Le chef d’escadron Agathe, gendarme et joueuse de rugby

  • Par le chef d'escadron Charlotte Desjardins
  • Publié le 05 mars 2024
POrtrait d'une rugbywoman bras croisés et à droite la même en tenue d'intervention
© D.R.

En cette année olympique et à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, Gendinfo vous propose cette semaine une série de portraits de militaires sportives. Portrait du chef d'escadron Agathe, commandant de la compagnie de gendarmerie départementale du Havre et manageuse du XV de France militaire féminin. Elle qui ne se destinait ni à la gendarmerie, ni au rugby, trouve aujourd'hui son épanouissement dans ces deux domaines. 

« Le sport a toujours occupé une place majeure dans ma vie ! » Dès lors, le cadre est posé ! Pourtant, c’est assez tard que la jeune femme découvre le rugby, ayant pratiqué la gymnastique et l’athlétisme dès son plus jeune âge. Lors de ses études à « Sciences Po », à Toulouse, elle apprend l’existence d’une équipe de rugby à 7 sur place, tente l’expérience et a « tout de suite bien accroché. J’aime bien les sports où il y a de l’engagement, du combat. Ce qui me plaît aussi dans le rugby, c’est tout le volet tactique et stratégique que l’on peut construire. Et depuis, je n’ai jamais arrêté au gré de mes différentes mutations et de mes déplacements, j’ai toujours trouvé un club là où j’étais. »

Premiers pas en gendarmerie

Elle intègre l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) entre 2013 et 2015. Et si ce métier n’était pas particulièrement une vocation au départ, le lieutenant Agathe trouve aussitôt chaussure à son pied dans l’institution. Son goût pour les responsabilités et l’engagement, mais aussi la possibilité de changer de fonction régulièrement, ou encore le sens du collectif et du courage, sont autant de qualités qui font que le jeune officier prend rapidement ses marques pour s’épanouir en gendarmerie. Pendant ces deux années de formation denses, comportant de nombreux déplacements, elle joue à l’Ent AS Marcoussis Us Limours. « C’était un peu costaud, car on est souvent partis, mais l’idée était de garder un pied dans le milieu », explique l’officier.

C’est aussi à ce moment-là qu’elle apprend l’existence du XV de France militaire féminin, réalisant que ce serait idéal pour être gendarme en jouant au rugby au niveau national. Mais au cours de la scolarité, elle n’a pas la possibilité de participer au stage de détection.

 

Gendarmerie mobile et équipe de France militaire de rugby

À la fin de l’EOGN, son choix se porte vers la gendarmerie mobile, et elle part pour trois ans comme commandant de peloton à l’escadron de gendarmerie mobile 15/6 de Nîmes. Une fois encore, ce métier est une découverte pour elle, qui s’avère plus que payante. « Je me suis vraiment beaucoup plu, avec un commandement très riche sur le plan humain mais aussi opérationnel », précise-t-elle. À la tête de ses hommes, elle participe à de nombreuses missions de sécurisation d’événements sportifs, de maintien de l’ordre, comme Notre-Dame-des-Landes, de manifestations, d’opérations de Lutte contre l’immigration irrégulière et clandestine (LIIC), etc. Trois déplacements en outre-mer viennent compléter cette liste : Mayotte en 2015, la Guadeloupe en 2017, et la Guyane en 2018. À chaque fois, elle a la chance d’avoir à remplir des missions différentes.

Pendant cette affectation, le lieutenant Agathe prend une licence au Rugby club nîmois, où elle évolue au poste de 3ligne centre. « À ce moment-là, j’étais à trois entraînements par semaine quand je n’étais pas en déplacement, avec des matchs un week-end sur deux. Le staff était compréhensif vis-à-vis de mon métier et des absences. En revanche, dès que je revenais, je m’engageais à fond. J’essayais toujours de leur donner mes dates de déplacement et de présence en avance pour qu’ils puissent prévoir », précise-t-elle.

Même en outre-mer, le commandant de peloton parvient à pratiquer sa passion ! En Guyane, elle joue à Kourou quand elle a du temps libre, et à la Guadeloupe, elle rejoint le club du Bruc, mais aussi l’école de rugby du Moule, où elle aide les entraîneurs à donner des cours aux enfants.

C’est au cours de cette affectation que le jeune officier participe à son premier stage avec le XV militaire, à Pau. Une réussite pour elle, puisqu’elle est retenue dans l’équipe. Et c’est le début d’une belle aventure !« Mes chefs étaient assez favorables pour me laisser partir, hormis si j’étais sur un déplacement outre-mer, mais pour le reste, j’ai toujours pu partir sur les différents rassemblements pour jouer des matches avec l’équipe militaire. »

Cela implique une bonne anticipation et un souci du compte-rendu vis-à-vis de sa hiérarchie afin de pouvoir se rendre autant que possible sur les rassemblements du XV, sans bénéficier d’un quelconque traitement de faveur.

Une gendarme portait une coupe de rugby et une médaille d'o
© D.R.

Le temps de la coopération internationale

En 2018, le capitaine Agathe est mutée à la Direction de la coopération internationale (DCI, devenue DCIS en 2021). Parlant espagnol et anglais, elle découvre un nouveau métier en tant qu’officier concepteur au sein d’une direction mixte police-gendarmerie, qui lui demande de mettre en œuvre ses capacités d’adaptation.

« Pendant cinq ans je découvre le milieu international, avec un travail orienté sur la coopération technique, c’est-à-dire la formation. Cela recouvre différentes thématiques, comme le maintien de l’ordre, l’intervention, la cybercriminalité... J’ai travaillé au bureau Asie, puis au bureau Amérique, ensuite sur les deux, et finalement s’est ajoutée l’Europe orientale ! », explique-t-elle avec enthousiasme. Mais la DCI, c’est aussi recevoir des délégations, comme les chefs des polices étrangères (FBI, NCIS, Garde nationale mexicaine…). Elle réalise même à l’occasion des missions en interprétariat !

