[RETEX] L’affaire Laëtitia Perrais

  • Par le colonel Fabrice Bouillié, la capitaine Aurélie Muscat
  • Publié le 14 février 2018
© MDC Christophe Gonçalves

Le 19 janvier 2011 au matin, dans un village de Loire-Atlantique, une jeune fille de 18 ans. Laëtitia Perrais, est signalée disparue. Le colonel Fabrice Bouillié, commandant la section de recherches d’Angers, prend la direction des opérations dans le cadre de cette enquête. Il revient sur la manœuvre opérationnelle engagée qui, au terme d’investigations d’une ampleur exceptionnelle, a abouti à la découverte du corps et à la condamnation de l’auteur de ce crime qui a marqué la France entière.

Situation générale

19 janvier 2011 – 7H30

Une jeune fille de 18 ans, Laëtitia Perrais, est signalée disparue par sa famille d’accueil demeurant à la Bernerie-en-Retz (44). Son scooter, qu’elle utilise pour se rendre sur son lieu d’apprentissage à l’hôtel de Nantes, est retrouvé à une centaine de mètres de son domicile, couché sur le côté, clés sur le contact. Seules ses ballerines sont retrouvées à proximité du scooter. Aucune trace de sang. Nulle trace d’autres effets personnels. Le commandant de la compagnie de Pornic procède à un gel des lieux, alerte le groupement, demande l’engagement d’un moyen aérien, d’une équipe cynophile et de plongeurs pour sonder les plans d’eau à proximité.

Situation particulière

8H30 : la section de recherches (S.R.) des Pays-de-la-Loire est alertée. La division des atteintes aux personnes de la S.R. est engagée. Un P.C. enquête est monté au siège de la compagnie, dans une composition classique : environnement, criminalistique, analyse criminelle, procédure. Cadre juridique : l’enquête pour disparition inquiétante conduite pendant les premières heures fait place en tout début d’après-midi à une enquête de flagrance pour enlèvement et séquestration.

La direction d’enquête est confiée à la S.R. Des premiers éléments d’environnement et de criminalistique, il apparaît que la jeune fille a été « prélevée » du lieu où son scooter a été retrouvé.

Objectif 1 : identifier la dernière personne à avoir vu la jeune femme, partant du postulat que celle-ci est potentiellement retenue dans un endroit qui reste à découvrir.

Médiatisation

Les médias nationaux s’emparent progressivement de l’affaire, mettant sous pression les magistrats et la gendarmerie nationale, sur fond de débat politique sur le suivi, par les services d’insertion et de probation, de certains individus placés sous main de justice.

Population

L’émotion est très grande au sein de la population qui se mobilise autour de la famille et des proches de la jeune fille disparue.

Articulation des forces et répartition des missions

L’avancée des investigations conditionne l’engagement des unités dans le temps et dans l’espace en fonction des objectifs à atteindre fixés par la direction des opérations en liaison avec la direction d’enquête. La direction des opérations est prise par le colonel Bouillié, commandant la S.R. d’Angers, en liaison avec le commandant de groupement.

Phase 1 - Enquête d’environnement

15H00 : montée en puissance des forces.

Le groupement et la S.R. mobilisent une centaine de gendarmes pour élargir le périmètre de collecte de renseignements de terrain. Le P.C. enquête est renforcé pour assurer le suivi des sources humaines de renseignement, l’analyse de la téléphonie et des renseignements collectés.

20H30 : Tony Meilhon est identifié comme la dernière personne à avoir vu Laëtitia. Il a passé la soirée avec elle et a été vu à bord d’une Peugeot 106 blanche volée.

Objectif 2 : localiser Tony Meilhon et renseigner sur sa personnalité.

23H30 : trois adresses sont identifiées. À partir de différents témoignages, il est confirmé que Laëtitia Perrais et Tony Meilhon ont passé la soirée ensemble. Analyse de la personnalité de Meilhon : individu connu pour consommer en quantité importante divers produits stupéfiants, être armé, avoir un comportement imprévisible. Il est recherché pour vol de véhicule et a déjà été condamné pour viol. Plusieurs risques sont identifiés : séquestrations potentielle de Laëtitia Perrais et risque avéré pour son intégrité physique et sa vie.

Objectif 3 : interpeller Tony Meilhon en sécurité. Le GIGN est sollicité.

Phase 2 - Interpellation : fulgurance et précision

20 janvier à 0H15 : le commandant du GIGN autorise l’engagement de l’alerte 1.

Reconnaissance des objectifs : les militaires de la S.R. et de la B.R. partent en reconnaissance des adresses identifiées. Les informations collectées sur les lieux, la victime et Meilhon sont transmises en temps réel au chef d’élément du GIGN pendant le déplacement du groupe.

4H25 : arrivée du GIGN et briefing opérationnel.

6h25 : interpellation de Meilhon au lieu-dit Les Cassepots, près d’Arthon-en-Retz (44). Laëtitia Perrais n’est pas découverte. La 106 volée est retrouvée dans un hangar attenant au corps de ferme. Le coffre est maculé de sang. Un feu de bois est découvert avec divers objets de découpe (scie et lames).

