La gendarmerie densifie son réseau de négociateurs régionaux

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 20 décembre 2022
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Face à l’augmentation du nombre de sollicitations, et afin de tendre vers l’objectif de Réponse de négociation immédiate (RNI), la gendarmerie renforce son dispositif. 68 militaires, nouvellement formés par la cellule nationale de négociation du GIGN, viennent ainsi de rejoindre le réseau des négociateurs régionaux, portant à 420 leur nombre sur l’ensemble du territoire français.

 

Restée longtemps méconnue, voire inconnue, du grand public comme des acteurs de terrain, car initialement à la main exclusive du niveau central, et plus particulièrement du GIGN (qui a commencé à se saisir plus sérieusement de cette matière dès le début des années 90), la négociation n’a eu de cesse de se développer et de se structurer au sein de la gendarmerie, notamment depuis une quinzaine d’années. C’est en effet en 2005, dans la logique de maillage territorial chère à l’Institution, que les premiers négociateurs régionaux ont vu le jour et ont depuis essaimé sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Agissant toujours sous la supervision de la Cellule nationale de négociation (CNN), ces militaires, affectés en unité territoriale, peuvent, en fonction de la gravité de la crise, soit agir de façon autonome, si l’engagement du GIGN n’est pas justifié, soit préparer l’arrivée des unités d’intervention spécialisée, en temporisant et en captant du renseignement sur l’auteur ou la personne en crise.

 

La négo’, un outil dans la main du chef opérationnel

Si la négociation a connu un tel essor, c’est avant tout au regard de la plus-value que cet outil est en mesure d’apporter aux autorités en termes de décision opérationnelle. La stratégie de négociation est en effet élaborée en fonction des objectifs fixés par les chefs et s’inclut nécessairement dans une stratégie opérationnelle plus globale, à laquelle elle s’adapte en tant que de besoin.

Cela tient également au vaste spectre d’intervention des négociateurs de la gendarmerie, allant des crises de faible intensité, afin d’éviter qu’une situation ne dégénère, au plus haut du spectre, en fonction de leur degré d'expertise : crises suicidaires, conflits familiaux ou de voisinage, forcenés, prises d'otages, enlèvements sur le territoire national, extorsions de fonds, actes de terrorisme, enlèvements de ressortissants français à l'étranger, rançongiciels (ransomwares), cyberattaques…

De fait, le nombre de sollicitations de ces spécialistes est en constante augmentation. En 2021, ils ont ainsi réalisé 620 missions, dont une trentaine du ressort des négociateurs de crise du GIGN dans le cadre de l'action de la Force intervention (F.I.).

En outre, en marge de leurs interventions, les négociateurs régionaux multiplient les formations à la gestion des conflits au profit des élus, mais aussi d’autres publics potentiellement concernés, auxquelles s’ajoutera très prochainement une information à la gestion de la crise suicidaire en gendarmerie, « car les négociateurs régionaux sont, du fait de leur pratique missionnelle,des relais indispensables pour une gestion optimale de la crise suicidaire, dans le but d’informer, de déceler et d’orienter les personnes en cas de besoin », confie le major Xavier, chef de la CNN du GIGN.

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Un objectif de Réponse en négociation immédiate (RNI)

Pour faire face à la charge missionnelle importante liée à cette spécialité, et répondre ainsi aux besoins et attentes des régions, mais aussi pour atteindre l’objectif de Réponse en négociation immédiate (RNI), qui prévoit de disposer d’un négociateur régional à 1 h 30 maximum de délai de projection, en mesure d’intervenir sur n'importe quelle crise nécessitant la négociation, la gendarmerie, par l’entremise de la CNN, a entrepris de densifier encore davantage son maillage territorial.

« L’objectif est d'avoir un volume suffisant de personnels formés à la spécialité afin de pouvoir interrégionaliser notre dispositif de négociation régionale et réduire nos délais d’intervention. La RNI permet en effet de diviser parfois par deux le temps de projection des négociateurs. Ce maillage territorial est précieux en termes de réponse de négociation pour les unités territoriales qui font face à une crise, quelle qu’en soit l’intensité, mais aussi en termes de remontée de renseignements pour les autorités, et ce, toujours dans la perspective de pouvoir, entre autres, faire face à une menace terroriste », explique le major.

