Équipes cynophiles : quand technicité se conjugue avec spécialité
- Par la capitaine Gaëlle Pupin
- Publié le 19 novembre 2018
Gendarmerie maritime, de l'armement, des transports aériens, garde républicaine, GIGN, etc. Nombreuses sont les spécialités ayant recours à « l'outil cynophile » pour leur technicité.
Si la formation au sein du Centre national d'instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG) est commune, les missions confiées aux équipes cynophiles varient en fonction de leur unité d'appartenance. Tour d'horizon de ces unités spécialisées.
Gendarmerie de l'armement : quand trouver de l’explosif devient une récompense
Au sein de la Bgarm de Biscarrosse, le gendarme Yannick Gentil forme avec son chien Ibis une équipe cynotechnique spécialisée dans la recherche d’explosifs. Ancien instructeur à Gramat, il explique l’utilité des chiens dans le cadre des missions quotidiennes de son unité : « Les chiens piste ou d’inter se révèlent particulièrement nécessaires en cas d’intrusion sur le site, afin de retrouver au plus vite l’individu. Mais un chien explo reste incontournable pour les dépollutions de bâtiment ou de véhicule. »
Grâce à une valise ARDG (Aide à la Recherche et à la Détection d’Explosifs) contenant dix matières primaires et deux inertes (dont le TATP utilisé au Bataclan), il entraîne son chien à réagir à un vaste panel de molécules pouvant entrer dans la composition d’engins explosifs. « C’est un entraînement poussé, régulier, comprenant plusieurs exercices par jour, à l’image d’un grand sportif. Le chien doit être joueur, car son entraînement est basé sur la recherche de son jouet, auquel il associe les odeurs. »
Une fois les odeurs mémorisées, il faut affiner l’entraînement. L’une des difficultés de cette spécialité réside dans le marquage. En effet, le chien doit apprendre à ne pas toucher le produit… « Il doit rester indifférent à l’environnement, ne pas se laisser distraire. D’où l’importance de l’exposer au plus grand nombre de situations possibles et de l’emmener sur les terrains les plus variés pour qu’il soit à même de s’adapter à toute situation. »
Lors d’une dépollution de bâtiment, en vue de la visite d’une autorité par exemple, le gendarme prend connaissance de l’itinéraire prévu, s’assure que le bâtiment est vide et s’enquiert de l’éventuelle réalisation récente de travaux avant de commencer les recherches.
Motivant son chien sans relâche, l’entraînant à chercher au sol comme en hauteur, il l’observe et note le moindre de ses comportements. « C’est au maître de comprendre le fonctionnement de son chien afin d’utiliser la bonne clé lors des entraînements. » Jusqu’à la découverte de l’objectif… Ibis se couche. Il sait qu’il a trouvé. Un sourire aux lèvres, le gendarme Gentil confirme le succès de la mission et offre la récompense tant attendue…
Chiens du GIGN : des membres de l'équipe à part entière
Unité d'élite, le GIGN n'a pas manqué de se munir également d'équipes cynophiles. « Plus rapides, les chiens d’assaut ont notamment un rôle de couverture et d'interception dans les fuyantes, lors des go-fast ou des interpellations domiciliaires, explique Jean-Luc M., du GIGN. Ils sont également employés dans les cas de forcené, de personne retranchée, etc. » Les chiens spécialisés dans la recherche d'explosifs sont privilégiés lors des missions de contre-terrorisme, au profit de la force intervention, pour s'assurer d'une sécurisation au plus proche des équipes. Leurs compétences sont également employées au profit du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) pour la sécurisation des déplacements du chef de l’État (en alternance avec le RAID) ou en ambassade à l'étranger, notamment lors de la reprise des enceintes, afin de sécuriser la zone.
