Insuffler le goût de l'effort en école !

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 15 avril 2025
Plusieurs élèves gendarmes en treillis kaki en position de gainage latéral sur le bitume à l'orée d'un bois.
© E.G. Eugénie Taupin

De l’évaluation initiale des élèves dès leur arrivée en école, à la préparation physique opérationnelle, l’entraînement physique militaire et sportif dispensé lors de la formation initiale permet de préparer les futurs gendarmes aux besoins opérationnels de leur futur métier. La pratique sportive régulière, qu’elle soit individuelle ou collective, permet également de transmettre aux jeunes recrues les valeurs communes à l’univers du sport et au monde militaire : cohésion, engagement,  dépassement de soi, résilience, etc. Immersion à l’école de Chaumont.

Il est encore tôt en cette matinée d’août, mais la journée s’annonce déjà chaude. À peine le jour levé, les « quartiers » de l’École de gendarmerie (E.G.) de Chaumont se réveillent au rythme des activités de chaque compagnie d’élèves-gendarmes. Tandis que certains élèves se rendent au mess, où les passages sont échelonnés, d’autres pratiquent l’ordre serré sur la place d’armes, entonnant leur chant à pleins poumons. D’autres encore se rendent dans les salles de cours. Enfin, il y a ceux que des activités plus physiques attendent, que ce soit dans le cadre de la pratique sportive au sens strict ou des activités opérationnelles nécessitant un engagement physique, à l’instar de la Maîtrise sans arme de l’adversaire (MSAA). Mais toutes les jeunes recrues n’arrivent pas en école avec la même appétence pour le sport ni avec la même condition physique.

Une élève gendarme vêtue d'un cycliste noir et d'un t-shirt bleu en train de grimper à la corde.
© E.G. Eugénie Taupin

« Nous constatons de plus en plus de niveaux de condition physique très disparates, notamment chez les gendarmes adjoints volontaires. Certains candidats n’ont que peu, voire pas du tout pratiqué une activité sportive avant leur arrivée. Une minorité affiche même des problèmes de surpoids, confirme le général Stéphane Dudouit, commandant l’E.G. de Chaumont. Le constat est sociétal : la sédentarité et le manque d’activité physique sont en augmentation ces dernières années, particulièrement chez les jeunes. Nous constatons d’ailleurs davantage de blessures lors de nos activités physiques, même les plus classiques, ce qui nous oblige à faire preuve de plus de progressivité et d’adaptation dans l’application de nos programmes. Notre objectif au cours de la formation initiale n’est pas d’en faire des athlètes, mais de tirer les élèves vers le haut afin d’atteindre le niveau qui garantisse leur opérationnalité. »

Un entraînement physique progressif et adapté aux besoins des futurs gendarmes

Plusieurs durées de formation sont proposées au sein des écoles de gendarmerie, ce qui a logiquement un impact sur le volume horaire consacré au sport. Outre les formations classiques, d’une durée de neuf et sept mois respectivement destinées aux recrutements externe et interne, l’école de Chaumont est la seule à proposer également une formation numérique augmentée d’un module d’un mois supplémentaire.

La formation classique de neuf mois comprend un tronc commun de sept mois, régi par un programme élaboré par le Commandement des écoles de la gendarmerie nationale (CEGN) et uniformisé à 90 % entre les différentes écoles. Celui-ci comprend un bloc de 74 heures d’Entraînement physique général (EPG), commun à tous les élèves (futurs gendarmes départementaux et mobiles), qui se découpe en trois temps : la mise en condition physique initiale, comprenant une évaluation, le renforcement de la condition physique générale et le développement de la condition physique opérationnelle. Ces trois phases permettent de construire un entraînement physique progressif et adapté aux besoins des futurs gendarmes. « Les bilans initiaux, anciennement bilans initiaux de compétences, permettent d’évaluer le niveau physique de chaque élève et de constituer des groupes de niveau homogènes, explique le capitaine Richard Meyer, chef du département de la déontologie et des compétences. La phase de renforcement de la condition physique générale a lieu aux alentours du 4e ou du 5e mois de formation et vise à améliorer la condition physique générale des élèves. Elle est essentielle avant d’aborder la dernière phase de l’EPG, qui se concentre sur l’opérationnalisation de l’entraînement physique, en le rapprochant des réalités du terrain. Par exemple, au lieu d’un simple footing, un exercice simulant une situation opérationnelle sera réalisé dans le gymnase. »

Un élève gendarme en treillis kaki en train de sauter par dessus l'obstacle d'un parcours du combattant en plein air. Il prend appui sur la poutre, la tête vers le sol et les jambes vers le ciel.
© E.G. Eugénie Taupin

