Stage forêt : entretien avec le capitaine Bastien de l’AGIGN de Cayenne

  • Par le capitaine Tristan Maysounave
  • Publié le 28 mars 2024
Capitaine Bastien, directeur du stage forêt
© GEND/GR/ADC.BOURDEAU

Affecté à l’Antenne du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (AGIGN) de Cayenne en 2021, et adjoint au commandant d’unité depuis l’été dernier, le capitaine Bastien était le directeur du stage forêt qui se déroulait du 1er au 4 février 2024.

Mon capitaine, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

J’ai intégré l’école spéciale militaire de Saint-Cyr en 2014, après avoir suivi une classe préparatoire au lycée militaire du Prytanée. Au début, j’étais plutôt attiré par l’infanterie et les forces spéciales, car c’était la période où l’Armée française était engagée en Afghanistan. Au moment des premiers désengagements et de la création de l’opération Sentinelle, j’ai découvert la gendarmerie, notamment au travers d’échanges avec des camarades. J’ai alors fait le choix de rejoindre l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN). Je me suis posé la question des spécialités. Je suis passionné de moto et les tests d’entrée à l’escadron motocycliste de la Garde républicaine se sont présentés. Je les ai réussis et j’ai pu rejoindre cette unité. Le métier de motocycliste m’a conduit à faire de nombreux déplacements. J’ai vécu une belle expérience au sein d’une unité jeune, marquée par une forte cohésion. Souhaitant poursuivre au sein d’une Antenne du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (AGIGN), j’ai validé les tests de sélection et j’ai été affecté à celle de Cayenne en 2021.

Comment s’organise le stage forêt ? En quoi est-il indispensable aux gendarmes s’apprêtant à effectuer des missions en forêt ?

La forêt est un milieu particulier et complexe qui génère certaines appréhensions chez les gendarmes projetés en Guyane. Le stage forêt est encadré par les militaires de l’AGIGN. Il est absolument nécessaire pour avoir les clés de compréhension du milieu et des missions effectuées en forêt. Au cours de ce stage d’une durée de trois jours, nous abordons également la complémentarité avec les Forces armées en Guyane (FAG), avec lesquelles nous menons souvent nos missions.
L’année dernière nous avons créé le manuel de formateur en forêt équatoriale, qui synthétise tous les savoir-faire de l’AGIGN propres à ce milieu. Nous nous appuyons sur ce manuel pour conduire nos instructions.

Les militaires nouvellement affectés à l’antenne participent-ils également à un stage forêt ?

La validation de la qualification de formateur en forêt équatoriale donne lieu à l’obtention d’un code-savoir et d’un brevet. Un stage forêt propre à l’AGIGN, d’une durée de quatre jours, est d’abord dispensé aux militaires nouvellement affectés à l’unité. Pour valider le brevet de formateur forêt, il leur faut encore effectuer deux stages forêt en tant qu’aide-moniteur, un stage d’initiation à la conduite d’un quad, un stage d’initiation pirogue, le stage tronçonneuse, deux missions héliportées de type Anaconda, une mission avec destruction d’un site d’orpaillage et deux missions interarmées, héliportée et nautique, avec moyens spécifiques. Le formateur forêt doit enfin cumuler un an d’expérience et avoir suivi une formation en pédagogie. 

Où se déroule le stage forêt ?

Le stage forêt se déroule au carbet Blanka sur la rivière Kounana (un carbet est un abri en bois sans mur, typique de la Guyane, NDLR). Ce carbet est celui de la gendarmerie de Guyane. Nous l’avons rebaptisé l’année dernière en hommage à Arnaud. Les carbets sont concédés par l’Office national des forêts (ONF). La coutume en Guyane veut que les carbets soient en libre accès. La seule restriction est que si le propriétaire arrive et demande à occuper son carbet, alors les personnes qui l’utilisent doivent s’en aller. Le carbet de la gendarmerie ne déroge pas à la règle. Outre le stage forêt destiné aux gendarmes mobiles et militaires de l’AGIGN, nous y accueillons également les familles, les gendarmes adjoints volontaires et les cadets de la gendarmerie à l’occasion d’évènements de cohésion.

Pourquoi avoir fait le choix de l’AGIGN de Cayenne ?

