Mardi 12 décembre, Gouville-sur-Mer, Compagnie de gendarmerie départementale (CGD) de Coutances (département de la Manche), 10 heures 30. Le vent souffle en continu et fait battre les drisses des mâts. Une lumière blanchâtre se reflète sur les toitures des cabines de bain colorées de la commune, qui ont fait sa renommée, et sur la mer que l’on devine au loin. La marée basse a laissé se découvrir les tables d’élevage. Depuis la cale de mise à l’eau, les ostréiculteurs s’affairent et descendent sur la plage à l’aide de leurs tracteurs piqués par la rouille. Équipés de cuissardes jaunes, ces hommes et femmes, travaillant le plus souvent en famille, devront remonter plusieurs tonnes d’huîtres avant que les parcs ne disparaissent à nouveau jusqu’à la prochaine marée.

Alors que le regard balaie le sable à perte de vue, celui-ci est soudain arrêté par la présence inattendue de quatre chevaux à la robe alezan, habillés d’un couvre-rein bleu à liseré rouge. Leurs cavaliers sont reconnaissables à la couleur bleue de leurs uniformes et à la grenade jaune qui orne leurs bombes. Il s’agit de la Garde républicaine.

Un dispositif éprouvé 

Du 27 novembre au 23 décembre, la Garde républicaine est engagée dans la sécurisation des exploitations ostréicoles en renfort des gendarmes de la CGD de Coutances, à raison de deux détachements, sur les communes des Communautés de brigades (CoB) d’Agon-Coutainville et de Lessay. Deux fois quatre chevaux et leurs cavaliers sont ainsi continuellement positionnés sur cette mission. Le lundi 11 décembre a eu lieu la relève. Le lendemain, les équidés qui marchent au pas sur l’estran de Gouville-sur-Mer sont donc fraîchement arrivés. Bien loin du tumulte parisien, ils découvrent avec une certaine excitation la sensation du sable sous leurs sabots.

11 heures. Élus locaux, représentants de l’État et acteurs de la filière ostréicole sont réunis devant la cale de mise à l’eau pour réaffirmer leur attachement à la présence de la Garde républicaine à l’occasion de la période des fêtes de fin d’année. Organisé par le commandant de compagnie, le chef d'escadron Stéphane Gautron, ce dispositif existe depuis 2011. Les chiffres parlent d’eux-même et expliquent sa pertinence et sa longévité. À l’occasion des fêtes de fin d’année, la vente d'huîtres en France représente en effet plus de la moitié de la quantité totale vendue en une année. Avec 25 000 tonnes produites par an, la Normandie est la première région productrice d’huîtres, et le département de la Manche fournit la moitié de la production de toute la région. À elle seule, la Compagnie de gendarmerie de Coutances compte plus de 200 ostréiculteurs.

Le dispositif mis en œuvre s’appuie sur un fort partenariat entre la gendarmerie nationale et les collectivités locales. La communauté de communes de Coutances mer et bocage permet ainsi aux militaires de la Garde républicaine d’être logés dans des sites communautaires, et finance en partie l’entretien et la nourriture des chevaux. Afin d’optimiser l’action des Gardes républicains, ceux-ci sont sensibilisés à la réglementation de la pêche à pied par les gendarmes locaux. Dans chaque unité, sont identifiés des référents sécurité en matière d’exploitations ostréicoles. Ils aident les cavaliers à s’approprier le territoire et à connaître l’emplacement des concessions servant à l’élevage (les tables à huître étant installées sur le domaine maritime, les ostréiculteurs ne peuvent donc être propriétaires des terrains mais bénéficient d’une concession accordée par l’État) et des zones de production et de stockage. Ils présentent également les chefs de détachement aux ostréiculteurs, ce qui permet d’ajuster annuellement la réponse de la gendarmerie à la sensibilité des sites et aux infractions constatées.

Forts de cette connaissance territoriale, les Gardes républicains agissent à cheval et en véhicule, de jour comme de nuit.

Des patrouilles montées aux heures de marée basse...

Les cavaliers patrouillent sur l’estran aux horaires de marée basse, moment de la journée où sont accessibles les tables à huîtres, et où les exploitations ostréicoles sont donc plus vulnérables aux vols. Juchés sur leurs montures, les Gardes républicains bénéficient d’une hauteur de vue exceptionnelle et s’appuient sur l’allure et les capacités physiques du cheval pour parcourir les kilomètres de côte. Repérables de loin, la présence des cavaliers est à la fois dissuasive pour ceux qui aviseraient de se servir dans les zones d’élevage et rassurante pour les ostréiculteurs qui, en cas de problème, peuvent se rapprocher des gendarmes montés sans avoir à se rendre dans la brigade la plus proche. Lorsqu’ils constatent une infraction, les militaires de la Garde remettent l’auteur des faits à l’officier de police judiciaire territorialement compétent.

« Le dispositif a permis de ralentir les infractions, un seul vol a ainsi été constaté l’année dernière. (…) La présence des cavaliers vêtus de leur uniforme est dissuasive », souligne Thierry Hélie, président du Comité régional de la conchyliculture (CRC) de Normandie.

Les Gardes républicains effectuent environ trois heures de patrouille montée par jour. Les chevaux doivent faire l’objet d’une préparation systématique en amont et en aval. Ils sont ainsi pansés à chaque retour de patrouille, et leurs membres sont douchés afin d’enlever l’eau salée portée par le vent de la Manche. Après les avoir laissées au repos, les cavaliers troquent leurs montures par un véhicule sérigraphié avec lequel ils effectuent des patrouilles complémentaires à celles réalisées sur l’estran.

… complétées par des patrouilles en voiture

De jour comme de nuit, les Gardes républicains effectuent ces patrouilles en voiture. Celles-ci sont essentiellement concentrées aux abords des entrepôts de production et de stockage. « Les militaires ont l’autorisation de pénétrer dans les propriétés au cours de leurs patrouilles », complète Thierry Hélie.

En moyenne, ces patrouilles durent également trois heures, au cours desquelles les gendarmes effectuent des contrôles des personnes et des véhicules. Ils assurent par ailleurs une mission de contact, en allant à la rencontre des ostréiculteurs, en complément des actions déjà menées à cheval.

Le dispositif mis en œuvre s’inscrit dans la profondeur. L’action de la Garde républicaine est ainsi complétée par l’engagement des unités locales.

Manche : immersion avec les patrouilles engagées dans la sécurisation des exploitations ostréicoles

Outre la Garde républicaine, plusieurs unités de la compagnie de gendarmerie départementale...

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