Viennent ensuite s’ajouter à ce bloc d’EPG, 24 heures d’entraînement au parcours du combattant, ainsi que des cours nécessitant un engagement physique, comme la MSAA, à raison de 38 heures, et les marches, au nombre de quatre (environ 70 km, soit une douzaine d’heures), sans oublier l’ORFA (Optimisation des Ressources des Forces Armées), anciennement TOP (Technique d’Optimisation du Potentiel), qui travaille sur la préparation mentale et le bien-être. Au cours des deux derniers mois de formation, une distinction est faite entre les élèves qui se destinent à la Gendarmerie mobile (G.M.) et à la Garde républicaine (G.R.), et ceux qui optent pour la Gendarmerie départementale (G.D.). Si les deux groupes ont tous deux au programme 16 heures de MSAA, le volume horaire consacré à l’EPG opérationnel diffère, soit 28 heures pour les G.M./G.R. (incluant la natation utilitaire) contre 18 heures pour les G.D. Au total, au cours d’une formation classique, la pratique sportive stricte (EPG et parcours du combattant) s’élève à 126 heures pour les futurs G.M./G.R. et à 116 heures pour les futurs G.D. Au sens large, incluant cette fois la MSAA, les marches et l’ORFA, les volumes horaires sont respectivement de 190 et 180 heures. « Il y a toujours des très bons et des moins bons parmi les élèves, mais le niveau général est en baisse. Le plus flagrant concerne la coordination et la résistance, estime l’adjudant Marc, responsable du bureau des sports. Le contenu de nos formations est donc adapté au nombre d’élèves, à leur niveau, au matériel à disposition, au nombre de moniteurs disponibles, car nous ne sommes que quatre pour sept compagnies, mais aussi aux conditions météorologiques. L’objectif est que tout le monde progresse et qu’ils aient les capacités physiques pour durer dans le temps sur les interventions. D’ailleurs, ces dernières années, le volume horaire consacré au sport a évolué, surtout dans le cadre de l’option complémentaire destinée aux futurs mobiles. »

Une quinzaine d'élèves gendarmes en cyclistes noirs et t-shirts bleus en train de courir en groupe dans une enceinte militaire.
© E.G. Eugénie Taupin

Et le gendarme Vivien, arrivé à l’école de Chaumont en tant que moniteur de sport à l’été 2023, de confirmer : « Nous adaptons les techniques pour qu’il y ait plusieurs variantes, avec des charges différentes, et que tout le monde travaille ainsi de la même façon. Nous alternons les cours en intérieur et en extérieur. Une fois que les gestes sont connus et maîtrisés, nous pourrons nous orienter vers quelque chose de plus ludique, de type challenge, ce qui rendra l’activité plus attractive. Au-delà de la perspective des examens, il faut leur donner le goût de l’effort. Pour nous, moniteurs de sport, il est relativement facile de motiver les élèves. Les cours se déroulent toujours dans une bonne ambiance. »

Combat de boxe dans un gymnase entre deux élèves gendarmes en treillis kaki, avec gilet pare-balles, casque de boxe, gants et jambières.
© E.G. Eugénie Taupin

Savoir-faire et savoir-être

Les élèves sont ainsi répartis en quatre groupes de niveau, en fonction de leurs capacités physiques initiales, et les séances sont adaptées au niveau de chacun d’entre eux. La formation sportive, encadrée par des moniteurs CT1 sport, repose sur les principes de régularité, de progressivité et d’adaptabilité. « Le but n’est pas d’en faire des sportifs de haut niveau. L’objectif est clairement opérationnel. Il est essentiel de savoir s’éprouver et de connaître ses limites pour être capable de faire face aux contraintes de notre métier au quotidien, en toute sécurité et avec technicité et efficacité. Les méthodes d’encadrement peuvent varier selon la sensibilité de l’instructeur, mais l’objectif reste le même : susciter cette motivation de manière intelligente, insiste le CNE Meyer. Au-delà de la simple mise en condition physique, il s’agit aussi, selon moi, de développer un véritable savoir-être, notamment à travers le goût de l’effort et la responsabilisation. La pratique sportive requiert en effet du courage, tant physique, comme sur les pistes d’audace où l’on est confronté à des difficultés, que mental, pour s’engager dans une pratique régulière. Enfin, je dirais que le sport contribue aussi à la transmission de valeurs inhérentes à notre identité de gendarme, comme le rapport à la règle, le rapport aux autres, la cohésion et le dépassement de soi. Ces valeurs qui constituent l’éthique professionnelle du gendarme peuvent s’apparenter in fine à la déontologie du métier. L’Entraînement physique militaire et sportif (EPMS) est donc un levier qui permettra d’atteindre les objectifs définis dans le Code de déontologie. Plus largement, je dirais que l’EPMS, tel qu’il est dispensé dans les écoles de gendarmerie, permet aussi de cultiver notre militarité. »