Telle était donc la finalité de l’appel à volontaires lancé cette année par la CNN, auquel plus de 850 militaires ont répondu. Parmi eux, 170 candidats ont été reçus à Satory pour un entretien et une première évaluation sur un cas concret. Au final, 68 ont été retenus pour suivre la formation initiale organisée en novembre dernier. Un stage d’une ampleur inédite, pour lequel les formateurs de la CNN ont été renforcés par plusieurs négociateurs régionaux référents détachés par leurs régions respectives.

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Temps de formation doublé

Il n’est toutefois pas seulement question d’étoffer ce réseau en termes de volume, mais aussi d’actualiser et de renforcer ses compétences. À cet effet, le temps de formation a été doublé, passant ainsi à dix jours, afin de donner plus de place à la pratique. Pour le patron de la CNN, l’objectif est clair : « il s’agit non seulement d'acquérir des savoirs, des savoir-faire et un savoir être, mais également d’apprendre à établir une stratégie de négociation en fonction des objectifs fixés par les chefs, de développer une tactique et de mettre en œuvre nos techniques de communication. On passe du niveau de technicien de la négo' à celui de stratège de la négociation ! »

Au programme donc, des cours sur la communication et la stratégie à la négociation, avec de nombreux ateliers pour apprendre à mieux écouter et à mieux questionner, « pour influencer en douceur »… Et surtout beaucoup de cas concrets inspirés de situations réelles vécues, qu’il s’agisse de crises suicidaires, de forcenés ou encore de prises d'otages, avec pour objectif, dans ce cas précis, « de préparer l'arrivée du GIGN et d'être en mesure de prendre une négociation si un contact est établi ». Sans oublier la présentation à l'autorité : il faut en effet « savoir structurer ses idées pour mieux les présenter, de façon rapide, simple et efficace, aux autorités militaires, administratives ou judiciaires, qui ont besoin de connaître notre stratégie de négociation. »

À travers ces différents scénarios, les stagiaires peuvent ainsi dérouler le fil de la négociation, de la prise de renseignement à la résolution de la crise, et « surtout répéter leurs gammes ». Pour les immerger encore davantage dans leur rôle, le GIGN a fait appel, le temps d’une journée, à de vrais acteurs pour incarner les auteurs, hommes et femmes, et ainsi éprouver les capacités de ces négociateurs en devenir dans le domaine du paraverbal, mais aussi s’agissant d’identifier la pathologie psychiatrique de l'auteur.

À l’issue du stage, tous doivent ainsi être en mesure de négocier en numéro 1 ou 2 dans les situations de leur niveau. « L'année dernière, en rentrant du stage, les tout nouveaux négociateurs ont eu affaire à un suicidaire sur un pont d'autoroute et ils l'ont géré », raconte le major.

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Un maillage de 420 négociateurs régionaux

Ainsi armés, ces 68 nouveaux négociateurs régionaux ont désormais rejoint leurs unités d’affectation respectives, où ils doivent composer entre les missions du quotidien et celles afférant à leur nouvelle technicité.

Avec cette nouvelle promotion, la chaîne des négociateurs régionaux passe ainsi à 420 militaires, qu’une quinzaine d’autres devraient rejoindre au cours du premier semestre 2023, à la suite des formations conduites en Guadeloupe, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie

Recyclage de tous les négociateurs régionaux

Outre cette formation initiale d’ampleur, l’année 2022 a également été marquée par le recyclage de tous les négociateurs régionaux. Nécessaire au maintien de leur habilitation, cette remise à niveau intervient généralement tous les trois ans, mais cette année, l’objectif de la CNN « était vraiment d’up-grader tous les personnels en termes de nouvelles techniques de communication, pour combler le décalage qu’il pouvait y avoir entre les négociateurs formés cette année et les plus anciens. »

Dans cette matière en constante évolution qu’est la négociation, la CNN s’approprie en effet continuellement de nouvelles techniques et de nouvelles compétences, qu’elle éprouve en mission, avant de les transmettre aux négociateurs régionaux, au cours des stages initiaux, pendant les recyclages ou encore par l’intermédiaire des négociateurs référents, qui peuvent organiser une fois par mois des formations internes aux régions.

« Nos formations évoluent aussi en fonction de leurs retours, de leurs besoins. Nous faisons en sorte que le dispositif soit cohérent et le plus performant possible, note le major Xavier. Et d’insister : « Un négociateur régional doit négocier, mais il doit aussi se former, beaucoup répéter, a minima une fois par mois, pour être suffisamment efficient le jour J. On ne peut pas vivre sa spécialité et être négociateur si on n'est pas sans arrêt en train de répéter nos gammes en dehors des missions du quotidien. »

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