Dans les coulisses de la 48e édition de l’Enduropale du Touquet
- Par Doria Belkacemi
- Publié le 15 février 2024
Du 2 au 4 février 2024, la ville du Touquet a accueilli la première course motocycliste qualificative pour la coupe du Monde de course sur sable, attirant une foule impressionnante de 600 000 visiteurs sur trois jours, dont 300 000 le dimanche. Pour gérer cet afflux de personnes, près de 200 gendarmes issus de différentes unités se sont alliés afin de répondre à l’enjeu majeur qu’est la sécurisation de l’événement.
Dans les rues, vrombissements de motos, bourdonnement d’hélicoptères et musique résonnant dans l'air s’entremêlent, créant cette atmosphère si particulière à l’Enduropale du Touquet, cette course mythique de motos et de quad organisée chaque année, depuis 1975, sur la Côte d’Opale, à l’exception de deux éditions annulées, celle de 1991, en raison de la guerre du Golfe, et celle de 2021, à cause de la pandémie de Covid-19.
Pour cette 48e édition, près de 6 000 motards ont convergé sur un parcours de 12 km, partant de Boulogne-sur-Mer jusqu’au Touquet Plage, créant une scène spectaculaire.
Rodée par la gestion de trois éditions de l'Enduropale, incluant celle-ci, la cheffe d’escadron Stéphie Hersand, commandante de la Compagnie de gendarmerie départementale (CGD) d'Écuires depuis août 2021, souligne les quatre leviers d’action afin de garantir la sécurité de l’événement : la gestion des flux et celle de l’ordre public, la protection de l'environnement ainsi que la sécurisation en trois dimensions (sur terre et dans les airs). Sans oublier la manœuvre logistique minutieusement préparée par le Groupe de Commandement (G.C.) de la compagnie, capitale pour la réussite de la mission (préparation des véhicules, des radios…). Cette année, le dispositif de l’Enduropale du Touquet a également permis de tester le déploiement de STORM, en prévision des J.O. 2024.
Le tout en poursuivant en parallèle les missions du quotidien, notamment celles de la LIIC (Lutte contre l’Immigration Irrégulière et Clandestine).
Un centre décisionnel
Derrière cet événement d'envergure, à cinq minutes à pied du front de mer du Touquet, se cache le Centre opérationnel départemental (COD), chef d’orchestre d’un dispositif complexe et minutieux. Au cœur de la commune du Touquet, dans une grande salle, deux écrans géants diffusent en direct les images des caméras disposées le long du parcours et dans les rues adjacentes, assurant une surveillance constante. Face à eux, dans ce poste de commandement opérationnel, une quarantaine de personnes représentant les différents services de l’État, dont la gendarmerie, par l’entremise de la CGD d’Écuires, les polices nationale et municipale, la sécurité civile, les pompiers, ainsi que les organisateurs, les autorités locales et autres acteurs clés, collaborent étroitement pour garantir la sécurité de la population ainsi que la fluidité des axes routiers de l'Enduropale et de ses alentours. Le tout est piloté par la sous-préfecture de Montreuil-sur-Mer, en lien avec la préfecture du Pas-de-Calais.
Malgré la pression qui pèse sur leurs épaules, une atmosphère conviviale et une véritable cohésion règnent entre les membres de ces différentes entités. Attention et réaction sont les maîtres-mots de cette opération.
Sur la route : anticiper les imprévus
Il est bien connu que les événements, quelle que soit leur envergure, comportent des imprévus et des difficultés. Aussi, pour se préparer à ce type de situation, un dispositif de gestion des flux a été mis en place, comme l’explique la cheffe d’escadron Hersand : « Chaque année, nous faisons face à de nouvelles surprises. Cette fois-ci, en plus des inondations, nous devions composer avec les mouvements agricoles, une nouveauté cette année. Nous avons donc élaboré trois plans de circulation distincts, anticipant les imprévus dès le mois de novembre. »
Mobilisés tout au long du week-end, gendarmes départementaux du Pas-de-Calais (62), militaires de l’Escadron départemental de sécurité routière (EDSR) et réservistes opérationnels ont ainsi joué un rôle primordial dans la gestion des flux. Notamment le dimanche, face aux 6 000 motards composant le cortège.
Au total, près de vingt points de gestion ont été établis le long d'un parcours s'étendant sur 30 km, entre Boulogne-sur-Mer et Le Touquet, mobilisant quelque 125 gendarmes, dont une quinzaine de personnels de l'EDSR.