Objectif 4 : analyser la scène de crime dans le temps de la garde à vue.

Phase 3 - Engagement des moyens criminalistiques

Une manœuvre régionale appuyée par l’échelon national dans le temps de la garde à vue.

21 janvier à 8H00 : création d’une équipe criminalistique régionale à partir d’une allocation de ressources prélevées sur les 5 CIC de la région. La coordination est confiée au COCRIM de la S.R.

12H00 : décision d’engagement de l’unité nationale d’identification criminelle de l’IRCGN afin de disposer des capacités accrues pour le traitement exhaustif de la scène de crime (micro-analyse, ADN, incendie, traces de sang, reconstitution 3D...) de 17H00 à 6H00 le lendemain. Laëtitia Perrais est très probablement décédée, a pu être pour partie découpée au moyen d’objets tranchants et coupants retrouvés dans le feu à l’arrière de la ferme. Des objets lui appartenant y sont retrouvés. Le corps de Laëtitia ne se trouve pas sur la scène de crime.

Objectif 5 : retrouver Laëtitia Perrais.

Phase 4 - Recherches opérationnelles : engagement coordonné, ciblé et proportionné des moyens

Les recherches opérationnelles sont organisées à partir et aux abords de la scène de crime (analyse des objets saisis en perquisitions : téléphones, cartes mémoire), de points d’intérêt techniques (plans et cours d’eau) et de centres d’intérêts connus de l’auteur.

Moyens engagés terrestres : les escadrons de gendarmerie mobile de Joué-les-Tours et de Pontivy, appuyés par les équipes cynophiles de Bretagne, des Pays-de-la-Loire et de Gramat, réalisent des battues concentriques autour de la scène de crime.

Moyens aériens : les hélicoptères survolent les étendues d’eau et la scène de crime à la recherche de traces du corps ou de fouilles potentielles dans le sol.

Moyens aquatiques et subaquatiques : les vedettes et plongeurs sont renforcés par les sonars de la brigade fluviale du Rhin et de la gendarmerie suisse.

Moyens spécialisés : engagés dès que la première partie du corps de Laëtitia Perrais est retrouvée (tête, bras et jambes) dans des étangs de Lavau-sur-Loire. Une section de la sécurité civile déploie des moyens de pompage déjà utilisés lors de la tempête Xynthia, pour vider des étangs. Une section du 6e régiment du génie d’Angers assure le débroussaillage des abords de ces mêmes étangs. La cellule NRBC, appuyée par une équipe de franchissement de l’EGM de Saint-Nazaire, réalise des opérations de criminalistique en milieu contaminé dans l’un des étangs pollué aux hydrocarbures.

Bilan

Le corps démembré, mutilé et poignardé de 44 coups de couteau de Laëtitia Perrais est retrouvé en deux temps, le 1er février puis le 9 avril 2011. Tony Meilhon est condamné le 5 juin 2013 à la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine de vingt-deux ans de sûreté, assortie d’une demande de « rétention de sûreté » par la cour d’Assises de Loire-Atlantique pour le meurtre et le démembrement de Laëtitia Perrais. En appel, les jurés de la cour d’Assises de Rennes ont confirmé, le 26 octobre 2015, sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté de 22 ans mais n’ont pas retenu la demande de rétention de sûreté.

Points clés des opérations

L’avancée des investigations (victimologie, étude de la personnalité de l’auteur, criminalistique) et le recueil du renseignement conditionnent la manœuvre de police judiciaire et la conduite des opérations de recherches. Les recherches opérationnelles sont ciblées et répondent systématiquement à une hypothèse d’enquête, dans une logique de concentration des efforts et d’économie des forces. L’engagement des moyens est toujours adapté à l’effet final recherché : confirmation d’un renseignement, expertise criminalistique, recherche opérationnelle ciblée. Seule une connaissance et une maîtrise parfaite du potentiel des moyens engagés permet leur emploi efficace dans le temps et l’espace, sur le terrain, au moment le plus adapté.

Facteurs de réussite

  • Confiance totale des autorités judiciaires et administratives dans l’organisation intégrée de la gendarmerie et dans sa capacité de montée en puissance.
  • Synergie totale entre la direction d’enquête, la direction des opérations, les unités d’appui judiciaire et les unités spécialisées.
  • Allocation de moyens et coordination de leur engagement aux niveaux régional et national.
  • Recours à la capacité intégrée des moyens criminalistiques de la gendarmerie nationale (TIC locaux et experts de l’IRCGN) sous coordination d’un Cocrim.

Facteurs d’adversité

  • Comportement du mise en cause à la fois taiseux pendant sa garde à vue et orientant les enquêteurs et les juges d’instruction sur de fausses pistes.
  • Pression médiatique de niveau national sur fond de débat politique au plus haut niveau de l’État sur le suivi probatoire de certains détenus en aménagement de peine.

 

 

 

 

 

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