Deux élèves gendarmes en treillis progressent en rampant sur le bitume sous un grillage.
© E.G. Eugénie Taupin

« Se donner les moyens de réussir »

Si la pratique sportive collective en dehors des créneaux programmés et sans encadrement qualifié est interdite pour des raisons de sécurité, de nombreux élèves s’adonnent également, en dehors des cours, à une pratique sportive individuelle, comme la course à pied ou l’entraînement musculaire ou cardio en salle. Par ailleurs, en plus de la formation programmée, des activités sportives annexes sont proposées aux élèves, comme le cross national de la gendarmerie ou les différentes disciplines pratiquées au sein du Club sportif et de loisirs de la gendarmerie (CSLG), telles que le badminton, le volley, le tennis, le crossfit, la musculation, la course à pied, le tir à air comprimé…

Pour Léo, âgé de 27 ans, le sport faisait déjà partie de son quotidien avant son entrée à l’école de gendarmerie. Il pratiquait surtout le tennis, à raison d’au moins dix heures par semaine. Pour intégrer la gendarmerie, il a ajouté des séances de renforcement musculaire à son programme, « essentiellement des activités d’endurance couplées à des épreuves de force ». « Ici, on nous prépare à pouvoir répondre à une situation sur le terrain. Le niveau de ce qui nous est demandé correspond au minimum de ce qu’on attend d’un gendarme opérationnel », estime-t-il, soulignant la polyvalence des activités. « Mais il y a toujours cette dualité entre l’entraînement physique et le travail théorique. Il faut trouver un équilibre et hiérarchiser les priorités. » Du haut de ses 23 ans, Léa, férue de basket et forte de sa PMG (Préparation Militaire Gendarmerie), ne part pas non plus de zéro, mais elle s’est pourtant entraînée en prévision de son entrée en école, « surtout au niveau du renforcement musculaire et de la barre à passer ». La formation est conforme à ses attentes : « Nous sommes bien préparés physiquement ». Elle souligne également la bonne cohésion au sein du groupe : « Tout le monde s’encourage pour repousser nos limites. Certains ne s’étaient pas spécialement préparés et peuvent se retrouver en difficulté, mais nous sommes là pour les aider. » Le soir, pendant le temps d’étude, la jeune femme court ou fait du renforcement musculaire : « Beaucoup le font ; il faut se donner les moyens de réussir. Pour moi, la condition physique est indispensable pour évoluer sur le terrain. Il faut un minimum de physique pour exercer le métier de gendarme, quelle que soit la subdivision d’arme choisie. »

Dans un gymnase, deux binômes d'élèves gendarmes en pantalon de treillis kaki et t-shirt noir s'affrontent lors d'une séance de maîtrise sans arme de l'adversaire. En arrière-plan une dizaine d'élèves gendarmes en observation.
© E.G. Eugénie Taupin

En effet, sur le terrain, le gendarme doit être prêt à faire face à toutes les situations, chaque intervention pouvant en effet très rapidement évoluer en situation de violence. « La MSAA n’est pas une discipline sportive en tant que telle, mais elle nécessite une bonne condition physique. C’est un mélange de technique et de condition physique, conclut l’adjudant Joris, Instructeur d’intervention professionnelle (IIP) de l’E.G. L’objectif n’est pas de faire des combattants, mais de donner au gendarme, quel que soit son niveau, des outils lui permettant d’accomplir son métier, que ce soit pour procéder à une interpellation ou faire cesser une agression. Cela demande d’être prêt, aguerri mentalement et techniquement, mais aussi physiquement. »

La formation sportive complète dispensée à l’école de Chaumont vise donc à la fois le développement des capacités physiques et l’intégration des valeurs de la gendarmerie afin de permettre une parfaite adaptation aux réalités opérationnelles de la société actuelle.

Quatre élèves gendarmes en cyclistes noirs et t-shirts bleus font des tractions devant le mur extérieur d'un bâtiment ; les deux garçons sont sur la barre et les deux filles avec des sangles.
© E.G. Eugénie Taupin

L’école de Chaumont fêtera ses 80 ans en 2025

Créée en 1945, l’école de gendarmerie de Chaumont est la plus ancienne, comme le souligne sa devise : « Première oblige ». L’établissement peut accueillir 850 élèves-gendarmes et élèves gendarmes adjoints volontaires. Quelque 120 cadres militaires et 70 personnels civils sont chargés d’encadrer les élèves et de gérer l’école. Elle fêtera ses 80 ans d'existence les 13 et 14 juin 2025.


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