Sur les massifs du Sancy et du Forez, des anges gardiens veillent…

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 25 août 2020
© GND F. Garcia

L’Auvergne enregistre cet été une affluence estivale exceptionnelle. Dans les massifs du Sancy et du Forez, des randonneurs plus ou moins expérimentés se massent sur les sentiers, parfois inconscients des difficultés qui les attendent. Conséquence : les gendarmes du peloton de gendarmerie de montagne du Mont Dore enchaînent les secours. Immersion dans leur quotidien...

Les massifs auvergnats ont fait le plein de touristes cet été. Dans le Puy-de-Dôme, le conservateur de la réserve naturelle nationale de Chaudefour a enregistré une hausse de plus de 30 % de la fréquentation dans la vallée du même nom. Même constat du côté de Chatreix-Sancy.

Des chiffres également confirmés par l’office de tourisme du Mont Dore, qui constate un taux d’occupation maximum depuis début juillet. Cette affluence se retrouve naturellement sur les sentiers de randonnée, et avec elle son lot d’accidents, de blessures et d’infractions.

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Un dimanche d’alerte

En ce dimanche 16 août, les GND Lionel et Clément sont d’alerte secours. Leur camarade Nicolas est quant à lui à la régulation téléphonique. Trois militaires, c’est le format de fonctionnement minimum, « mais en cas d’événement d’ampleur, les personnels en repos peuvent revenir », confie la capitaine (CNE) Isabelle Chazal, commandant le Peloton de gendarmerie de montagne (PGM) du Mont Dore.

La météo est plutôt clémente ce jour-là, mais les prévisions orageuses annoncées la veille auront certainement dissuadé de nombreux vacanciers de s’aventurer trop loin, trop haut. Beaucoup se sont en effet reportés sur les sentiers les plus accessibles et les activités de plein air en pied de massif. La journée devrait donc être plus calme que les précédentes.

« Les interventions se concentrent généralement entre 13 et 16 heures. Ce qui laisse souvent la matinée pour faire du maintien en condition opérationnelle à proximité », note la CNE Chazal. Elle ne se trompe pas. Il n'est pas encore 13 heures, quand le premier appel parvient au PGM. À Clermont, le Codis a été alerté, via le 112, d'une chute sur un sentier au-dessus du Mont Dore. Une conférence est alors ouverte entre les différents acteurs du secours (Codis, médecin, PGM) et la victime, afin de déterminer les moyens à engager. « Il arrive que certains locaux appellent directement le PGM ou encore le SAMU, mais c’est rare, précise l’officier. Quoi qu'il en soit, nous mettons toujours le Codis dans la boucle, puisque c’est lui qui engage au besoin Dragon 63. » Ce dernier assure prioritairement l’appui aérien du PGM. En cas d’indisponibilité, l’Écureuil du Détachement aérien de gendarmerie (DAG) d'Égletons, en Corrèze, prend le relais.

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L’étape clé du premier contact téléphonique

En contact avec la fille de la victime, le gendarme Nicolas collecte tous les éléments qui permettront de localiser les appelants. Des indications qu’il vérifie systématiquement grâce à l'application de géolocalisation GENDLOC. « Il arrive que la victime soit imprécise, nous communique des informations erronées ou ne sache tout simplement pas où elle se trouve », indique le gendarme, qui s’attache ensuite à évaluer la gravité de la blessure. Son rôle est primordial, car cette phase préparatoire permet de déterminer les moyens humains et matériels qui seront engagés.

La victime a fait une chute sur un sentier et s'est blessée à la cheville. Au regard de la proximité et de l'accessibilité du site, les gendarmes Lionel et Clément effectueront un secours terrestre. Les deux militaires partent immédiatement au volant du 4X4, toujours prêt, pour se rapprocher au maximum. Sur place, chargés de tout le matériel nécessaire, ils entament une courte ascension d'un pas rapide et assuré.

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La dame, âgée de 75 ans, a déjà subi une opération sur cette même cheville. Après l’avoir auscultée, Lionel place la jambe dans une attelle. Il ne se prononce pas : seul un examen radiographique permettra avec certitude d’écarter une fracture. Dans le même temps, son camarade prépare la civière sur roue qui leur permettra de redescendre plus facilement la victime jusqu’à la route, où un transport médicalisé doit la récupérer pour la conduire à l’hôpital de Clermont.

