux fois. Ensuite, ils passent sous une autre forme de contrat, qui peut également durer six ans.

Ce qu’on attend des SHND

Le sportif de haut niveau de la Défense est attendu sur trois aspects, le premier étant d’être performant et de remporter des titres. Son rôle est également de faire rayonner les Armées dans le secteur civil en communiquant sur son appartenance. Enfin, il doit répondre aux sollicitations des Armées (stages, événements, opérations de relations publiques…). Les SHND ne sont pas présents au CNSD au quotidien, mais dans leurs structures d’entraînement fédérales, en club, ou dans des structures personnelles. C’est pourquoi il est essentiel pour eux de répondre aux demandes, comme une nécessaire réciprocité dans les échanges. « Leurs contrats sont très courts, un ou deux ans, hormis le contrat initial, qui peut aller jusqu’à quatre ans, précise le commandant Lebrun. Cela leur impose d’être performants tout le temps et de répondre à nos attentes, car si ce n’est pas le cas, on peut ne pas les renouveler. Globalement, ils jouent le jeu. »

Un soutien pour les sportifs

Leur engagement comme SHND offre à ces professionnels une sécurité matérielle, par un revenu fixe et un statut social. « Cela leur permet de choisir les autres partenaires, d’avoir un bulletin de salaire et donc un logement ou un prêt pour une voiture. Ils peuvent se consacrer entièrement à leur sport sans avoir de travail en parallèle, en étant payés pour cela. »
Le commandant évoque l’exemple de l’adjudant Clarisse Agbégnénou, multi-médaillée olympique et championne du Monde de judo, qui, lors de son recrutement, n’était pas encore l’athlète qu’elle est aujourd’hui, malgré déjà quelques résultats au niveau international.
« Elle est très reconnaissante envers la Gendarmerie et l’Armée de champions, et attachée à nous : on l’a accompagnée et on l’a aidée à grandir quand elle en a eu besoin. C’est un juste retour des choses au final. Elle est fidèle, reconnaissante de tout ce que le Bataillon de Joinville lui apporte encore aujourd’hui au plan matériel : un revenu régulier, un bulletin de salaire, des droits à cotisation à la retraite. » Elle n’est pas la seule à témoigner encore de son attachement à l’Institution. Alain Bernard, par exemple, n’a pas oublié le soutien de la Gendarmerie et du dispositif au cours de sa carrière.
Outre cet appui très concret, leur statut leur offre aussi des opportunités de reconversion. Un athlète qui a répondu aux attentes se voit proposer, en fin de carrière, une reconversion, soit au sein de l’Institution, soit dans le monde civil : ils sont titulaires de ces droits comme tous les militaires, et sont accompagnés dans ce cadre. « Lorsqu’ils décident de mettre fin à leur carrière d’athlète, en fonction de leur projet, on peut leur proposer un renouvellement de contrat de six mois à un an pour les accompagner, période pendant laquelle ils peuvent, par  exemple, suivre une formation. Cela leur permet d’avoir une porte de sortie. En revanche, si c’est un athlète qui n’a pas joué le jeu, on ne va pas forcément l’accompagner. » Quelques champions ont intégré les Armées et la Gendarmerie à l’issue de leur carrière, comme Christophe Humbert, champion d’Europe de judo entré dans la Marine nationale, ou Hugues Duboscq, médaillé olympique devenu plongeur de la gendarmerie au sein du peloton de sûreté maritime et portuaire du Havre.

Quatre personnes en treillis, une cinquième, a qui il manque une main, passant par-dessus un obstacle, dans la forêt
© CNSD

Formation et acculturation : l’apport des stages

Chaque recrue bénéficie d’une formation initiale accélérée de cinq jours permettant de passer en revue les tenues, grades, appellations, règles de communication, mais aussi les attendus… Le programme est dense, d’où la nécessité pour eux de revenir régulièrement afin d’ancrer cette acculturation. « Pendant les regroupements, on leur fait faire de l’ordre serré, des parcours nautiques militaires, des parcours d’obstacles ou encore des pistes d’audace, ajoute le chef du Bataillon. Mais on utilise aussi ces stages pour leur montrer l’ensemble des facettes des Armées et leur faire connaître le milieu militaire. En octobre 2023, nous avons par exemple passé une journée au GIGN, une autre sur la base navale de Toulon ou encore sur la base aérienne 123 d’Orléans-Bricy… »
Lors du stage d’octobre 2023, certains athlètes, commençant à ressentir la pression des Jeux, ont pu arriver tendus. Ils sont repartis ravis, voire transformés. « C’est ce que l’on recherche ! Le soutien aux athlètes ne se borne pas à l’aspect matériel. Ces quatre jours de cohésion et d’échanges avec les autres athlètes sont une occasion de sortir de leur zone de confort, de les aider à réfléchir et à prendre du recul. Ils en ressortent gagnants », se réjouit le commandant Lebrun. Une réflexion qui trouve un écho particulier si on prend en compte le fait que les disciplines de ces SHND sont individuelles et donc centrées sur la performance personnelle. Si le commandant et son équipe sont là pour mettre les athlètes dans les meilleures conditions pour tendre vers cette performance, il est parfois nécessaire de bouleverser leurs habitudes. « Le stage ne dure que quatre jours, mais cela les aide à se poser les bonnes questions. Le plus marquant, c’est que quand ils se retrouvent, ils ont conscience de partager des choses, comme une famille, qu’il faudra faire vivre au sein du village olympique. Cela crée des liens entre les disciplines et entre les générations. » Ces formations sont souvent suivies d’un pic de communication sur les réseaux avec les athlètes en tenue.

