Comment les gendarmes des Yvelines protègent-ils les chevaux ?

  • Par Pablo Agnan
  • Publié le 18 septembre 2020
© GND S. Vermeere

Les Yvelines, comme de nombreux départements, n’échappent pas aux mystérieuses attaques contre les chevaux. Pour lutter contre ce phénomène, les gendarmes du 78 ont mis en place une série de mesures : patrouilles, task-force dédiée, diagnostic de sécurité… Reportage. 

« J’ai commencé à flipper quand j’ai appris que des « malades » allaient jusqu’à s’infiltrer dans les boxes des chevaux », raconte, avec un air grave, Bernard Husson. Et pour cause : « Ma fille, qui est éleveuse, dort régulièrement près des juments lorsqu’elles mettent bas. » De plus en plus inquiet pour la sécurité de ses animaux comme celle de sa famille, ce propriétaire d’un haras dans les Yvelines a eu un déclic : « j’ai réalisé que j’avais un grave problème de sécurité et que je n’arrivais pas à le gérer. »

Si Bernard Husson n’a pas été touché par le phénomène de mutilation des chevaux, il reconnaît volontiers qu’il a cédé à la « psychose ambiante. » Alors, au départ, comme de nombreux professionnels du monde équestre, il a commencé par sécuriser sa propriété par ses propres moyens, en faisant notamment des rondes de nuit. Puis, il a fait appel à des professionnels du secteur, comme des vigiles et, enfin, a mené de nombreuses entrevues avec des entreprises spécialisées. « Mais les solutions proposées étaient loin d’être idéales », concède-t-il un peu dépité. Souvent trop chères ou pas adaptées à son terrain. Bernard Husson finit par se tourner vers la gendarmerie.

Pas de solutions miracles

L’adjudant Arnaud se saisit du dossier. Patron de la cellule prévention technique de la malveillance des Yvelines, il va réaliser, avec le propriétaire, un diagnostic du site en question : « La première étape était de comprendre comment fonctionne le haras, explique le Monsieur sécurité du groupement. La solution la plus simple aurait été de regrouper les chevaux dans un même enclos, mais ce n’est pas possible pour plusieurs raisons, d’ordres médicales par exemple. » D’où l’importance qu’accorde le militaire au dialogue : « Si on ne comprend pas les problématiques propres au site en question, impossible de proposer une réponse convenable, même si, reconnaît-il, la solution miracle n’existe pas. »

Elsa Vives-Servera

Mais les recommandations de l’adjudant Arnaud portent leurs fruits, comme en témoigne Bernard Husson : « J’ai installé plusieurs caméras près des boxes notamment. » Le propriétaire a également suivi les prescriptions d’un nouveau programme, testé par la gendarmerie des Yvelines. Baptisé PTM, pour "protège ta maison", le sous-officier l’a adapté à la problématique du moment : « Il s’agit d’établir un polygone d’effort basé sur trois critères : l’environnement, l’habitation et les habitudes. » Concrètement, en répondant à une série de questions, le sujet va pouvoir comprendre quels sont ses points à améliorer, dans les domaines de la sécurité de sa maison et de son terrain, ainsi que dans sa routine.  

Cet audit et, surtout, cette relation nouée avec la gendarmerie rassurent en partie Bernard Husson. « Je dors mieux », confesse le propriétaire de ce haras de 30 hectares. Même si, comme il le dit lui-même en souriant, il serait prêt à accueillir des gendarmes en pension dans son établissement sept jours sur sept, 24 h/24. « Là, je me sentirais pleinement en sécurité », rigole-t-il.

15 000 équidés dans les Yvelines

Mais avec près de 15 000 équidés dans les Yvelines, pour environ 800 propriétaires, les militaires ont du pain sur la planche. Comme bon nombre de départements, le 78 a été frappé par le phénomène de mutilation des chevaux. « Nous recensons quatre faits sérieux de mutilation depuis avril », précise le colonel Sylvain Tortellier, commandant du groupement. Ces actes d’une cruauté sans nom ont incité les militaires à mettre en place un plan d’action global pour y mettre un terme.

