Coupe du Monde de rugby : focus sur l’engagement des forces de gendarmerie

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 11 septembre 2023
Patrouille de quatre gendarmes mobiles sur le parvis du stade de Bordeaux, avant le match Irlande - Roumanie, samedi 9 septembre.

Patrouille de gendarmes mobiles sur le parvis du stade de Bordeaux, avant le match Irlande - Roumanie, samedi 9 septembre.

© GEND/SIRPA /GND B. LAPOINTE

Vingt-sept jours de compétition, neuf villes hôtes, 48 matches, plus de 2 millions de spectateurs, dont 600 000 venus de l’étranger, et près de 900 millions de téléspectateurs. Événement d’ampleur internationale, cette 10e coupe du Monde de rugby sera au cœur d’un dispositif de sécurisation sans précédent, préfigurateur de celui qui sera mis en place pour les J.O. de Paris 2024. Une manœuvre à laquelle la gendarmerie contribue dans un large spectre missionnel.

À moins d’un an des J.O. de Paris 2024, la sécurisation de la Xe coupe du Monde de rugby revêt une dimension toute particulière. La gendarmerie s’est attelée à la planification de cette manœuvre d’ampleur depuis des mois. Sous la direction du général de corps d’armée (GCA) Olivier Kim, Directeur des opérations et de l’emploi (DOE), et le contrôle du général de division Laurent Phélip, chargé de mission pour la préparation des grands événements et des JOP auprès du DGGN, la DOE et les équipes du Centre national des opérations (CNO), en lien avec les Centres zonaux des opérations (CZO) et les échelons territorialement compétents, sont à la manœuvre pour mettre en musique le volet missionnel confié la gendarmerie.

« Cette coupe du Monde de rugby s’inscrit parmi les événements sportifs d’ampleur planétaire. Et pour la France, elle ouvre une longue période inédite d’un an de conduite des opérations autour de grands événements sportifs et mémoriels du 8 septembre 2023 au 8 septembre 2024 avec la fin des jeux paralympiques, présente le GCA Kim. Depuis bientôt un an, tous les services et les unités de la DOE, comme ceux des zones et des régions de gendarmerie se sont donc engagés dans une préparation marathon pour faire face à l’enchaînement de ces grands événements. »

Cette manœuvre, la gendarmerie l’aborde comme elle sait le faire avec les opérations d’ordre public au sens large, « en se livrant très en amont à une appréciation de situation et en planifiant comme on le fait régulièrement pour toute opération, et notamment pour toute opération d’envergure tels l’Euro 2016, les référendums organisés en Nouvelle-Calédonie, l’opération de lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte, souligne le général Philippe Watremez, chargé de mission grands événements de la DOE, qui a succédé il y a quelques mois à cette fonction au général Christophe Daniel. Si aucune menace particulière n’a été détectée à ce jour autour de cette coupe du Monde, de nombreux risques sont néanmoins présents, qu’ils soient d’origine terroriste, cyber, contestataire ou autre, nous imposant de rester vigilants. En outre, le fait que cette compétition se déroule à moins d’un an d’un événement rare comme les J.O., lui confère une sensibilité très particulière, car la France sera particulièrement observée, notamment en termes de sécurité. Nous avons donc une obligation de moyens, mais aussi une obligation de résultat. Cette manœuvre va donc permettre au ministère et à la gendarmerie d’éprouver un certain nombre de modes de fonctionnement qui seront mis en place l’an prochain, et nous permettre d’identifier les points que l’on peut encore améliorer. »

Une manœuvre centralisée et coordonnée, sous l’autorité du CNSJ

Dans ce contexte, et afin de préparer 2024, la sécurisation de cet événement rugbalistique de grande ampleur, que Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, a lui même qualifié à plusieurs reprises de préfigurateur des J.O., a été placée sous l’autorité de la même structure : le Coordinateur national pour la sécurité des jeux olympiques et paralympiques 2024 (CNSJ), bras armé du MIOM.