Pour l'adjudante Sabine, cette édition marque sa 20e participation à cet événement. En charge de la gestion des flux au rond-point "Alpha 6", à proximité du pont rose, lieu le plus stratégique du passage du cortège, elle dirige une équipe de cinq réservistes.
Dès 8 heures du matin, son équipe ainsi que toutes celles de la brigade d'Étaples dédiées à la gestion de flux se déploient en plusieurs groupes stratégiques composés de cinq à six membres, positionnés sur les différents points clés afin de superviser la circulation. En amont de l’arrivée désormais imminente du cortège de motos, une véritable sacralisation des itinéraires a été opérée, fermant tous les passages aux voitures, afin de céder la place aux motards.
Grâce à la mobilisation des gendarmes d’active et de réserve, la gestion de la circulation s’est parfaitement déroulée, tant à l’aller qu’au retour. Mission accomplie pour les militaires, qui ont par ailleurs validé leur petit défi : celui de faire passer le cortège sur le pont du Touquet en 22 minutes seulement contre 27 l’année dernière.
Cette réussite résulte de la collaboration entre la compagnie de gendarmerie départementale d’Écuires, l'EDSR et la SOLC (Section Opérationnelle de Lutte contre les Cybermenaces), dont les drones filaires, positionnés stratégiquement, ont permis une surveillance étendue, aidant ainsi à la prise de décisions cruciales.
Une sécurisation 3D
Pendant ce temps-là, en coulisses, sur le bord d’une route retirée, à la demande de la commandante de compagnie d’Écuires, et pour la première fois, trois gendarmes cartographient la zone impactée par l’événement, avant de transmettre les informations au COD. Pour ce faire, un drone filaire, attaché à un câble, est déployé à une altitude spécifique (entre 50 et 70 mètres selon le plafond nuageux), fonctionnant ainsi comme une caméra de sécurité. Les secteurs de surveillance sont définis avec un rythme de balayage, permettant une couverture complète des axes routiers.
Juste à côté, un camion intégrant un système sophistiqué est utilisé pour recevoir en temps réel les images du drone filaire. Connecté par internet, 4G et wifi, le camion est équipé d'écrans et de PC pré-paramétrés, assurant une transmission fluide des données.
Au cœur de cette initiative se trouve le major Éric, réserviste de la SOLC de Villeneuve-d'Ascq (59), l’adjudant Maxime, technicien formé aux drones depuis 2018, ainsi que l’adjudant Cédric, pilote de la Section aérienne de la gendarmerie (SAG) de Lille, qui revient sur le programme de leur journée : « Elle se déroule normalement en deux phases, si on a de la chance, ou en trois : l'installation, généralement terminée vers 8 h 30, la surveillance, active jusqu'à midi, mais qui peut rapidement être réactivée en cas d'incident. »
Le major Éric, réserviste depuis un an, ancien de la SOLC, souligne quant à lui l'engagement des réservistes de la section et leur rôle crucial dans des missions spécialisées : « Lors d’un événement comme celui-ci, il y a cinq actifs et deux réservistes de la SOLC. Une équipe SOLC se trouve au sein du PCO (Poste de Commandement Opérationnel), afin d’assister l’ensemble des opérateurs de gendarmerie sur tous les outils qu’ils vont employer, aussi bien l’informatique, la radio que la téléphonie. À cela s’ajoutent la lutte anti-drone et le télépilotage de drone. »
L'intégration de la technologie des drones dans la surveillance de l'Enduropale représente une avancée significative, démontrant l'adaptabilité et l'innovation des forces de l'ordre.
Lutte anti-drone : un œil vigilant dans le ciel
Pour la deuxième année consécutive, le dispositif de Lutte anti-drone (LAD) se retrouve au cœur des opérations de sécurisation de l'Enduropale. Il se compose d’une équipe de trois gendarmes, spécialistes de la télécommunication et de l'informatique, dont deux sont en charge de l’armement, c’est-à-dire le matériel qui servira à la neutralisation des drones, pendant que le troisième joue le rôle de guetteur aux jumelles pour procéder à une identification plus précise.
Bien rodée, l’équipe est capable de mettre en place tout un dispositif de lutte anti-drone, avec un équipement de pointe, en vingt minutes. Armé d'un aéroscope, sorte de petite valise capable de détecter les drones sur une portée de 10 km, le major Philippe assure ainsi la sécurité du ciel au-dessus de l'événement, en mesure de fournir des informations cruciales, telles que les coordonnées, le numéro de série et le trajet d’un drone. En cas de détection d'un drone non autorisé, l'équipe passe à la phase d'identification, puis à celle de neutralisation.
