À Sathonay-Camp, les gendarmes mobiles se préparent à vivre l’exceptionnel en Guyane
- Par le capitaine Tristan Maysounave
- Publié le 26 janvier 2024
Du 29 janvier au 5 juin 2024, 72 militaires de l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 13/5 de Sathonay-Camp (Rhône) seront projetés en Guyane afin d’effectuer la mission Harpie de lutte contre l’orpaillage illégal. Cette mission, exceptionnelle à tous points de vue, a nécessité une préparation qui l’est tout autant.
Lundi 15 janvier 2024, 7 h 45. Le givre a recouvert la caserne de gendarmerie de Sathonay-Camp. Les militaires de l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 13/5 de Sathonay-Camp (Rhône) se pressent au pied de leur bâtiment afin d’être à l’heure pour le rassemblement quotidien. Ils viennent de bénéficier de deux semaines de permission bien méritées, qu’ils ont pu passer auprès de leurs proches. Ils entament désormais une semaine de préparation en vue de leur projection en Guyane, pour assurer la mission Harpie. Ce déplacement sera plus long qu’à l’accoutumée en raison des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, qui impliquent une réorganisation de la relève des escadrons. Alors qu’en Guyane, la saison des pluies bat son plein, avec des températures avoisinant les 30 degrés et un taux d’humidité frôlant bien souvent les 100 %, la résilience, la rusticité et la cohésion seront les maîtres-mots de cette expérience exceptionnelle.
La mission Harpie : une mission exceptionnelle
Habituellement, les déplacements des escadrons en outre-mer ne donnent pas lieu à une préparation spécifique. Les missions à remplir sur place sont similaires à celles que ces unités peuvent rencontrer sur le territoire métropolitain. Mais, comme l’atteste la venue de la Première ministre Élisabeth Borne à Maripasoula (commune située à l’ouest de la Guyane, le long du fleuve Maroni) à l’occasion du réveillon du Nouvel An, les militaires de l’EGM 13/5 seront confrontés à une mission atypique avec Harpie. C’est ce qu’a tenu à leur rappeler leur cheffe, la capitaine Violette Chomienne, lors de son discours d’ouverture de la semaine de préparation se tenant du 15 au 19 janvier.
« La Guyane est la deuxième plus vaste région française. 7 à 10 tonnes d’or y sont extraites illégalement chaque année, situation facilitée par la porosité des frontières avec le Suriname à l’ouest et le Brésil à l’est. Les zones de Maripasoula et de Saint-Laurent-du-Maroni représentent respectivement 37 et 21 % de cette activité illégale, qui est notamment pratiquée par des bandes armées. En réponse à cette situation et à ses conséquences humaines et environnementales désastreuses, l’État a mis en place la mission Harpie, avec des résultats probants constatés depuis lors. Il s’agit d’une mission menée conjointement avec les Forces armées en Guyane (FAG). »
Au regard de ces spécificités et des risques encourus, (en mars 2023, le major Arnaud Blanc, de l’AGIGN de Guyane, était tué au cours d’une opération de lutte contre l’orpaillage illégal, NDLR), les militaires affectés à cette mission ont recours aux techniques du combat militaire, tant au cours de leur progression en forêt amazonienne qu’en cas de découverte d’une zone d’extraction illégale. C’est la raison pour laquelle la semaine de préparation donne lieu à des révisions dans ce domaine, comme l’explique l’adjudant Benoît, détenteur du Diplôme d’arme (D.A.) et affecté au Peloton d’intervention (P.I.) de l’escadron.
« Dans le cadre de la mission Harpie, nous allons travailler en étroite collaboration avec les militaires de l’armée de Terre. Les missions confiées sont typiques du combat qu’ils pratiquent et il est donc nécessaire que nous revoyons les actes élémentaires et actes réflexes du combattant, afin de pouvoir travailler conjointement. Nous avons construit la semaine de préparation en respectant une progressivité pour permettre à tous de se réapproprier les connaissances nécessaires. Ils travaillent d’abord au format trinôme, puis au format groupe. »
Sur place, la découverte de « chantiers », autrement dit de zones d’extraction ou de mines d’or illégales, donne lieu à des actes judiciaires spécifiques. C’est pourquoi treize militaires Officiers de police judiciaire (OPJ) seront déployés à plusieurs endroits du territoire guyanais pendant toute la durée de la mission, afin de renforcer les gendarmes mobiles engagés sur place. Mardi 16 janvier 2024, la cheffe Julia, de la Communauté de brigades (COB) de Fontaines-sur-Saône (Rhône), détachée en Guyane à compter du 29 janvier 2024, est justement venue prodiguer aux gendarmes de l’EGM 13/5 des instructions dans le domaine de la police judiciaire.
