Le déploiement de Starlink, un enjeu stratégique pour la gendarmerie de Guyane

  • Par le capitaine Tristan Maysounave
  • Publié le 15 avril 2024
Gendarmes installant une antenne Starlink.
© GEND/ SOLC COMGENDGF

En Guyane, les gendarmes œuvrent sur un territoire situé en Amérique du Sud et composé à 94 % de forêt équatoriale. Ce contexte complexifie les communications, qui sont pourtant essentielles au succès des opérations et à la sécurité des militaires. Déterminés à améliorer la situation, les techniciens du Commandement de la gendarmerie de la Guyane française (COMGENDGF) déploient le système d’accès à Internet Starlink avec des résultats probants.

La Guyane est parsemée de brigades de gendarmerie départementale isolées et de postes permanents spécialement dédiés à la Lutte contre l’orpaillage illégal (LCOI). Ces unités, souvent implantées au milieu de la forêt équatoriale, sont éloignées des principales communes et des axes de communication. Les gendarmes sont fréquemment situés en zone blanche et éprouvent donc d’importantes difficultés, tant pour joindre le Centre de conduite des opérations (CCO) et solliciter des renforts ou le concours d’autres unités, que pour contacter leurs familles et leurs proches. Pour communiquer, ils recouraient jusqu’alors essentiellement au système BGAN (Broadband Global Area Network) s’appuyant sur les satellites géostationnaires situés à 35 786 km de la Terre. Outre son coût élevé, cette solution ne leur permettait pas de bénéficier du débit nécessaire à l’utilisation des moyens mis en place par la gendarmerie (téléphones Néogend, ordinateurs Ubiquity, etc.). En 2023, la société SPACE X s’est implantée en Guyane dans l’objectif de commercialiser son système d’accès à Internet Starlink. Le Commandement de la gendarmerie de la Guyane française (COMGENDGF) s’est alors saisi de cette possibilité avec l’expertise de sa Section opérationnelle de lutte contre les cybermenaces (SOLC).

Des premiers essais concluants

« Dès 2022, nous avons eu connaissance du projet d’installation de Space X en Guyane. Nous avons alors commencé à réfléchir à une stratégie visant à améliorer les systèmes de communication des unités isolées », explique l’adjudant-chef Nicolas, adjoint au chef de la SOLC.

D’abord interdite aux organismes gouvernementaux, l’utilisation de Starlink a finalement été autorisée au début du mois d’avril 2023. Confrontée aux limites et au vieillissement du système BGAN, la gendarmerie de Guyane a alors pris la décision d’acquérir le moyen Starlink afin de l’éprouver. S’appuyant sur une constellation de satellites placés en orbite basse (environ 550 kilomètres d’altitude) par la société Space X, ce système présente l’avantage de pouvoir délivrer un accès Internet très haut débit à très faible latence. Les gendarmes de la SOLC se sont alors déplacés en forêt équatoriale afin d’expérimenter son utilisation au profit de postes dédiés à la LCOI.

« Les personnels engagés sur le terrain ont rapidement adopté ce nouveau moyen de communication qui contribue à la rupture de leur isolement. Il s’agit d’une avancée aussi bien technologique que financière, au regard du coût limité de ce système », se félicite l’adjudant-chef.

Test de débit Starlink
© GEND/ SOLC COMGENDGF

Après une courte phase d'expérimentation, le Commandement de la gendarmerie de la Guyane française a décidé d'un déploiement généralisé de ce système.

Un système généralisé à la Guyane

« De juin 2023 à mars 2024, nous avons acquis et installé ce moyen sur 21 sites. Nous avons parfois dû redoubler d’ingéniosité afin de parvenir à orienter l’antenne vers le ciel sans que celle-ci ne soit perturbée par la forêt environnante. Sur le site de Dorlin, nous l’avons par exemple positionnée sur un mât à 17 mètres de hauteur. »

Antennes Starlink
© GEND/ SOLC COMGENDGF

Le système Starlink offre de nombreuses utilisations. Il permet de connecter les ordinateurs Ubiquity et les téléphones Néogend, d’accéder à la messagerie et aux applications métiers (passage des personnes contrôlées aux fichiers, etc.), d’effectuer des communications téléphoniques en VoWifi (Voice Over Wifi), de présenter par visioconférence des personnes placées en garde à vue plutôt que de les acheminer par voie aérienne, de communiquer via les messageries instantanées et d’apporter un lien social aux militaires engagés sur le terrain en facilitant les échanges avec leurs familles.

La mise en œuvre des moyens Starlink a été complétée par l’installation de générateurs électriques écologiques Ecoflow sur deux sites. Rechargés à l’aide de panneaux solaires, ils permettent de connecter les équipements nécessaires aux communications 24h/24 et ainsi de les rendre indépendants du bon fonctionnement des groupes électrogènes, qui ne sont par ailleurs activés que pendant des créneaux limités au cours de la journée. À terme, dix sites devraient être équipés de cette solution.

Système Ecoflow déployé en Guyane.
© GEND/ SOLC COMGENDGF

« Afin d’agrandir notre parc et de disposer d’une maintenance à bas coût, nous sommes en phase de récupération, par le biais de l’AGRASC (Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Ssaisis et Confisqués), des moyens Starlink saisis aux garimpeiros (chercheurs d’or clandestins, NDLR) au cours des opérations de destruction des sites aurifères illégaux », précise l’adjoint au chef de la SOLC.

Des applications multiples

En complément des déploiements fixes, des tests vont être effectués prochainement afin d’équiper d’antennes Starlink les véhicules et les embarcations fluviales des unités confrontées à l’absence de couverture radio ou téléphonique. Si les essais se révèlent concluants, les gendarmes guyanais pourront dès lors mettre en place des contrôles routiers en tout lieu, notamment sur la Route nationale 2 reliant Matoury à Saint-Georges-de-l'Oyapock, qui est largement située en zone blanche. De même, l’absence de couverture téléphonique ne permet actuellement pas la géolocalisation des patrouilles via les moyens Néogend. Des solutions vont donc être testées afin de géolocaliser les militaires de la gendarmerie engagés dans la lutte contre l’orpaillage illégal tout en permettant l’envoi et la réception de SMS en mobilité, via satellite.

Cette solution pourrait être déployée dans d’autres territoires ultramarins confrontés à des problématiques similaires. Elle serait également susceptible d’être mise en œuvre en cas de crises climatiques ou géopolitiques, lors de différentes manifestations, rassemblements en métropole et plus généralement dans des zones où les réseaux téléphoniques peuvent faire défaut, mais où l’installation d’un Poste de commandement (P.C.) de crise est nécessaire.

Enfin, le système pourrait potentiellement devenir un réseau de secours du RIE (le Réseau Interministériel de l’État raccorde l’ensemble des services de l’État sur le territoire national, NDLR), à l’image de la situation à laquelle a été confrontée la gendarmerie de Guyane en novembre 2023. « Pendant cinq jours, nous avons dû mettre en place une couverture WiFi Starlink pour pallier la maintenance de la fibre Americas II. Le Centre d'opérations et de renseignement de la gendarmerie (CORG) a ainsi pu continuer à travailler normalement », conclut l’adjudant-chef.

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