Aux côtés du major Philippe, un de ses camarades a la charge d’un fusil d’une portée de 1 000 mètres, qui permet de brouiller les signaux, en agissant sur trois fréquences. Un pistolet d’une portée inférieure (500 mètres) est également en place. En cas d'identification d'un drone « ennemi », des tirs sont effectués sur ordre.
Le processus de neutralisation est minutieux, comprenant une impulsion initiale de dix secondes pour avertir le propriétaire du drone, avant une neutralisation de trente secondes qui renvoie le drone à son point de départ.
Ayant confirmé son efficacité dans la protection contre tout type de drones, que leur télépilote soit mal intentionné ou non, la lutte anti-drone est ainsi une véritable pièce maîtresse dans le dispositif global de sécurisation 3D.
Les gardiens de l’environnement
Un peu plus loin, sur la plage, le Commandement pour l'environnement et la santé (CESAN), unité nouvellement créée pour renforcer et piloter l’action de la gendarmerie dans la lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, est présent pour la première fois, afin de contribuer de manière stratégique à la préservation des espaces naturels, en assurant ainsi un équilibre entre le bon déroulement de la compétition et le respect de l’écosystème.
Les dunes, non loin des pistes de course situées en contrebas d’une zone classée Natura 2000, offrent une vue panoramique attrayante pour les spectateurs. Leur localisation rend la sanctuarisation du pied de dune nécessaire pour préserver les espaces naturels protégés de la surfréquentation le temps de l’événement (les dunes sont libres d’accès le reste de l’année, NDLR). En coordination avec les autres acteurs, y compris de la société civile, le CESAN a pour vocation de faire respecter l’interdiction de la zone dunaire et de sensibiliser le grand public et les acteurs mobilisés sur les atteintes à l’environnement.
Spécialement déployé sur le site du Touquet durant tout l'événement, le capitaine Arthur, membre du CESAN et chef du groupe de force environnement, rattaché au commandement d’Arcueil, dirige sur place une équipe de trois gendarmes. « En étant ici, nous cherchons d’abord à nous faire connaître auprès des différents intervenants, à les sensibiliser sur les atteintes environnementales possibles, sur ce qu’ils peuvent faire et comment ils peuvent nous contacter si besoin. Nous réalisons aussi des missions communes avec nos partenaires, comme la police ou les services préfectoraux et municipaux, et nous tirons les bonnes pratiques pour les rediffuser dans d’autres événements… Nous faisons beaucoup de sensibilisation et de prévention », explique l’officier.
Des missions à destination du public, des autorités locales, notamment les élus, mais également des gendarmes, encore nombreux à méconnaître ce tout jeune commandement de la gendarmerie, créé en juillet 2023.
Pour inscrire son action au cœur du territoire, l’équipe du CESAN a également œuvré, en préparation de l’événement, sur le volet renseignement, en s’assurant qu’aucune action militante liée à l’environnement n’était prévue, et sur celui de l’anticipation des risques, en réalisant des repérages avec les autorités locales, sur les sites présentant des risques et nécessitant une surveillance renforcée en termes de sécurité environnementale.
En amont et en aval de l’événement, l'organisateur effectue par ailleurs des prélèvements sur le sol afin de vérifier l'absence de pollution persistante résultant de fuites d'essence provenant des véhicules lors des courses sur le sable. Le CESAN l’a ainsi appuyé dans la mise en œuvre d’un nouveau protocole de gestion des fuites d’hydrocarbures, d’huile moteur ou de liquide de refroidissement.
Le Commandement pour l’environnement et la santé (CESAN)
La Gendarmerie nationale est engagée dans la lutte contre les atteintes à l’environnement...
Article
Pour compléter cette manœuvre globale, dès le début de soirée, des patrouilles nocturnes, réalisées par les militaires de la brigade territoriale autonome de Merlimont, sont déployées pour garantir la sécurité de la population, y compris en dehors des heures de forte affluence.
Malgré le vent et le froid, c’est donc une ambiance chaleureuse et familiale qui règne sur le front de mer, où des milliers de sourires se cachent derrière des écharpes et des doudounes, témoignant de l'impatience des spectateurs à l’approche des départs de chacune des courses.
Dans les airs ou sur le terrain, c’est donc un défi relevé haut la main pour l’ensemble des militaires engagés !
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