Fêtes de fin d’année : dans le Périgord, les gendarmes veillent sur la filière du foie gras
- Par le commandant Céline Morin
- Publié le 31 décembre 2022
Plus rare cette année, et aussi plus cher, le foie gras reste pourtant indissociable des fêtes. Prisé des gourmets, il est aussi l'objet de la convoitise des délinquants, dont les larcins alimentent un marché parallèle faisant fi de toutes les règles de sécurité alimentaire. En ce mois de décembre, les gendarmes de Dordogne se sont particulièrement mobilisés pour protéger les acteurs de l'ensemble de la filière, de l'élevage à la vente, en passant par la transformation.
À l'instar des huîtres, et dans une moindre mesure du caviar ou de la truffe, produits de luxe par excellence, le foie gras est un mets prisé, qui trône chaque année sur de très nombreuses tables à l'occasion des fêtes de fin d'année. Pour les producteurs de foie gras, cette période est donc l'une des plus importantes en termes de chiffres d'affaires.
Mais cette année, le prix du foie gras s'est envolé, impacté, comme de nombreuses denrées alimentaires, par l'inflation, la hausse des coûts de production (de l’élevage à la transformation), mais aussi par une baisse de l'offre, consécutive à l'épidémie de grippe aviaire, qui a obligé les éleveurs à abattre, cette année encore, des millions de volatiles. De quoi attiser la convoitise des voleurs de tout acabit !
« Nous sommes sur une filière sensible aux cambriolages, particulièrement en cette période de fin d'année, où les stocks sont au plus haut. La raréfaction du produit et la hausse de son prix ne font qu'accentuer cette tendance, présente le colonel Jean-Philippe Demange, commandant le groupement de gendarmerie départementale de la Dordogne, 5e département producteur de foie gras. Les appellations Périgord et Dordogne sont reconnues, ellessont un gage de qualité. C'est donc un produit assez convoité. Sarlat en est un peu le symbole, parce que c'est un site touristique et que plusieurs sociétés importantes, tant dans la production que dans la vente, y sont implantées. Mais cette activité concerne plus largement toute la partie sud de la Dordogne, y compris le pourtour de Périgueux et le Bergeracois. »
Une offre de services sur mesure
Le département a d'ailleurs enregistré quelques cambriolages début décembre, dont un relativement important. Onze caisses ont été dérobées, contenant au total plusieurs centaines de bocaux, pour une valeur marchande d'une dizaine de milliers d'euros.
« Cela va du vol à l'étalage au casse à la voiture bélier. Ce n'est pas arrivé cette année, mais il y a deux ans, il y a en a eu un de nuit dans la vitrine d'une boutique, où les délinquants s'étaient largement servis, vraisemblablement pour de la revente, note le colonel. C'est pourquoi, afin d'éviter que de tels faits ne se reproduisent et tuer le phénomène dans l’œuf, le groupement de la Dordogne a accentué ses efforts au profit de l'ensemble de la filière du foie gras. « L'idée était de proposer une offre de services sur mesure, en misant sur une proximité renforcée avec les différents acteurs, quelle que soit leur taille, et sur les dispositifs classiques de prévention, mais vraiment adaptés à cette filière. »
Contacts, conseils, patrouilles
Sur le terrain, chaque brigade s'est ainsi efforcée de renforcer et d'entretenir ses contacts avec la filière et de la rassurer. Toute la chaîne sûreté, des référents aux correspondants des unités ont dispensé des conseils en matière de prévention technique de la malveillance (sécurisation des sites, protection des stocks…). Des flyers ont été distribués, notamment auprès des commerçants, afin de les sensibiliser. « Il s'agit le plus souvent de conseils de bon sens, parfois mis de côté parce que nous sommes dans un département où il fait bon vivre et où on n'imagine pas qu'on puisse être victime de cambriolages. On leur conseille par exemple d'être particulièrement vigilants au moment de la fermeture du commerce, de vérifier que toutes les issues sont bien verrouillées, de veiller à assurer un bon éclairage intérieur et extérieur, d'enlever systématiquement l'argent liquide de leur caisse, de déposer rapidement leurs liquidités à la banque, de protéger les lieux de stockage… »
Dans le même temps, les patrouilles sur le terrain se sont intensifiées. Mixant les modes d'action (à pied, en véhicule, etc.) et s'adaptant aux horaires les plus propices, elles se sont orientées sur les boutiques, les usines de production et les sites d'élevage, afin d'assurer une présence dissuasive et rassurante, de jour comme de nuit, et ainsi prévenir la délinquance d'appropriation.
Une question de santé publique
En outre, au-delà de la prévention des vols, et donc de la protection d'une filière particulièrement sous tension sur le plan économique ces dernières semaines, se dégage, pour la gendarmerie, un enjeu de santé publique manifeste. En effet, les produits volés, qui seront écoulés sur le marché parallèle, à prix fort ou au contraire à prix cassé, n'offrent aucune garantie en termes de sécurité alimentaire (non-respect des conditions de conservation, de stockage et de vente) et peuvent donc engendrer de graves problèmes sanitaires.
Une initiative rassurante
« Pour le moment, notre dispositif a plutôt bien fonctionné, puisque nous n'avons pas enregistré d'autres méfaits au préjudice de la filière. Donc c'est plutôt une bonne année en termes de protection, avance le commandant de groupement, restant toutefois prudent à quelques jours de la fin de l'année et du réveillon du jour de l'An. C'est surtout à pérenniser. Nous avons voulu mettre en œuvre une action à hauteur d'hommes, adaptée aux besoins locaux. Cela s'est fait directement, sans passer de convention. Et globalement cela a été très apprécié. Pour les commerçants, c'était très rassurant de savoir que la gendarmerie passait régulièrement et qu'au besoin ils avaient des contacts privilégiés. Il n'y a rien de spectaculaire dans ce que nous avons mis en place, simplement du bon sens. Nous avons opté pour une orientation particulière, dans un département où cette activité fait vivre beaucoup de monde et où cela prend une dimension importante en fin d'année. »
Vigilance sur les autres productions à haute valeur ajoutée
Une fois les fêtes passées, la demande, de même que la production de foie gras retomberont, réduisant de fait la menace portée par cette délinquance d'appropriation. Pour autant, pas question de se relâcher du côté des gendarmes. « Dès le mois de janvier, nous allons nous concentrer de la même façon sur d'autres filières, comme la trufficulture, secteur où, là aussi, la Dordogne est réputée pour sa production. Les prix sont encore plus élevés, oscillant entre 1 000 et 1 200 euros le kg, anticipe le colonel Demange. Le département regorge de petites niches. Ce sont des productions atypiques, comme la production de caviar, mais à très haute valeur ajoutée et à très grande renommée. Elles peuvent donc être autant d'objets de convoitise. »
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