CNEFG : l’école du maintien de l’ordre

  • Par Pablo Agnan
  • Publié le 29 décembre 2021
© MI DICOM – E. Delélis

Il est considéré comme « la maison mère » de la Gendarmerie mobile (G.M.). Depuis 1969, le CNEFG (Centre National d’Entraînement des Forces de Gendarmerie) forme la G.M. à l’exercice complexe du maintien de l’ordre. Mais résumer le CNEFG à un simple centre de formation pour les « moblots » serait réducteur. Passent en effet par cette institution tous les gendarmes, qu’ils soient mobiles ou départementaux, et même encore en école. Il est ainsi devenu, au fil des années, un passage obligé pour tous les militaires.

À Saint-Astier, en Dordogne, il n’y a pas que la pluie qui tombe du ciel. En cette matinée presque hivernale du mois de mai, des pavés pleuvent également sur les gendarmes mobiles de l’escadron 11/7 de Verdun. En guise de réponse, les militaires font s’abattre sur les manifestants un déluge de lacrymogènes, grâce à leur lanceur de grenades 56 mm de type « Cougar ». Un épais brouillard chimique et piquant se forme alors, obligeant les contestataires à reculer. La manœuvre, elle, peut continuer.

Cette séquence, aussi réelle qu’impressionnante, n’est en fait qu’un simple entraînement. Les pavés sont en réalité des parallélépipèdes rectangles en mousse. Les gaz lacrymogènes sont, en revanche, authentiques et pénétrants, et ce, malgré le masque de protection. L’exercice se déroule à Saint-Astier, au sein du Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG), alias la « maison mère » de la Gendarmerie mobile (G.M.). Depuis 52 ans, le CNEFG constitue un passage obligé pour tous les gendarmes, mobiles comme départementaux.

On est là pour évaluer la capacité opérationnelle des unités à évoluer dans un environnement dégradé, sur le haut du spectre des troubles à l’ordre public »

La maison mère des « moblots »

Le centre voit le jour en 1969, à la suite des événements de mai 1968. À l’époque, « la gendarmerie mobile ne dispose pas d’un lieu d’entraînement pour ses personnels et de tests pour ses matériels. Le centre est donc, pour ainsi dire, un enfant de mai 1968 », explique le général Éric Lamiral, commandant du CNEFG. Installé sur une ancienne base aérienne de l’armée de l’Air en avril 1969, il assure depuis, sans interruption, la formation et le recyclage des escadrons et des groupements de gendarmerie mobile.

Si le centre est baptisé par son commandant la « maison mère des mobiles », c’est justement parce qu’il assure en premier lieu cette mission de formation et de recyclage des G.M. Le recyclage est d’ailleurs l’activité numéro un du CNEFG. Tous les trois ans, les 109 escadrons viennent, successivement, s’y mettre à jour durant deux semaines, au cours desquelles ils vont enchaîner les simulations de maintien et de rétablissement de l’ordre.

© MI DICOM - E. Delelis

S’entraîner au plus près de la réalité

Les simulations exécutées dans le cadre du recyclage font s’affronter quatre escadrons, soit 260 militaires, contre une centaine d’autres jouant le rôle de plastrons. Tous les scénarios sont joués, des violences urbaines aux escortes de convois sensibles, en passant par des situations insurrectionnelles, du rétablissement de l’ordre en milieu rural et urbain, ainsi qu’en outre-mer, et ce, de jour comme de nuit. Les directeurs d’exercice tentent de reproduire le plus fidèlement possible les situations que peuvent rencontrer les militaires lors d’une véritable opération. Des haut-parleurs crachent même en continu les clameurs assourdissantes d’une foule déchaînée, histoire de pousser le réalisme à son paroxysme.

« On est là pour évaluer la capacité opérationnelle des unités à évoluer dans un environnement dégradé, sur le haut du spectre des troubles à l’ordre public », résume un instructeur. D’où cette volonté de coller à la réalité. Une vraisemblance permise par les infrastructures dont dispose le centre, et notamment celles de son « village M.O. (pour Maintien de l’Ordre, NDLR) ».