« En Guyane, mon rôle sera principalement d’aider les gendarmes mobiles à effectuer leurs procès-verbaux simplifiés s’ils sont amenés à saisir ou détruire du matériel sur les sites d’orpaillage (des directives permanentes du préfet autorisent les gendarmes à détruire le matériel utilisé pour extraire l’or illégalement, NDLR) et à auditionner les garimpeiros (chercheurs clandestins d’or, NDLR) dans le cadre de la garde à vue, le cas échéant. Le régime de cette mesure est spécifique sur place, dans la mesure où on a recours au code minier. »
L’Amazonie : un environnement exceptionnel
La Guyane étant recouverte presque intégralement par l’Amazonie, l’extraction illégale d’or a lieu exclusivement en forêt, à proximité des fleuves, rivières, ruisseaux et cours d’eau. Les militaires engagés en mission Harpie sont donc confrontés à la densité et aux dangers de la forêt équatoriale. Comme le résume l’adjudant Benoît, du P.I. de l’escadron, « la jungle rend extrêmement humble. »
La semaine de préparation donne lieu à divers enseignements permettant de mieux appréhender cet environnement exceptionnel.
La matinée du mardi 16 janvier est ainsi consacrée à un enseignement de topographie, afin de permettre aux gendarmes de l’unité de savoir se repérer au milieu de la végétation luxuriante. L’instruction est dispensée par le gendarme Kevin, affecté au P.I. de l’escadron. Bien qu’il n’ait rejoint l’unité qu’en septembre 2023, il dispose de connaissances approfondies dues à sa première partie de carrière au sein du 13e Régiment de dragons parachutistes (RDP), unité des forces spéciales de l’armée de Terre.
« J’ai effectué plusieurs Opérations extérieures (OPEX), notamment au Mali, au Burkina, au Moyen-Orient et dans les Balkans. Mes missions consistaient essentiellement en des infiltrations et des progressions au cours desquelles je devais recourir aux outils topographiques. Par ailleurs, au cours de la formation, qui a duré un an et demi, nous avons été privés de GPS et nous n’avions que la boussole et la carte pour nous orienter. »
Outre la topographie, les gendarmes de l’EGM 13/5 bénéficient d’instructions dans le domaine des transmissions, la forêt amazonienne rendant difficile le recours aux moyens de télécommunication conventionnels.
La mission Harpie et la forêt en elle-même présentent par ailleurs des risques sanitaires conséquents (paludisme, leishmaniose, rage, animaux potentiellement dangereux ou venimeux, etc.). Abordés au cours de la semaine de préparation par un médecin militaire, ils donnent lieu à des préconisations spécifiques. Néanmoins, ces risques ne peuvent pas toujours être évités. Des révisions dans le domaine du Sauvetage tactique gendarmerie (STG) sont donc organisées. Elles se concrétisent par exercices pratiques, au cours desquels les gendarmes de l’unité sont successivement confrontés à différentes situations, telles que la blessure par arme à feu causée par un garimpeiros ou encore la morsure d’un « Grage carreaux » (serpent connu sous la dénomination scientifique de Lachesis muta, NDLR). Les militaires apprennent donc à mettre en œuvre les premiers secours dans un milieu qui peut se révéler particulièrement hostile et où l’évacuation conventionnelle du blessé est souvent rendue difficile par l’épaisseur de la végétation, la nature des sols, l’humidité et l’isolement.
Mais rassurez-vous, comme le confie l’adjudant Benoît, qui connaît bien la forêt équatoriale pour avoir déjà effectué une mission Harpie en 2016, « c’est exactement pour ces missions-là qu’on est gendarme mobile. Cette subdivision d’arme nous permet d’aller dans des endroits où l’immense majorité de la population n’ira jamais. Se retrouver en Amazonie, ce n’est pas rien. La jungle, c’est exceptionnel, c’est magnifique. Tous les militaires qui rentreront de la mission Harpie en garderont un souvenir toute leur carrière. Ils seront allés dans des endroits à peine croyables, dont ils se souviendront toute leur vie. »
« Être et durer » : avec des moyens exceptionnels
Afin de pouvoir affronter au mieux les dangers de la forêt et de la mission, les gendarmes de l’EGM 13/5 seront équipés de Famas et de fusils à pompe ainsi que de nombreux matériels.
Il s’agit avant tout d’être capable d’endurer la rigueur de l’Amazonie. L’humidité et les longues marches en se frayant un chemin au milieu de la végétation sont en effet harassantes et peuvent générer des blessures capables de mettre à mal le succès de la mission. La nuit, tandis que que la fraîcheur tombe, les militaires devront se mettre à l’abri des averses, nombreuses à cette époque, et des insectes et autres animaux, afin de récupérer dans la perspective de la progression du lendemain. Dès le début de la semaine de préparation, des ateliers sont consacrés à la confection d’un sac, à la réalisation d’un bivouac ou encore aux matériels et tenues à emporter en forêt.