Tout le temps de l’intervention, les deux gendarmes se veulent rassurants, essayant de détendre un peu l’atmosphère. « C’est une intervention impressionnante », confie la fille de la victime, en les observant monter le brancard sur roue en plein milieu du sentier.

Une fois leur patiente prise en charge par l'ambulance, les deux gendarmes regagnent leur unité, où ils reconditionnent le matériel, avant de se remettre en position d'alerte…

Peu avant 16 heures, un nouvel appel du Codis parvient à l'unité. Il s'agit cette fois d'une chute en VTT de descente, sur les hauteurs de la station de Besse. Au vu de la blessure et de la localisation de la victime, le secours sera héliporté. Dragon 63 est activé. Il lui faudra une quinzaine de minutes pour rejoindre la drop zone située à côté du PGM. Le temps pour le binôme de secouristes de s'équiper de casques et de baudriers. Le secours sera rapidement effectué et la victime repartira directement à l’hôpital de Clermont en hélicoptère, après que celui-ci aura redéposé les secouristes.

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Il n’y aura pas d’autre intervention ce jour-là. Un dimanche calme donc pour les secouristes du PGM, plutôt habitués à effectuer quatre à cinq secours par jour depuis le début de la saison estivale.

60 % d’interventions en plus cet été

Si la région attire des touristes toute l’année, c’est en été qu’ils sont traditionnellement les plus nombreux et que se concentrent, de fait, les deux tiers de l'activité du PGM. Cette année ne fait pas exception à la règle, loin de là ! Le PGM du Mont Dore enregistre en effet une augmentation de 60 % de son activité estivale, avec 89 secours entre le 1er juillet et le 24 août, contre 44 sur la même période l'année précédente. « Depuis le début de l'année, et ce en dépit du confinement, nous enregistrons une augmentation de 20 % des interventions par rapport à 2019, qui avait déjà été marquée par une hausse de 40 % du nombre de secours, soit 166 sur l'année. Nous nous attendons à une activité aussi importante en septembre, détaille la CNE Chazal. De mi-juin à mi-septembre, l’essentiel de nos interventions est lié à la pratique de la randonnée. Les années précédentes, nous avions également eu de nombreux accidents en VTT de descente, mais cette année, les professionnels ont fait beaucoup de prévention auprès de leurs clients, et ça se ressent. Les autres activités encadrées et prévues sur la station n'occasionnent que peu d'interventions. »

Aux secours s’ajoute également la prise en compte éventuelle de l'aspect judiciaire relatif à la responsabilité des activités montagne, particulièrement l’hiver, quand des collisions surviennent sur le domaine skiable.

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Des randonneurs plus ou moins expérimentés

La montagne, quelle qu’elle soit, reste un milieu qui peut s’avérer hostile et qui doit donc être appréhendé avec prudence. Personne, même en étant expérimenté, n’est à l’abri d’une chute de pierres, d’un glissement de terrain, d’une glissade, d’un changement de météo… Et quand au facteur chance vient s’ajouter l’inexpérience, une mauvaise condition physique, voire l’absence de matériel adapté, les risques d’accident s’en trouvent forcément multipliés.

« Nous n’avons pas le même public que dans les massifs de haute montagne. Ici, les vacanciers sont rarement expérimentés et se font souvent une fausse idée de notre massif et de ses difficultés. Nous avons des versants escarpés, des passages instables, où nous devons régulièrement aller récupérer des randonneurs, insiste la capitaine. On nous appelle parfois avant la chute, comme hier, sur le secteur de Chaudefour. Mais la semaine précédente, au même endroit, un homme a fait une chute de 300 mètres. Il s'en est sorti avec de multiples fractures et des contusions. Avant le confinement, deux couples de trailers s'étaient également retrouvés coincés dans le même coin. Ils sont nombreux, en fin de saison hivernale, à se faire surprendre par le terrain encore glacé ou enneigé. »

Conséquences : de nombreuses fractures de chevilles, tibias, péronés, poignets, coudes, luxations de d’épaule, mais aussi de plus en plus de malaises cardiaques…

L’appui des GMG

Si le nombre d’interventions est sans commune mesure avec celui enregistré dans les massifs alpins ou pyrénéens, pour ce PGM dimensionné à huit, cela nécessite une certaine gymnastique intellectuelle et une bonne dose d’anticipation dans la gestion des secours, ainsi qu’une réelle disponibilité des militaires. D’autant que l’unité est l’une des rares à exercer une compétence exclusive sur son secteur, en termes géographiques et temporels, et que les appuis aériens et médicaux dont elle bénéficie ne sont pas implantés sur place.

