Loisirs nautiques sous surveillance en Méditerranée
- Par Pablo Agnan
- Publié le 25 juillet 2021
Durant l’été 2019, le littoral méditerranéen a accueilli presque la moitié des touristes de toutes les côtes françaises réunies. Cette fréquentation pousse les militaires des Brigades de surveillance du littoral (BSL) de la gendarmerie maritime à augmenter drastiquement leurs opérations de police de la navigation en période estivale. En 2020, ils en ont effectué 7 670, dont 947 contrôles sur les jet-skis.
Le Zodiac semi-rigide Sillinger 650 fonce à une vingtaine de nœuds le long de la Côte Bleue. À son bord, trois militaires de la gendarmerie maritime scrutent l’horizon, à la recherche de diverses embarcations. Difficile pour eux, notamment pour l’adjudant Claude, tout juste arrivé à la Brigade de surveillance du littoral (BSL) de Marseille, de ne pas dévier leur regard vers cette bande de terre d’une trentaine de kilomètres.
Composé d’une succession de calanques calcaires, la dénomination de ce massif rocheux fait référence à la couleur de l’eau qui le borde. Elle aurait aussi pu s’appeler la Côte Turquoise, tant la teinte de la mer est limpide, presque translucide, aux reflets éclatants. Lorsqu’elle est d’huile, comme en ce jour chaud de juillet, l’unique envie est d’y plonger, de nager en longeant le fond, et de sortir la tête de l’eau face à la calanque de la Vesse, dominée de part et d’autre par le sentier des Douaniers.
Mais la réalité rattrape rapidement les trois membres d’équipage, aussi vite que fonce leur petite, mais puissante embarcation. Au loin, plusieurs jet-skis, ou VNM (Véhicules Nautiques à Moteur) dans le jargon des militaires, fendent les eaux à toute allure. « Tout le monde est accroché ? », questionne le maréchal des logis-chef (MDC) François, pilote du Zodiac, avant de mettre les gaz.
Si les gendarmes maritimes bondissent à la vue de scooters des mers, c’est à cause des problèmes sécuritaires qu’ils posent. Ce n’est pas tant la machine qui est remise en question, malgré le fait que certaines disposent de 300 chevaux sous le capot, mais plutôt celles et ceux qui se trouvent sur la selle.
Louer pour blanchir
Sur la dizaine de contrôles effectués dans la journée, la réglementation n’était souvent peu ou pas respectée. « Beaucoup ne connaissent pas, ou feignent de ne pas connaître la bande des 300 mètres, explique, à titre d’exemple, le MDC Samuel. Dans cette zone, on trouve des baigneurs, des kayakistes et autres paddles. Le risque de collision entre un VNM et des vacanciers y est élevé et la navigation des scooters des mers est, par conséquent, interdite. » En mer et dans cette zone, la majorité des infractions relèvent donc de la navigation dans la limite des 300 mètres, mais aussi et généralement « des défauts de permis et du peu voire de l’absence d’équipement de sécurité. »
Concernant ces transgressions, le chef Samuel, comme ses collègues, se veut intransigeant : « Dès qu’il y a une infraction, on la relève systématiquement, surtout dans le but d’endiguer les circuits parallèles liés à ces engins. » Le sous-officier fait ici référence à un phénomène bien plus pernicieux. Au-delà d’une image de jeunes s’amusant à foncer entre les vagues avec leur jet-ski, se cacherait en réalité un système bien huilé de blanchiment d’argent. « Plusieurs loueurs de VNM, pas tous mais quelques-uns, ont créé des sociétés de location parfaitement légales, qui permettent de blanchir leur argent issu de divers trafics », note le MDC François.