J’avais classé les 14 antennes en mettant l’AGIGN de Cayenne en quatrième choix. Ayant effectué ma scolarité à Saint-Cyr, j’avais déjà suivi un stage du Centre d'entraînement en forêt équatoriale (CEFE) et je savais que la forêt me plairait (au cours de leur formation, les élèves de Saint-Cyr effectuent un stage d’aguerrissement de quinze jours au CEFE situé à Régina, en Guyane française, NDLR). Mais l’inconnu, c’était la vie en Guyane. Au final, c’est une bonne expérience personnelle. Et c’est hors norme professionnellement parlant. Nous sommes reconnus par le GIGN dans notre spécificité forêt. Régulièrement, une de leurs sections vient se confronter à ce milieu, ce qui nous permet d’échanger nos savoir-faire.
Je suis adjoint au commandant d’unité depuis cet été. C’est un commandement exaltant qui fait grandir.

Pouvez-vous nous parler de vos engagements les plus marquants en Guyane ?

J’ai trois engagements qui me viennent à l’esprit.
D’abord, ma première mission forêt, alors que je venais d’être affecté à l’unité. Nous sommes partis en mission autonome avec dix militaires de l’AGIGN. J’étais Directeur des opérations (D.O.), mais j’étais appuyé par un adjoint expérimenté. Nous avons effectué une belle et difficile mission.  Nous avons obtenu un beau bilan en saisissant une pirogue, deux quads et du matériel d’orpaillage en grande quantité. Cette opération restera gravée dans ma mémoire.
La deuxième mission qui m’a marqué a eu lieu en octobre 2021. Nous devions monter une embuscade sur des quads à proximité du Dégrad Yaya. Nous avons d’abord effectué une dépose hélico en rappel à 10 kilomètres à vol d’oiseau de l’objectif, puis une belle marche de 25 kilomètres. Nous nous sommes positionnés pour surveiller la livraison puis nous avons attendu pendant deux jours. Alors que nous étions sceptiques sur la réussite de la mission, en l’absence de mouvement constaté sur la zone, nous avons enfin vu les quads se diriger vers le site d’orpaillage afin de récupérer la marchandise. Nous nous sommes rapidement positionnés en embuscade en bordure de piste pour les intercepter dans le sens retour. Nous avons alors saisi et interpellé successivement neuf quads et leurs pilotes. C’était exaltant. Les garimpeiros (chercheurs d'or clandestins, NDLR) étaient sidérés et surpris par le dispositif.
Le troisième engagement auquel je pense est une interpellation domiciliaire sur le littoral, en août dernier. L’individu n’était pas connu pour être particulièrement dangereux. De mémoire, l’infraction reprochée était un vol de pirogue, mais la maison était très bien barricadée, et c’est le critère de technicité qui a justifié notre engagement. Nous avons pénétré sur sa propriété et nous nous sommes fait tirer dessus depuis une fenêtre. Nous lui avons alors fait les injonctions et il s’est rendu. Il n’y a pas eu de blessé, mais ça restera une opération marquante.

Conseillerez-vous à un militaire ayant réussi les tests de sélection de rejoindre l’AGIGN de Cayenne ?

Rejoindre cette unité, c’est choisir de vivre une expérience exceptionnelle et d’engranger des connaissances et des compétences qu’on ne trouve nulle part ailleurs. C’est une expérience éprouvante physiquement, psychologiquement et familialement mais celui qui veut se tester et relever des défis sera servi. Pouvoir cumuler cette double casquette forêt et intervention spécialisée, c’est quelque chose d’exceptionnel et de reconnu. Les missions forêt exigent beaucoup d’autonomie et de capacité d’initiative.

Pouvez-vous nous parler de votre expérience personnelle de la Guyane ?

De nombreuses personnes ont des préjugés sur la Guyane. Je comprends qu’on puisse ressentir une forme d’appréhension avant d’être affecté dans ce département d’outre-mer, mais c’est une expérience enrichissante à vivre. Celui ou celle qui aime la nature s’épanouira en Guyane. Il y a de nombreuses activités à faire en lien avec celle-ci. Il est par exemple possible de dormir en carbet ou de faire des randonnées. Concernant la vie professionnelle du conjoint, ma femme a trouvé du travail sans problème. Familialement, je garderai un lien fort avec la Guyane. En effet, notre fils y est né et voudra probablement y revenir plus tard.

Pouvez-vous nous parler de votre avenir ?

Après avoir passé trois années intenses en Guyane, je serai affecté comme commandant de l’AGIGN de Dijon cet été. L’enjeu sera double puisque je devrai prendre la mesure des responsabilités d’un commandant d’unité et m’approprier le fonctionnement et les contraintes d’une AGIGN métropolitaine. Je suis reconnaissant de la confiance que ma hiérarchie place en moi.

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