En plus du mémento élaboré par la cellule prévention technique de la malveillance et les Postes à cheval (PAC), puis validé par les spécialistes de l’OCLAESP (Office Central de Lutte contre les Atteintes à l'Environnement et à la Santé Publique), qui fait le bonheur de Bernard Husson, « nous avons mis en place VigiÉquidés 78, une task-force qui pilote toutes les actions du groupement. »

Parmi ces opérations, un groupe de travail, baptisé Cheval 78-95, dont la co-direction est partagée avec la Section de recherches de Versailles (S.R.). Même si, à ce stade, les enquêteurs ne savent pas à qui ils ont affaire, le patron du groupement martèle qu’il « faut composer le 17 pour que nous puissions collecter, recouper et valoriser les informations et intervenir. »

Elsa Vives-Servera

La tension monte chez les propriétaires de chevaux

Sur le terrain, le même message est rabâché sans cesse par les gendarmes. Mais certains particuliers préfèrent assurer leur défense par leurs propres moyens, comme dans le hameau du Haut-Bout, situé dans le sud du département. En patrouille dans le secteur, les gendarmes Antoine et Julien découvrent, le long d’un petit enclos, un fil tiré au ras du sol. « Ce n’est pas un piège, expliquent-ils, mais plutôt un moyen de vérifier si quelqu’un est passé par-là dans la nuit. »

Les propriétaires ont peur. On le sent lorsque l’on discute avec eux.

Pourtant, la zone est plutôt tranquille. « Il ne se passe pas grand-chose ici », confirment les deux militaires. Seule une clôture a été vandalisée dans le mois. Mais cela suffit à exacerber les tensions. « Les propriétaires ont peur. On le sent lorsque l’on discute avec eux. » C’est notamment le cas d’un jeune exploitant qui, au cours d’une discussion avec les gendarmes, leur confie prendre en photo la moindre plaque d’immatriculation inconnue.

Un comportement renforcé par ce qu’il voit sur les réseaux sociaux. Lui-même partage les photos des véhicules avec d’autres propriétaires sur le Net. Malgré les recommandations des gendarmes, il préfère s’adresser à ses confrères, avec qui il entretient des relations via les Facebook ou Whatsapp.  

Haras et centres équestres surveillés de près

Les cavaliers de la Garde républicaine patrouillent tous les jours près des haras et centres équestres.

© GND S. Vermeere

C’est ce que constate l’adjudant Jonny. Cavalier au quatrième escadron de la garde républicaine, il reconnaît que son poste lui permet de discuter plus facilement avec les propriétaires. « Nous parlons le même langage. C’est beaucoup plus facile pour nous de discuter, que d’autres qui ne sont pas familiarisés avec le monde équin. »

Détaché au poste à cheval des Bréviaires et pleinement investi dans sa mission, il se rend auprès des propriétaires presque tous les jours. Comme les gendarmes Antoine et Julien, il confirme que la peur dans le milieu équestre est bel et bien présente : « Les propriétaires sont en colère : entre la COVID, la sécheresse et maintenant ça, il y a une accumulation. »

En plus du poste à cheval des Bréviaires, les propriétaires de chevaux peuvent compter sur un deuxième PAC, à Saint-Nom-la-Bretèche. À cela s’ajoutent les 1 150 gendarmes du département, qui patrouillent, de jour comme de nuit, autour des centres équestres, des haras ou tous lieux où se trouvent des chevaux.

À noter :

Les propriétaires de chevaux ou de centres équestres peuvent d’ailleurs demander à leur brigade locale d’abonner leur structure à l’Opération Tranquillité Entreprise et Commerce. Le mémento proposé à Bernard Husson sera prochainement envoyé aux propriétaires de chevaux, de haras et de centres équestres, via l’Institut français du cheval et de l’équitation et de la Fédération française d’équitation.

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