L’adjudant Anthony, du Bureau instruction (B.I.) de l’escadron, a déjà été confronté à la mission Harpie. Il a ainsi disposé le matériel typiquement emporté en forêt et répond aux questions de ses camarades en s’appuyant sur son expérience : « la première fois que je suis parti en forêt, je n’avais pas pris de sac étanche, toutes mes affaires ont été mouillées dans les premières heures. » Son sac à dos contient par exemple un couteau de type « tatou », des pastilles de purification de l’eau ou encore des sandales fermées, permettant de se lever rapidement la nuit tout en protégeant ses pieds de la faune et de la flore.
Le mercredi 17 janvier, les gendarmes de l’escadron se retrouvent au bois du Fort de Vancia, à Sathonay-Village, pour « l’école des nœuds ». À l’imitation, les militaires, attentifs, reproduisent les nœuds que leur montre le maréchal des logis-chef Gaston, affecté au P.I. de l’unité. « L’objectif est de leur permettre de maîtriser les nœuds essentiels à la réalisation d’un bivouac. En cas de nécessité, ils devront être capables de lever le camp rapidement sans avoir à couper les cordes. C’est pourquoi je leur montre notamment le nœud de mule sur demi-cabestan, fermé par un nœud d’arrêt. » Pendant leur séjour en forêt, les gendarmes mobiles emporteront avec eux hamac, filet, moustiquaire, bâche, tendeurs et différentes cordes.
Le jeudi 18 janvier est consacré à un exercice de synthèse des notions abordées depuis le début de la semaine. Une partie de l’entraînement est consacrée au franchissement opérationnel. Les militaires de l’unité y retrouvent le chef Gaston, qualifié dans ce domaine. La mise en situation proposée vise à leur permettre d’acquérir les bases nécessaires à la confection d’une tyrolienne, pouvant être utilisée pour franchir en sécurité les cours d’eau rencontrés en forêt.
La semaine se conclut par un Parcours d’activité nautique (PAN) au camp militaire de La Valbonne, dans l’Ain. En piscine, les pelotons doivent surmonter différents obstacles en faisant preuve d’esprit d’équipe. Cet exercice leur permet notamment de mieux appréhender leur équipement et leur treillis, en faisant preuve de cohésion, comme l’explique l’adjudant Jérémy, responsable du B.I. de l’escadron : « En Guyane, le risque de noyade est élevé. Au cours de la mission, nous allons franchir de nombreux cours d’eau et fréquemment nous déplacer en pirogue (plusieurs militaires de l’unité seront d’ailleurs formés à la conduite d’une pirogue au cours des premiers jours suivant leur arrivée en Guyane, NDLR). Nous avons donc organisé un parcours nautique dans les conditions proches de l’opérationnel, avec des combinaisons qui reproduisent l’effet des treillis. L’objectif est de leur permettre de travailler en sécurité, en ayant une meilleure appréhension de leur tenue et de leur équipement, et de leur apprendre à réagir si une pirogue venait à basculer par exemple. La deuxième étape sera la préparation avec l’AGIGN sur place et, enfin, ce sera la mission proprement dite. Il y a donc une gradation. »
Après l’effort, le réconfort. Après l’engagement des derniers jours, les gendarmes de l’escadron se retrouvent pour partager la galette des rois avant le week-end et la semaine précédant le départ, qui sera notamment consacrée à l’organisation du fret. La préparation en métropole aura contribué à faire le plein de confiance dans la perspective de la mission Harpie et à renforcer la cohésion de l’unité. Comme le résume l’adjudant Anthony, cette semaine aura permis de confirmer « que lorsqu’on est accompagné de ses camarades, rien n’est impossible. »
Contacter la gendarmerie
Numéros d'urgence
Ces contenus peuvent vous intéresser
La gendarmerie participe à un exercice d’interopérabilité des systèmes de communication
Un exercice d’interopérabilité s’est déroulé...
Article
En mission de lutte contre l’orpaillage illégal avec les gendarmes et les Forces armées en Guyane
En février 2024, Gendinfo a pu suivre et récolter les impressions...
Article
Chefs d’engin, opérateurs radio tireurs et pilotes : après quatre semaines de formation, ils se sont vu remettre leur brevet sur véhicule d’interve...
Le vendredi 12 avril 2024, une cérémonie a eu lieu au Groupement...
Article
Des jeunes gendarmes et policiers allemands à la découverte de la coopération transfrontalière
Installé à l’école de police de Lahr, en Allemagne, le...
Article