Lors des interventions, les chiens sont intégrés dans la colonne d'assaut. « Auparavant, le cynotechnicien était un équipier, membre à part entière de la section, qui pouvait incorporer la colonne sans le chien. À terme, chaque cynotechnicien aura deux chiens à disposition : l’un spécialisé en recherche d’explosifs ou en assaut. » Contrairement à d'autres unités de contre-terrorisme, où les chiens peuvent être multitâches, le GIGN a fait le choix d'une véritable spécialisation du chien dans son domaine de prédilection. « D'ici début 2019, nous devrions avoir seize chiens : huit explo et huit assaut. »
Gendarmerie maritime : « le chien est l'outil le plus fiable qui existe ! »
« La gendarmerie maritime a mis en place des équipes cynophiles en 2011, pour répondre à notre mission de sûreté maritime et portuaire, action engagée depuis 2006 dans les grands ports maritimes français tels Le Havre, Marseille, Port-de-Bouc, etc. explique le LCL Vincent Desnos, officier cynophile de la gendarmerie maritime. Notre intervention se porte sur la lutte et la prévention contre les actes de terrorisme. » Ainsi, dans le cadre de leur travail quotidien, les gendarmes maritimes ont besoin d'outils pour détecter les explosifs, les armes et les munitions, afin de répondre au besoin de sécurisation de l'ensemble des flux de marchandises. « En l'état actuel des évolutions technologiques, il n'y a pas plus fiable que le chien pour détecter ces matières ! »
Quatorze équipes cynophiles sont ainsi réparties dans les différents ports. Les ports militaires connaissant les mêmes besoins que les ports civils, la même stratégie y a été déclinée. « Cherbourg, Brest et Toulon sont équipés en moins grand nombre, mais ces ports militaires disposent chacun d’un PSMP (Pelotons de Sûreté Maritime et Portuaire), au sein desquels nous avons intégré une ou deux équipes cynophiles. » La gendarmerie maritime a la volonté de recruter cinq équipes supplémentaires au cours des prochaines années, afin de répondre à la montée en puissance de l'activité dans les grands ports.
Ces chiens sont formés, recrutés et débourrés à Gramat. « On aurait pu penser que pour une gendarmerie spécialisée, mise pour emploi auprès du ministère des Armées, on fonctionnerait en interne avec notre ministère de tutelle, qui dispose également d'une capacité cynophile. Mais comme nous avons aussi des missions de police, de recherche et d'investigation, il valait mieux s'assurer du soutien de la gendarmerie pour avoir des outils en adéquation avec le personnel. C'est pourquoi la DGGN fournit gracieusement des chiens à la gendarmerie maritime, qui sont mis pour emploi auprès de la Marine. »
Parmi les quatorze équipes cynophiles, dix sont spécialisées dans la recherche d'explosifs (dont trois en Recherche d’explosifs sur personne en mouvement - Rexpemo) et quatre en Sambi (Stupéfiants Armes Munitions Billets de banque).
Chaque jour, une demi-journée est dédiée à l'entraînement et l'autre à la recherche métier : contrôle sûreté sur les navires, en mer ou à quai. « Notre travail spécifique est d'analyser le risque présenté par les bateaux qui arrivent dans les eaux territoriales et dans les ports. En fonction de cette analyse, nous ciblons les bateaux à fouiller. Le chien vient en complément de l'équipe sûreté pour rechercher les produits dans toutes les parties du bateau. »
La gendarmerie maritime cible principalement des chiens dotés de capacités en recherche et en investigation.
« Notre priorité n'est pas le côté dissuasif du chien, car nous sommes a minima cinq ou six personnels lors des contrôles. »
Autre particularité : le chien doit être acclimaté au bateau. Quand le mariage maître/chien est bien assuré à Gramat, l'équipe cynophile effectue systématiquement un stage d'acclimatation de cinq jours dans les ports. « Le chien s'habitue assez facilement. Ensuite, c'est au maître de chien de préserver son animal en fonction de l’environnement. » Les blessures aux pattes ou aux griffes, par exemple, sont courantes sur un bateau. Pour les prévenir, les maîtres peuvent faire porter aux chiens de petits chaussons de protection.
« Le maître de chien doit également ''avoir des bras'' et être solide sur ses appuis pour être en mesure de porter le chien en hauteur. » En effet, la plupart des caches sont assez hautes et pas toujours à hauteur d'homme. Pas évident quand on sait que la plupart des chiens sont des malinois (environ 30 kg) ou des springers spaniel (environ 20 kg). « Si Gramat développe un jour une capacité cyno avec des petits chiens, cela pourrait correspondre à nos besoins... »
Gendarmerie des transports aériens : une sensibilité quotidienne
Pour faire face aux besoins spécifiques du milieu aéroportuaire, de nombreuses équipes cynophiles ont été placées pour emploi auprès de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), au sein de la Gendarmerie des transports aériens (GTA). Trois catégories de chiens sont principalement utilisées : recherche d'explosifs classiques, Rexpemo et Sambi.
Quarante équipes de recherche d'explosifs classiques sont réparties sur l'ensemble du territoire national. Elles mènent des missions spécifiques au milieu aéroportuaire, notamment des recherches d'explosif aléatoires sur les plateformes (contrôles régaliens). La GTA œuvre et complète le dispositif de sûreté privé, notamment lors des fouilles, de l'ouverture des véhicules, etc.
