Récit de voyage des Terres australes, ou l’histoire d’un gendarme en mission au bout du monde
- Par la lieutenante Floriane Hours
- Publié le 14 décembre 2024
Le major Dufour n’est ni navigateur ni aventurier, et pourtant, à deux reprises au cours de sa carrière, ce gradé de la gendarmerie a traversé l’océan Austral, l’un des plus hostiles au monde, pour se rendre aux frontières du pôle Sud, à la découverte des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Un périple et une mission de gendarmerie fascinants, qu’il raconte dans son premier livre : « Pour l’or des Terres australes françaises ».
Le major Dufour n’a pas grandi au bord de l’océan, mais il porte en lui, depuis sa plus tendre enfance, la passion de la mer et du grand large. Après un début de carrière à la brigade territoriale de Chambly, dans l’Oise, en 1998, il demande à être muté dans la Somme, afin de se rapprocher de l’océan. Il est alors affecté à la brigade de Saint-Valéry-sur-Somme. Suite à cette affectation, il poursuit son objectif et prend ensuite un poste à la Brigade de surveillance du littoral (BSL) du Havre, jusqu’à sa dissolution, date à laquelle il sera muté à celle de Boulogne-sur-Mer. « La mer, c’était une passion, donc c’est presque une suite logique », explique le major qui, depuis, a pris le commandement de la BSL de Lège-Cap-Ferret, sur le bassin d’Arcachon, en juillet 2024.
L’appel du grand large
À Boulogne-sur-Mer, le major effectue de nombreuses missions sur la côte et en mer, à bord du petit zodiac de la gendarmerie. Mais au fond de lui, l’appel du grand large se fait de plus en plus pressant. Ayant dépassé l'âge maximum pour s’engager en unité embarquée de la gendarmerie maritime, il prend alors une décision qui va marquer sa vie : répondre à un appel à volontaires pour remplir une mission de surveillance et de protection des zones de pêche françaises avec la gendarmerie maritime, au cœur de l’un de l'une des régions les plus méconnues et les plus rudes de la planète, les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).
Constitué d’archipels nichés au milieu de la mer Australe, et où seuls quelques scientifiques et militaires vivent en permanence, ce territoire est la porte d’entrée de la France en Antarctique. C’est sur ces eaux du bout du monde que le gendarme va vivre à deux reprises, (d’abord en 2012, puis en 2019) l’une des expériences les plus incroyables de sa vie. Pour en garder une trace et la partager, il décide, au retour de sa seconde mission, en 2019, d’écrire cette histoire, la sienne et celle vécue chaque année par près de six autres gendarmes.
Surveiller, contrôler, rendre compte
Au fil des pages de ce premier ouvrage particulièrement prenant, le major Dufour embarque le lecteur à bord des deux bateaux, l’Osiris et l’Osiris 2, qui l’ont transporté sur ces eaux lointaines au cours de ses deux séjours. Du départ du port de Saint-Denis, sur l’île de la Réunion, à la découverte de la première île des TAAF, l’île aux Cochons, le major nous plonge dans son quotidien et dans celui de son adjoint, un autre gendarme, voguant durant deux mois à bord d’un ancien bateau de pêche réhabilité. Le tout, aux côtés d’un équipage principalement composé d'anciens de la marine marchande et d’anciens pêcheurs, avec qui les deux militaires vont cohabiter. « Au cours des deux missions, j’ai fait la même chose : lever à 5 heures du matin pour être à 6 heures sur la passerelle et pouvoir discuter avec l’officier de quart pour faire le point. En tant que chef du détachement, j’avais également un journal de bord à tenir, dans lequel je devais écrire tous les jours. En cas d’accident avec le navire, par exemple, c’est le journal de bord tenu par les gendarmes qui fait foi, et non celui tenu par l’officier du navire. Il y avait également le journal de bord à tenir et un rapport de mission assez conséquent à rendre à la fin, mais qu’il valait mieux faire au fur et à mesure. Après, c’est beaucoup de temps passé en passerelle à observer. »
Une observation indispensable. En effet, la mission première des deux gendarmes à bord de ce bateau est avant tout la surveillance des eaux françaises et, si nécessaire, le contrôle des bateaux se trouvant dans ces zones. « Comme ce n’est pas un bateau de la Marine nationale et que les gendarmes ne sont pas ou peu armés, si l’on observe des faits de braconnage, notre pouvoir réside principalement dans la constatation et la rédaction de comptes rendus. Si nous le pouvons, nous tentons de suivre les auteurs, tout en envoyant les informations à La Réunion, qui pourra envoyer une frégate de la Marine nationale. Celle-ci mettra plusieurs jours pour arriver, mais pourra procéder à l’interpellation. Tout cela se fait dans le cadre de l’Action de l'État en mer (AEM). » Une mission de surveillance particulièrement importante, comme le lecteur va pouvoir le découvrir au fil des pages.
