Les moyens de communication ont toujours revêtu une dimension stratégique. Signaux de fumée, pigeon voyageur, télégraphe ; ces moyens ont certes évolué dans le temps mais n’ont cessé d’être indispensables. S’ils se sont modernisés, il n’en demeure pas moins que ceux-ci peuvent faire l’objet de perturbations voire de coupures, qui peuvent mettre à mal la réussite des opérations et la sécurité des militaires engagés à l’occasion de celles-ci. En effet, en l’absence de communications, un chef et ses troupes sont aveugles. Les personnels du Service central des réseaux et technologies avancées (SCRTA), et notamment ceux de la Section expertise des réseaux et des infrastructures (SERI), interviennent en métropole, en outre-mer et en opérations extérieures pour prévenir ce risque et à défaut résoudre les dysfonctionnements rencontrés. Leur engagement est total à l’occasion de la coupe du Monde de rugby.

Une expertise unique

Service de la gendarmerie nationale situé au Mans (Sarthe), le SCRTA est un organisme unique au sein du ministère de l'Intérieur et des Outre-Mer, qui assure la distribution et le maintien en condition opérationnelle des matériels des Systèmes d’information et de communication (SIC) de la gendarmerie nationale, de la police nationale et autres services de l’État. Reconnu comme pôle d’excellence dans son domaine, et actuellement commandé par le colonel Pascal Louis, cet établissement emploie 138 militaires et civils, ayant une expertise dans les domaines de la logistique, de l’électronique, des réseaux hertziens et filaires et de la métrologie. Bénéficiant de formations en continue leur permettant de maintenir un haut niveau d’expertise et d’une chaîne logistique interne totalement autonome, les personnels de cet organisme sont fréquemment projetés sur le terrain, notamment à l’occasion d’événements d’ampleur.

Une analyse en trois temps

Dotés d’un véhicule emportant des matériels de mesure, les militaires de la SERI enchaînent les missions à l’occasion de la coupe du Monde de rugby. À Bordeaux, Paris, Nantes ou encore Toulouse, les gendarmes de ce service interviennent en amont, puis pendant les rencontres sportives, afin de quantifier la qualité des réseaux radio et téléphoniques en l’absence, puis en présence du public. Dépêchés à Nantes, l’adjudant-chef Bertrand et le maréchal des logis-chef Benjamin expliquent ainsi s’attarder « à vérifier la conformité des mesures réelles vis-à-vis de celles annoncées par l’opérateur et l’absence de saturation des réseaux ». Si le Stade de la Beaujoire dispose d’environ dix antennes, le risque est en effet réel en présence de dizaines de milliers de supporters utilisant leurs téléphones dans un espace aussi concentré. Ces mêmes mesures sont également réalisées dans les secteurs de la ville où se masse la foule à l’occasion de la compétition (fan zones, villages rugby, etc.) À l’issue, les équipes ayant réalisé les mesures adressent un rapport comprenant d’éventuelles préconisations, à leur autorité d’emploi, l’Agence nationale des forces de sécurité intérieure (ANFSI).

Outre la qualité du réseau, la SERI est également capable de vérifier la priorisation accordée aux forces de sécurité intérieure sur le réseau Orange, réseau téléphonique utilisé en temps normal par celles-ci. En effet, les communications de la gendarmerie, tout comme celles de la police nationale et des services départementaux d’incendie et de secours, disposent d’une priorité vis-à-vis des autres communications passées dans une même zone.

Enfin, en cas de dysfonctionnement d’Orange, les forces de sécurité intérieure doivent bénéficier de l’itinérance leur permettant de basculer immédiatement vers les autres opérateurs téléphoniques afin de contourner la défaillance.

Au-delà des communications : un spectre missionnel étendu

Mais la quantification des réseaux ne constitue qu’une partie des missions dévolues à la SERI.
Dans le domaine des réseaux radio, la SERI intervient sur l’ensemble des relais utilisés au quotidien par les personnels de la gendarmerie (réseau RUBIS) en métropole et en outre-mer, garantissant ainsi un haut niveau de disponibilité des moyens de communication. Ainsi, lorsque les réseaux radio peuvent être confrontés à un risque de saturation en raison, notamment, de leur sous-dimensionnement au regard de l’événement, la SERI est en capacité d’installer des antennes relais supplémentaires dans des délais particulièrement restreints. En cas de perturbations radioélectriques (brouillage) des relais radio, l’unité est alors engagée sur les lieux afin d’identifier la source de la perturbation, de trouver une solution technique (par exemple avec l’habitant à l’origine de la perturbation) ou d’effectuer une intervention avec l’Agence nationale des fréquences (ANFR).

Habituée des grands événements, cette unité participe également à assurer la sécurité publique. Ainsi, elle a par exemple pu intervenir à l’occasion de la fête du lac à Annecy, pour effectuer des mesures de radiogoniométrie afin de détecter la présence éventuelle d’un brouilleur visant à perturber le spectacle des 300 drones lumineux. Ces derniers constituant en effet autant d’objets volants potentiellement dangereux pour le public en cas de brouillage.

Enfin, au-delà de son engagement en matière de communications, qui constitue une véritable assurance pour les militaires engagés sur le terrain, la Section expertise des réseaux et des infrastructures effectue également des mesures de protection des personnes, notamment en contrôlant les rayonnements électromagnétiques non ionisants émis par les matériels utilisés dans le domaine de la Lutte anti-drone (LAD) sur les personnels. Autant dire que la tâche est considérable tandis que ces unités se multiplient avec la popularisation des drones civils. La coupe du Monde de rugby n’échappe pas à la règle, avec la projection systématique de forces spécialisées dans la LAD sur les toits des stades accueillant les matchs de la compétition ou encore à proximité immédiate des terrains d’entraînement.

Les J.O. en ligne de mire

L’engagement du SCRTA, et plus particulièrement de la Section expertise des réseaux et des infrastructures s’intensifie ces derniers mois. Les personnels de cette unité sont ainsi projetés dans le cadre du déploiement de STORM (Services à très haut débit, opérationnels, résilients et mobiles), désormais utilisé par les unités de forces mobiles. C’est notamment dans ce cadre que les quantifications réseaux sont effectuées à l’occasion de la coupe du Monde de rugby.

Par ailleurs, à l’approche des Jeux Olympiques et Paralympiques, et comme le confie l’adjudant-chef Bertrand, « la coupe du Monde de rugby constitue une bonne répétition avant les Jeux. Nous voulons résoudre les éventuels problèmes en amont des J.O. Si les réseaux tiennent pendant la coupe du Monde, alors ils devraient également fonctionner pendant les Jeux. Nous sommes des puristes donc nous essayons toujours d’améliorer les choses, mais à ce stade, le bilan est relativement satisfaisant. »