Le travail avec les fédérations

« Nous travaillons avec l’ensemble des fédérations olympiques de sport individuel, qui peuvent toutes prétendre à intégrer un athlète de haut niveau. L’exception reste le parachutisme : ce n’est pas une discipline olympique mais elle a une histoire particulière avec les Armées. » Ce travail commun est structuré dans le cadre d’une commission d’évaluation des partenariats. Une fois par an, a minima, se tient une rencontre entre le CNSD et chaque fédération, en vue de dresser un bilan des relations entretenues. Parmi les sujets abordés, le suivi des SHND du Bataillon : un point est fait sur leurs performances individuelles, l’évolution et l’avenir des athlètes, leur sélection pour les Jeux Olympiques… Ce lien avec les fédérations passe aussi par la reconversion de certains athlètes en leur sein une fois leur carrière sportive terminée. Et dans le monde du sport aujourd’hui, quand on parle du Bataillon de Joinville, tout le monde sait ce que cela représente pour les athlètes.
« Par exemple, Michaël d’Almeida, champion de cyclisme sur piste, est aujourd’hui en train de passer ses diplômes d’entraîneur de l’équipe de France de cyclisme. Il y a aussi Daniel Jérent, SHND-G et escrimeur, qui devient maître d’armes. Ce type de reconversion permet de renforcer nos liens. Ce sont des gens qu’on a connu athlètes, qu’on accompagne dans le rôle d’entraîneur et qui, demain, seront les contacts des Armées dans ces disciplines, sachant faire passer les bons messages. L’actuel président de la Fédération française de boxe, Dominique Nato, est lui aussi passé par le Bataillon, où il a même été entraîneur. Le Centre est un peu couvert de ces noms d’anciens sportifs militaires, c’est très représentatif. »

Le travail du CNSD avec la Gendarmerie

Si la gestion des athlètes du B.J. est centralisée à Fontainebleau, où ils sont affectés, ils sont également régis au niveau administratif par l’arme à laquelle ils sont rattachés. Les SHND-G reçoivent ainsi leur notation de l’école de gendarmerie de Fontainebleau. Le commandant Lebrun a un référent au sein de chaque armée pour les questions spécifiques liées aux SHND. Pour la Gendarmerie, c’est le major Denis, avec qui il est en contact de façon hebdomadaire. Outre ce rôle de relais, le major est l’interlocuteur des vingt-cinq SHND-G pour tout ce qui concerne le cadre administratif propre à la gendarmerie, mais aussi pour entretenir le lien entre l’Institution et les sportifs, organisant à cet effet des actions spécifiques au sein de la gendarmerie. « Nous avons par exemple demandé aux athlètes d’être parrainés par une unité ou d’en parrainer une, précise le commandant. C’est aussi le rôle du major Denis de s’assurer du lien avec l’unité concernée. »

Un homme en sweat noir devant un mur de briques portant de nombreuses signatures à la craie. Au-dessus, dans un rectangle bleu ciel, l'inscription "Mur des champions"
© CNSD

Le Bataillon de Joinville, un ambassadeur

Avec 104 athlètes sélectionnés, sur les 224 sportifs engagés au sein du Bataillon de Joinville, les Armées et la Gendarmerie ont été les contributeurs les plus importants au sport de haut niveau français pour les Jeux de Paris 2024. Du côté des gendarmes, ils sont 14 à avoir été retenus. « On se doit de faire rayonner, de faire perdurer ce dispositif et le nom du Bataillon de Joinville, ainsi que ce qu’il représente dans le sport de haut niveau français. C’est une mission orientée à la fois vers le milieu militaire mais aussi vers le milieu civil », conclut le chef du Bataillon.

Les 24 SHND-G

- CNE Élodie Clouvel, pentathlon moderne

- ADJ Clarisse Agbégnénou, judo

- MDC Maxime Pauty, escrime

- MDC Valentin Belaud, pentathlon moderne

- MDC Audrey Merle, triathlon

- MDL Marjorie Delassus, canoë

- MDL Manon Brunet, escrime

- MDL Althéa Laurin, taëkwondo

- MDL Lisa Barbelin, tir à l’arc

- MDC Lucas Chanavat, ski de fond

- MDC Jean Quicampoix, tir

- MDC Léocadie Ollivier de Pury, parachutisme

- MDL Timmy Gillion, cyclisme sur piste

- MDL Rénelle Lamote, athlétisme

- MDC Charlotte Bonnet, natation

- MDL Nils Allègre, ski alpin

- MDL Melvin Landerneau, cyclisme sur piste

- MDC Alexis Raynaud, tir

- MDL Antoine Adelisse, ski acrobatique

- Gaëlle Edon, para-tir

- Hector Denayer, para-natation

- Florian Bouziani, para-cyclisme

- Margot Boulet, para-aviron

- Thomas Jakobs, para-badminton


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