Pour le ministère, c’est aussi l’occasion d’éprouver la mise en place d’une manœuvre centralisée et coordonnée entre l’ensemble des Forces de sécurité intérieure (FSI) et les différents partenaires (organisateurs, autres ministères…), avec un commandement intégré de l’échelon ministériel aux P.C. terrain. Une notion qui sera également la clé de voûte du dispositif mis en œuvre pour les J.O.

« Nous avons travaillé et allons œuvrer tout au long de la coupe du Monde de Rugby avec les mêmes partenaires que ceux qui interviendront dans le cadre des J.O. Cela a nécessité un long travail en interservices, et très rapidement avec les autres ministères concernés, comme les Transports, les Armées, la Santé, les Affaires étrangères, etc., des points réguliers par thématique avec le CNSJ, de nombreux Comités de pilotage (COPIL) avec les organisateurs, mais également des exercices opérationnels sous le pilotage du Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), notamment sur les volets cyber et NRBC (Nucléaire, Radiologique, Biologique et Chimique), qui ont, par exemple, permis de tester l’articulation entre le Centre interministériel de crise (CIC) de Beauvau et le nouveau Centre national de commandement stratégique. Les Retex (RETour d’EXpérience) auxquels ils ont donné lieu nous ont permis d’avancer », détaille le général Watremez.

 

Décloisonnement opérationnel entre les forces de gendarmerie et de police

Le MIOM a également souhaité accentuer le décloisonnement opérationnel entre la police et la gendarmerie, y compris en dehors du spectre missionnel de la Gendarmerie mobile (G.M.). Celui-ci a été formalisé par une note commune, signée entre les directeurs généraux de la gendarmerie et de la police nationales en novembre 2022, qui en délimite les contours. « Tous les sites de compétition étant situés en zone police, il s’agit de faire en sorte que les Directions départementales de la sûreté publique (DDSP) et la Préfecture de police (P.P.) de Paris puissent s’appuyer de façon très fluide sur le concours des forces gendarmerie, d’abord du même département, voire de plus loin, dans le respect de nos modes de fonctionnement, c’est-à-dire dans le respect des attributions opérationnelles habituelles des unités engagées, explique le général Watremez. Par conséquent, au-delà de l’engagement de la G.M., la gendarmerie départementale sera également fortement mobilisée sur certains blocs missionnels en zone police, par exemple pour assurer la surveillance des moyens et des hubs de transport, comme ce sera le cas à Saint-Étienne ou à Bordeaux, les escortes, ainsi que toutes les missions qui ne pourraient pas être menées à bien sans renfort. Nous allons donc travailler dans une logique de proximité avec les forces du département. Le même mode d’action sera mis en œuvre pendant les J.O. »

Une nouvelle approche « découlant d’une planification très amont, qui transcende les zones de compétence et s’inscrit dans un décloisonnement avec nos partenaires de la police nationale et de la préfecture de police », précise le DOE, estimant que celle-ci, s’agissant des plans zéro délinquance, de la sécurité des mobilités, ou encore de la protection des sites, « ne pourra que contribuer à renforcer la cohérence de l’action et la cohésion des grandes directions métiers du MIOM, tout en valorisant l’action de l’Arme. »

Protection des équipes

Tout au long de cette coupe du Monde de rugby, la gendarmerie est ainsi engagée sur trois volets opérationnels. Tout d’abord la protection de dix des vingt équipes en lice (poules C et D), dont quatre dites sensibles (Angleterre, Pays de Galles, Australie et Argentine), qui seront placées sous la protection rapprochée de la Force sécurité protection du GIGN, renforcée par des militaires dédiés à la mission de Protection des hautes personnalités (PHP) issus des antennes GIGN, et au besoin de gendarmes de pelotons d’intervention de la G.M. ou de la garde républicaine.