Une nature préservée
Mais si, dans son livre, le major évoque sa mission de gendarme, qui se déroule, rappelons-le, sur une mer déchaînée, il y décrit également cette nature préservée, sauvage et d’une beauté fascinante. Au fil des pages, on découvre son enthousiasme contagieux pour les animaux incroyables qu’il découvre sur place, notamment les oiseaux. « Adolescent, j’aurais voulu être ornithologue, et encore aujourd’hui, les oiseaux me passionnent vraiment », explique-t-il.
Outre les animaux, l’auteur partage également ses craintes, comme celle du mal de mer lors de sa première mission débutant en plein hiver austral, sur un océan déchaîné, balayé par des vents incessants, qu’aucun continent ne vient arrêter. Il décrit également ces longs jours de mer, seul avec l’équipage, sur cette étendue d'eau sans navires, car réputée trop dangereuse. Après la solitude, c’est avec admiration qu’il évoque ces rencontres avec des hommes et des femmes, scientifiques, militaires ou civils, qui travaillent et vivent là durant plusieurs mois, sur ces îles perdues au milieu de la mer Australe, comme celles des Kerguelen, où il fera une escale de trois jours. Des souvenirs si intenses qu’il a fallu au major du temps pour les rassembler, les organiser et enfin écrire ce livre.
Deux hivers d’écriture
C’est à la fin de sa première mission, en 2012, que l’idée lui vient, mais à l’époque, il n’a pas assez de matière. C’est lors de sa seconde mission, en 2019, qu’il se lance et rédige, dès son retour, les premières lignes de son ouvrage, qu’il écrira en deux ans, lors des longues soirées d’hiver 2020 et 2021. « J’ai eu envie d’écrire ce livre pour partager mon sentiment sur cette mission, mais surtout parce que ce sont des voyages que peu de gens ont la chance de faire. Je voulais donc les raconter pour que les passionnés puissent en avoir une idée un peu plus précise. Même si ces derniers ont généralement lu beaucoup de choses sur le sujet, il s’agit d’un ouvrage qui offre le point de vue d’un gendarme maritime assurant une mission de surveillance des pêches, et non celui d’un scientifique. Selon moi, un livre comme ça n’a jamais été édité. »
Autrefois novice en la matière, le major est devenu en quelques années un vrai spécialiste des TAAF. « J’ai tous les livres possibles sur le sujet », s’amuse-t-il. Et si l’envie d’écrire un nouveau livre ne se fait pas encore sentir, celle d’une nouvelle aventure mêlant le grand large et la gendarmerie est, elle, bien présente. « J’aimerais bien aller aux îles Éparses, mais avec un poste de commandant d’unité, ça va être plus difficile. » En attendant un nouveau périple, le major Dufour se concentre sur une autre aventure : le commandement de la BSL de Lège-Cap-Ferret. Une nouvelle affectation dans un climat plus doux, mais toujours au plus proche de l’océan.
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