Selon les dispositions du plan Orsec-montagne, le PGM du Mont Dore est ainsi l’unique acteur du secours sur l’ensemble du massif du Sancy, qui concentre l’essentiel de son activité, et celui du Forez. Il peut toutefois compter sur l’appui des Groupes montagne gendarmerie, composés de militaires de différentes unités formés au secourisme et à la pratique de la montagne, qui permettent de faire la jonction avec la victime le temps que le PGM se projette, ou de grossir les effectifs lors d’une recherche de personne. L’unité bénéficie par ailleurs cet été du renfort de brigadiers locaux titulaires du DQTM (un par semaine pendant sept semaines) et de deux gendarmes mobiles pendant les trois mois d’hiver.

« Dans une unité comme la nôtre, on ne réfléchit donc pas forcément en termes de gravité, mais en termes de délais d'intervention et donc de confort pour la victime mais aussi de disponibilité des secouristes. Il faut que l'on soit rapidement en mesure d'embrayer sur un autre secours, car il arrive régulièrement qu’on ait deux ou trois alertes en même temps. On doit alors prioriser les interventions, rapidement déterminer si on aura besoin d’une équipe médicale… C'est une vraie gymnastique, explique la commandante du PGM. Si le lieu de l’intervention n’est pas rapidement accessible en 4X4, on n’hésite pas à faire venir l’hélicoptère. Notre philosophie est toujours de partir au plus vite. On peut ainsi opter pour une approche en 4X4 et une caravane terrestre mais privilégier une extraction aérienne. »

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Samedi 15 août, recherche de bivouacs

Qui dit affluence touristique dit également augmentation des infractions environnementales. Les conservateurs des réserves naturelles nationales de Chaudefour et de Chastreix-Sancy ont en effet constaté une surfréquentation de leur secteur respectif et repéré des personnes équipées de matériel de bivouac. Six petits foyers de feux de camp ont également été constatés sur Chastreix.

Aussi, à l’occasion de ce week-end du 15 août, Éric Vallé, le conservateur de Chaudefour et la CNE Chazal ont embarqué à bord de l’Écureuil d’Égletons pour un survol du massif en début de soirée, afin de repérer les bivouacs et feux de camp interdits.

« La protection de l’environnement fait également partie de nos attributions et nous y travaillons en lien avec les réserves. Ce survol était une première. Habituellement, ce sont plutôt des opérations terrestres conduites par la brigade de La Bourboule. Cette mission a été efficace à plus d’un titre. Elle a non seulement permis au conservateur de confirmer la fréquentation de la réserve, mais nous avons également levé trois bivouacs dans la vallée de Chaudefour et un dans la réserve de Chastreix-Sancy, raconte l’officier du PGM, qui a mis à profit ces contacts imprévus avec les campeurs pour faire de la prévention. « Je leur ai expliqué qu’ils s’étaient installés sur une zone protégée, où le bivouac est interdit, et qu’ils devaient se déplacer côté station, là où c'est autorisé. Le message est bien passé.J'ai aussi soulevé la dangerosité de certains emplacements ; l'une des tentes étaiten effet installée sur la crête, alors que la météo prévoyait un orage, et une autre au bord d'une barre rocheuse. »

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Chiens non tenus en laisse : danger !

Outre le fait qu’il s’agit d’une infraction à la réglementation régissant les réserves naturelles, laisser son animal de compagnie vagabonder librement peut se terminer tragiquement.

« Dernièrement, en 24 heures, deux chiens, qui n’étaient pas tenus en laisse, ont sauté dans le vide. L’un d’eux est mort et l’autre va bien aujourd’hui, mais son sauvetage a nécessité une intervention de 3 heures pour aller le récupérer et le brancarder », pointe la CNE Chazal.

Pour les secouristes, la prévention est essentielle pour éviter tous ces accidents. Si elle est davantage prégnante l’hiver, grâce à l’organisation de conférences en soirée et la présence du PGM sur différents événements sportifs, cette mission se poursuit tout au long de l’année, que ce soit au contact des victimes lors des interventions, ou sur leur page Facebook.

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