Cette prise en compte a débuté dès l’arrivée des équipes sur le sol français, pour certaines très tôt au cours de l’été, et se poursuivra tant que les équipes seront en compétition.
Chaque délégation, forte de près de 150 personnes en comptant les athlètes et le staff, est également accompagnée d’un TSLO, c’est-à-dire un officier de liaison et de sécurité qui joue l’interface entre l’équipe et les forces de sécurité territoriales, police ou gendarmerie. Dix gendarmes sont ainsi affectés en cette qualité aux dix équipes placée sous la protection du GIGN.

Sécurisation aux abords des camps de base

Toutes ces équipes sont installées dans des Camps de base (CDB), vont se déplacer vers des Sites base de match (SBM), répliques des CDB implantées à proximité des stades où elles seront amenées à jouer et où elles s’installeront parfois bien en amont.

Or, un camp de base comprend plusieurs sites (hôtel, terrain d’entraînement, salle de sport, piscine, et gymnase), qui ont la spécificité de ne pas tous être implantés dans un proche périmètre et donc dans une même zone de compétence, certains étant même à cheval.

La sécurisation de ces CDB et de ces SBM a, là encore, été répartie entre la gendarmerie et la police. Si la sécurité à l’intérieur des sites incombe aux organisateurs, leur périphérie immédiate est de la responsabilité des FSI, et plus particulièrement de chaque Groupement de gendarmerie départementale (GGD) concerné pour ce qui est de la gendarmerie nationale.

Outre la mise en œuvre de patrouilles, des dispositifs de lutte anti-drone seront également systématiquement déployés aux abords des terrains d’entraînement afin de prévenir tout survol par un engin qui pourrait être utilisé à des fins hostiles ou tout simplement pour de l’espionnage sportif. « En France, il est tout simplement interdit de faire voler un drone au-dessus d’un terrain de sport sans autorisation », précise le colonel Laurent Philipona, du CNO, estimant d’ailleurs que la lutte anti-drone est un véritable enjeu tout au long de cet événement au regard de la menace potentielle que peuvent représenter ces engins utilisés à des fins malveillantes lors de grands rassemblements de personnes.

Les GGD auront enfin pour mission de sécuriser les flux sur les axes majeurs, mais également dans les gares et aux abords des aéroports les jours de match, ainsi que dans les espaces plus particulièrement exposés aux menaces, comme les fan zones, et ce sur leur zone de compétence, comme en zone police nationale dans le cadre du transfert de compétence lié au décloisonnement.

Stades et fans zones sous surveillance

Le troisième volet opérationnel concerne en effet la sécurisation, les jours de match, des stades et des villages rugby, certains pouvant accueillir entre 30 000 et 40 000 personnes, comme à Bordeaux et Toulouse. À cet effet, un certain nombre de moyens vont être déployés. « Là encore, pour éviter de disperser les forces mobiles, d’intervention spécialisée, de lutte anti-drone, NRBC ou encore de recherche d’explosif sur personnes en mouvement, il a été décidé de concentrer les effectifs des forces de sécurité intérieure (gendarmerie et police, NDLR), chacune sur la moitié des stades. La gendarmerie s’est ainsi vu attribuer les sites de Toulouse, Bordeaux, Nantes et Saint-Étienne, la police ceux de Marseille, Lyon, Nice et Lille ; le Stade de France, situé en zone de compétence de la Préfecture de police de Paris, ayant la particularité de bénéficier d’un dispositif mixte s’agissant des forces mobiles », explique le colonel Laurent Philipona.

Sur chaque stade où elle viendra en appui de la DDSP locale pour contribuer à la sécurisation de l’événement, la gendarmerie déploiera un Groupement tactique de gendarmerie (GTG), à la main d’un commandant de Groupement de gendarmerie mobile (GGM), qui pilotera l’ensemble de la composante G.N.