Certains voient même les choses en grand. L’an dernier, plusieurs personnes suspectées de travail dissimulé en bande organisée ont été interpellées à Marseille. Elles se seraient fait passer pour les membres d’une association de réparation de matériel nautique, mais auraient proposé, en réalité, des activités bien différentes et beaucoup plus lucratives. « En plus des jet-skis, ils proposaient des chambres d’hôtel, un bar à chicha et même un jacuzzi ! » Pour le chef Samuel et ses collègues, ce phénomène génère, en plus de tous les problèmes évoqués, une concurrence déloyale pour les loueurs historiques, « avec des tarifs moins chers, grâce notamment à une absence de charges. »
Prévention au secours en mer
Si, en période estivale, les jet-skis constituent la problématique numéro un de la BSL de Marseille, l’unité a également d’autres chats à fouetter : l’ubérisation de la plaisance est l’un d’entre eux. Ce phénomène, certes pas nouveau, prend cependant de l’ampleur dans cette zone ultra-touristique. « Certains viennent louer des bateaux avec leurs amis, mais ne préparent pas leur sortie, tombent en panne d’essence ou ne regardent pas la météo », énumère le MDC François. Des autocollants informant des divers canaux de communication en cas de pépin sont même distribués par les gendarmes. Ils affichent notamment le 196, un numéro à taper sur son portable pour joindre l’un des nombreux Centres régionaux opérationnels de sauvetage et de surveillance (CROSS).
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Les missions de secours en mer ne sont traditionnellement pas dévolues à la gendarmerie maritime. Les BSL, comme celle de Marseille, se concentrent surtout sur les problématiques liées au respect de la réglementation et à la sécurité des plaisanciers.
La plongée au périscope
Et à terre, comme en mer, elle fait souvent défaut. Sur la commune de Bormes-les-Mimosas, située dans le Var (83), entre Hyères et Saint-Tropez, les gendarmes de la BSL de Toulon procèdent, lorsque la mer est capricieuse, à des contrôles à terre. Certains se réalisent avec le concours d’inspecteurs du travail et d’agents de la jeunesse et des sports (IJS), rattachés au ministère de l'Éducation nationale. En période estivale, ils visent notamment les organismes en lien avec les activités nautiques, comme le wakeboard, la bouée tractée, le ski nautique ou encore la plongée.
Pour l’adjudant Fabrice, ces visites ont pour objectif premier de tester la sécurité du matériel utilisé par les différentes sociétés. Ces contrôles se déroulent souvent « en apnée » pour les responsables, tant les militaires examinent absolument tout à la loupe, ou plutôt, au périscope. C’est notamment le cas pour ce propriétaire d’un club de plongée plutôt récalcitrant. Ce dernier propose de multiples services à ses clients, du gîte au couvert, en passant par des activités nautiques et l’accueil de mineurs. Problème, « à force d’en faire trop, il est négligent sur pas mal de choses », concède le sous-officier. Déjà averti l’été précédent par l’inspectrice de la jeunesse et des sports, le propriétaire s’est vu relever plusieurs délits par les militaires, dont celui « d’ouverture sans déclaration préalable conforme d’un débit de boissons à consommer sur place », ainsi qu’une contravention de 5e classe pour « navigation maritime sans service médical conforme à bord. »
Protéger l’environnement marin
Quelle que soit la thématique nautique, la réglementation est donc un point particulier d’attention pour les gendarmes. L’intransigeance est de mise sur tout ce qui touche, de près comme de loin, à la sécurité. Le seul domaine sur lequel les militaires larguent les amarres de la répression, pour se concentrer sur la prévention, est celui de la posidonie. Cette plante, qui vit sur le littoral méditerranéen, de la surface jusqu’à 40 mètres de profondeur, fait l’objet de mesures de protection depuis une trentaine d’années. Néanmoins, les banquettes qu’elle forme au fond de l’eau sont toujours menacées par les ancres des bateaux au mouillage, responsables de dommages physiques qui peuvent être irréversibles.
Touristes comme locaux ignorent la plupart du temps les mesures mises en place par la préfecture maritime de la Méditerranée pour protéger ce végétal. D’embarcation en embarcation, les gendarmes mènent des opérations de sensibilisation, « surtout auprès des navires de 24 mètres et plus, ajoute le colonel Jean-Guillaume Remy, commandant du groupement de gendarmerie maritime de Méditerranée. Une nouvelle réglementation s'applique depuis cette année et, sous l'autorité conjointe de la préfecture maritime ainsi que du parquet maritime, nous la faisons respecter avec pédagogie. »
Pédagogie qui passe par du conseil, notamment celui d’utiliser l’application Donia, pour identifier la zone de mouillage adéquate. Dans les discussions entre les militaires et les plaisanciers, cette problématique environnementale se retrouve sur tout le littoral méditerranéen, de Marseille à Cannes, où les yachts peuvent causer d’importants dégâts.
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