Il s’agit de la copie conforme d’un centre-ville classique, où tout l’environnement urbain a été reproduit à l’identique, des rues aux avenues, en passant par des places et des ronds-points, ainsi qu’une fausse banque, un bureau de poste factice et, enfin, un centre culturel. Si ce décor est digne d’un studio hollywoodien, ce qui s’y joue n’est pas du cinéma. La formation reste le credo du CNEFG, comme en témoigne la présence constante des instructeurs spécialisés dans le rétablissement de l’ordre, auprès des unités, du commandant du GTG (Groupement Tactique de Gendarmerie, comprenant de deux à cinq escadrons) aux chefs de groupe, en passant par les commandants de peloton.

« Le CNEFG forme tous les maillons de la chaîne de commandement, ce qui garantit le label qualité de l’emploi de la force au sein de la mobile », argue le général Lamiral, avant d’ajouter : « Tous disposent du même enseignement et ont donc dans leur ADN cet emploi maîtrisé de la force. »

© MI DICOM - E. Delelis

Dans l’ADN de la G.M.

Cet ADN, le CNEFG l’a puisé au plus profond des racines de la gendarmerie mobile. Il est allé le chercher dans un texte intitulé « instruction sur le maintien de l’ordre », daté du 1er août 1930. Le dogme, édicté dans les principes généraux du document, agit d’ailleurs comme un déclic, aussi bien face aux troubles actuels qu’à la manière des militaires de les maîtriser. On peut notamment y lire : « (…) Les gendarmes doivent bien se pénétrer de cette idée que leur intervention n’a d’autre but que d’assurer la liberté et la tranquillité des citoyens », ou bien encore « beaucoup de fermeté, tempérée par un sens du tact (…), une exacte et calme discipline, un haut sentiment du devoir et des responsabilités. »

Nous sommes de plus en plus confrontés à des cas d’usage des armes »

Grâce à ce triptyque fait de principes, d’histoire et d’infrastructures, le CNEFG a acquis la légitimité pour élargir son socle de formations. À titre d’exemple, le credo de 1930 a largement participé à la conception et à la mise en application de l’I.P. (Intervention Professionnelle).

Quant aux infrastructures, elles permettent d’accueillir d’autres stagiaires, comme les élèves-gendarmes, pour leur donner une première notion de rétablissement de l’ordre, histoire également de confirmer, ou au contraire d’infirmer, des vocations. Elles offrent aussi aux mobiles la possibilité de s’adapter à des situations malheureusement de plus en plus fréquentes. « Nous sommes de plus en plus confrontés à des cas d’usage des armes », justifie le capitaine Ghislain, du bureau diplôme d’arme, pour expliquer le besoin des pelotons d’intervention comme de marche de se former à des cas d’affrontements extrêmes, comme les tueries de masse. « Les G.M. sont souvent primo-intervenants dans ce genre de situation. On leur donne donc des clés pour que n’importe qui puisse réagir dans un tel cas de figure, sans qu’il y ait de victimes du côté des forces de l’ordre. »

À l’inverse, lorsque l’atmosphère est (beaucoup) plus calme, le CNEFG peut aussi se permettre de former les ELI (Équipes de Liaison et d’Information), mises en place à la suite du Schéma national de maintien de l’ordre (SNMO). Enfin, pour asseoir sa légitimité de « maison mère des mobiles », le CNEFG est devenu cette année une place de mémoire, ce qui vient clore le volet historique. « Avant cela, nous n’avions pas suffisamment le devoir de mémoire, regrette le général Lamiral. Il nous manquait un lieu pour la mémoire, pour se rappeler le sacrifice de nos anciens. »

À l’occasion du centenaire de la gendarmerie mobile, une stèle commémorative a été érigée, ainsi qu’une salle du souvenir, « qui n’est pas un musée classique », insiste le commandant du centre. « C’est un outil pédagogique, qui permet de faire comprendre, par l’image, l’histoire de la G.M., aussi bien à nos 12 000 stagiaires qu’à nos 1 800 visiteurs annuels. »

L’expertise du centre n’est désormais plus à prouver, au point que de nombreuses autres administrations viennent se confronter au savoir-faire des G.M. en matière de gestion de crise. Et ce ne sont pas les seules. De nombreuses unités étrangères viennent également se former aux côtés des instructeurs du CNEFG, comme le prestigieux US Marine Corps.

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