« La réalisation de ces missions va s’inscrire dans un plan de jeu inédit, expérimenté en vraie grandeur. Il convient toutefois de rappeler que cela ne constitue pas pour autant un simple exercice dans l’optique des jeux olympiques et paralympiques de 2024, mais d’un engagement opérationnel majeur permettant d’éprouver en conduite tout ce qui a été planifié minutieusement », note le général Kim, soulignant par ailleurs, quand bien même l’ensemble de la manœuvre est décentralisée au niveau local sous l’égide des préfets, « la forte implication des zones de gendarmerie dans l’appui aux échelons départementaux par l’intermédiaire des Centres zonaux des opérations (CZO), véritables courroies de transmission et tours de contrôle entre le local et le Centre national des opérations de la DGGN. »

50 000 jours gendarmes pour l’ensemble de la coupe du Monde

De nombreuses forces seront ainsi mobilisées sur le terrain. Côté gendarmerie, l’estimation basse en amont de la compétition avoisinait les 50 000 jours gendarmes pour l’ensemble de la coupe du Monde, soit 925 gendarmes par jour, avec un pic à certaines dates, comme le 9 septembre, où près de 2 000 gendarmes seront mobilisés dans ce cadre sur le territoire. En moyenne, ce sont ainsi 26 EGM qui seront engagés chaque jour de match ; Paris et la Seine-Saint-Denis bénéficiant de 45 % de ces unités. « Il s’agit évidemment d’un format évolutif en fonction de l’organisation d’événements locaux, à l’instar des fan zones qu’il faudra également contribuer à sécuriser dans le cadre de la manœuvre de décloisonnement à la main de la G.D. Il y aura donc quelques ajustements au fil de l’eau », précise le colonel François Brémand, officiant aux côtés du général Watremez à la DOE.

De nombreux moyens spécialisés mobilisés

Le risque terroriste sur le territoire national étant toujours considéré comme très élevé, et la menace d’agents NRBC (Nucléaire, Radiologique, Bactériologique et Chimique) ne pouvant être exclue, la gendarmerie mobilise ses moyens sur les différents stades.

Engagée au profit du Détachement central interministériel d’intervention technique (DCIT), organe de la police qui chapeaute le volet NRBC, la Force nationale NRBC mobilisera également une réserve d’intervention d’une dizaine de militaires au profit des quatre stades bénéficiant du renfort de la gendarmerie.

Quelque 364 personnels EOR, ou Explosive Ordnance Reconnaissance, selon la dénomination de l’OTAN, c’est-à-dire formés reco-NEDEX, seront par ailleurs mobilisés dans le cadre des inspections sécurité « explosif » des stades, qui tous feront l’objet d’une inspection réduite chaque veille de match et certains d’une inspection intégrale. Une manœuvre testée pour la première fois, toujours en vue des J.O.

Enfin, le volet cyber est également pris en compte par le MIOM dans cette manœuvre. Ainsi, outre l’audit cyber des différents stades par l’ANSSI, la gendarmerie mobilise quant à elle le ComCyberGend (Commandement de la Gendarmerie dans le Cyberespace), qui sera directement engagé au sein du Centre national de commandement stratégique chaque jour de match, dans une cellule dédiée. L’unité a également déployé son propre dispositif, à la fois préventif et répressif, décliné au niveau zonal, proposant ainsi une véritable task force cyber. Enfin, toujours sur le volet cyber, la Sous-direction de l’anticipation opérationnelle poursuit la recherche de renseignements sur le territoire numérique en vue de détecter de potentielles intentions malveillantes.

C’est donc la gendarmerie dans toutes ses composantes qui sera mobilisée tout au long de ces 27 jours de compétition. « À  l’image de notre équipe nationale, après des jours d’entraînement et d’efforts dans l’ombre, nous sommes entrés dans la mêlée avec pour objectif de transformer l’engagement individuel de chacun en un large succès collectif des services de l’État. Nous sommes tous attendus et nous n’avons plus qu’à répondre présent une fois de plus », conclut le général de corps d’armée Olivier Kim, avant de former le vœu, en tant que passionné du ballon ovale, « que notre XV de France soulève la coupe Webb Ellis à la fin de la compétition, sous le regard bienveillant et fier de tous les gendarmes engagés pour que cette compétition se déroule sous les meilleurs auspices. »

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