« Dans le cadre de la protection de l’aviation civile, le moyen cynophile est précieux, explique la CEN Emmanuelle Sansot, officier cynophile de la GTA. Suivant l'évolution de la menace terroriste, cet emploi s'est particulièrement accru. » Il en va de même de la sécurisation du traitement des voyages officiels ; les équipes cynophiles étant notamment chargées d’en sécuriser le cheminement. Enfin, en appui des services de déminage, les équipes cynophiles traitent également la problématique liée aux objets suspects de type bagages abandonnés.
Sept équipes cynophiles sont spécialisées Rexpemo. « Cette capacité a été développée depuis sa mise en place en 2016. Nous devrions disposer de trois équipes supplémentaires d'ici la fin de l'année ». Employées notamment dans l'environnement aéroportuaire, ces équipes sont déployées dans les terminaux des aéroports parisiens depuis les événements du 18 mars 2017 à Orly (attaque terroriste d’une patrouille Sentinelle), dans le cadre d'un dispositif global GTA de protection et d'appui-intervention dans les terminaux.
Les trois équipes de recherche Sambi sont, quant à elles, utilisées dans le cadre général de la sûreté aéroportuaire, mais aussi dans celui du plan national armes du vecteur aérien. « Notre réflexion, en lien avec la direction des opérations et de l’emploi, se porte sur la mise place de chiens uniquement spécialisés en recherche d’armes et de munitions, ce qui correspondrait mieux à notre besoin. »
Outre leur intégration au sein des équipes d'intervention de la GTA, en fonction du besoin et de leur spécialité (par exemple Psig Sabre d'Orly ou de Roissy), toutes les équipes cynophiles sont également susceptibles d’œuvrer hors plateforme, principalement en renfort de dispositifs globaux de sécurisation, à l’instar du 70e anniversaire du débarquement en Normandie, des matches sensibles de l'Euro, de manifestations sportives d'ampleur, de concerts…, en assistance lors des perquisitions ou encore en sécurisation de lieux post-attentat.
Même si les chiens de la GTA ne sont pas censés être directement au contact du public (à l’exception des Rexpemo), ils doivent nécessairement avoir un caractère stable et maîtrisé, afin d'être aptes à œuvrer au milieu de personnes. « Cette stabilité doit également s'illustrer dans la capacité de recherche, particulièrement en ce qui concerne les explosifs. C'est un domaine extrêmement sensible, dans lequel on n'a pas le droit à l'erreur ! Le chien doit rester pleinement motivé. »
Garde Républicaine : évoluer au cœur des lieux de pouvoir
Au sein de la garde républicaine, évoluent trois équipes cynophiles, toutes affiliées au groupe d'investigations cynophile de Paris du deuxième régiment d'infanterie de la Compagnie de Sécurité des Palais Nationaux. Toutes trois sont spécialisées en recherche et détection d'explosifs… dans un environnement très particulier, puisqu'il s'agit des palais nationaux : Élysée, Matignon, Assemblée nationale, Sénat, ministère des Affaires étrangères, ministère des Armées et même le Palais de Justice.
« Pour être honnête, il n'y a pas vraiment de différence par rapport au travail effectué par les autres unités cynophiles, reconnaît le MDC Stéphane Van Boxsom, maître d'Esther, bientôt à la retraite, et de Lucky. Nous effectuons tous la même formation de quatorze semaines à Gramat. La vraie particularité, c'est notre habitude du milieu, de tout ce qui est protocolaire, propre aux instances du Gouvernement, ou au Sénat et à l'Assemblée… Nous adaptons notre manière d'évoluer, de travailler à cet environnement. »
Autre différence dans un registre plus technique : « chaque chien doit s'entraîner en fonction de son milieu. Nous devons les faire travailler par rapport aux odeurs spécifiques de cet environnement : produits d'entretien des moquettes, tentures, nappes. » Des produits qui, s'ils ne sont pas correctement travaillés, peuvent perturber les chiens.
La garde républicaine dispose de trois chiens en activité : un berger hollandais de 3 ans et demi, un springer spaniel de 4 ans et un berger belge Tervueren de 7 ans. « Le cahier des charges est établi par Gramat, mais nous recherchons des chiens assez calmes et posés. Nous favorisons des chiens de petit gabarit. Pourtant, Lucky fait 33 kg, alors que ma première chienne, Esther en fait 17. Nous nous adaptons au gabarit, notamment dans la manière d'évoluer. C'est ce qui fait le charme de la cyno. Trouver de nouvelles méthodes, se réadapter… Il n’y a pas de routine : chaque chien est différent ! »
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