Côté rugby, 2018 est aussi l’année de son premier match international avec le XV militaire, à Amsterdam. Un grand moment pour elle ! « Cette fois j’étais titulaire au poste de 2ligne, ajoute l’officier. On jouait contre l’équipe civile, et j’ai ressenti à la fois de l’émotion et de la pression… Un souvenir de fierté quand on chante les hymnes à l’entrée sur le terrain… » Le ton est ému à cette évocation. « Ce sont des moments d’émulation, de collectif ! Tu prends des coups et tu as besoin du soutien des autres, toi tu essaies de donner aux autres, ce sont des moments forts qui te soudent avec le reste de l’équipe. Je garde vraiment un super souvenir !!! » Mêmes souvenirs contre l’Irlande en 2019 ! Les deux années suivantes ont été creuses pour le rugby militaire en raison du COVID-19.

Une des conditions pour jouer dans l’équipe militaire est de pratiquer le sport en club, afin d’être en forme et bien entraîné. Le capitaine pratique donc cette fois au Racing 92, au niveau Élite. Le degré d’exigence est plus élevé qu’à Nîmes, tant sur le plan physique que sur l’investissement en temps : trois entraînements par semaine, des matches un peu partout en France le week-end… « J’y passais presque tout mon temps libre quand j’y repense ! », s’exclame-t-elle.

 

Manageuse du XV de France et victoire mondiale

En septembre 2021, le manager du XV féminin, un colonel de l’armée de Terre, lui propose de rejoindre le staff. Il souhaite qu’Agathe, une femme et une joueuse, le remplace. Surprise et touchée par cette marque de confiance, le capitaine accepte rapidement l’offre. « Ce qui m’embêtait, c’était de ne plus pouvoir jouer, mais je me suis rendu compte que c’était une opportunité en or à saisir et un beau challenge. J’ai rapidement accepté, et j’ai rendu compte à mes chefs à la DCIS et au Centre national des sports de la défense (CNSD). Me voilà embarquée fin 2021 dans cette aventure, avec la potentielle perspective de la coupe du Monde en 2022 ! » Et le CNSD annonce très clairement ses attentes à la nouvelle manageuse du XV militaire : de la performance.

Aussi, 2022 est-elle une année d’une densité particulière, car en plus de ses fonctions à la DCIS, elle relève le défi de la préparation à la coupe du Monde militaire.

Un travail de l’ombre au long cours se met en place en vue d’élever le niveau de l’équipe : reconstruction du staff, augmentation du vivier de joueuses, planification des rassemblements, préparation… La tenue de cette compétition mondiale, prévue en octobre 2022, n’est confirmée qu’en mai. Septembre voit l’ultime rassemblement à Mont-de-Marsan, et octobre l’envol pour Auckland. « La chance que j’ai eue, c’est que la DCIS m’a laissé partir et m’a laissé le temps nécessaire pour la préparation, c’est-à-dire trois semaines, et le déplacement pendant un mois. Je les en remercie, car j’ai eu des chefs bienveillants et je suis consciente que j’ai eu de la chance ! », ne manque-t-elle pas de souligner.

Une fois en Nouvelle-Zélande, elle déploie de nouveau ses qualités de chef pour conduire son équipe à la victoire. « Je leur ai tout de suite dit que l’objectif c’était de gagner la coupe du Monde, qu’on était là pour ça et que je voulais l’adhésion de tout le monde dans ce but », raconte-t-elle. Gagner la coupe et faire rayonner la France et l’armée française, le défi est non seulement accepté mais relevé, car les filles du XV l’emportent contre la Nouvelle-Zélande. Une véritable apothéose !

Une femme gendarme, commandant de compagnie, s'exprime au micro derrière un pupitre en bois
© D.R.

Le commandant de la compagnie du Havre

Le 1er août 2023, le chef d’escadron Agathe prend la tête de la compagnie de gendarmerie départementale (CGD) du Havre. Pour la troisième fois, c’est un nouveau métier qu’elle découvre en tant que gendarme et dans lequel elle s’engage sans réserve.

Elle apprécie particulièrement les nombreuses facettes de ce nouvel emploi, voguant entre l’opérationnel, l’humain et l’institutionnel. Son travail quotidien lui permet de nouer des liens importants avec les partenaires, comme le port du Havre, ou des entreprises locales dans lesquelles les gendarmes peuvent être amenés à intervenir.

Sur l’aspect opérationnel, elle emploie à bon escient la liberté d’action que peut avoir un commandant de CGD. « On travaille sur l’analyse de notre délinquance et la mise en place de dispositifs adaptés pour l’endiguer au mieux, ce qui est passionnant, même si, bien sûr, on a les consignes de nos chefs. Ils nous font confiance. »

Quant au commandement humain, elle possède déjà deux premières expériences de taille entre son peloton nîmois et le XV qu’elle continue de manager. « C’est notre rôle de connaître nos personnels, de les orienter, de les guider au mieux et d’être présents pour eux. »

Sa double casquette ne lui permet pas aujourd’hui de jouer dans un club local.

Elle s’attache également à choisir des dates de stages pour le XV militaire qui soient compatibles avec son emploi. « Je les prévois quand mon adjoint est présent et peut prendre le relais. D’un autre côté, je ne veux pas prendre l’équipe en otage de mon emploi. Ce n’est pas toujours facile, mais je dois trouver l’équilibre et mes chefs me laissent partir deux ou trois fois par an pendant une semaine. »

 Un pont entre la gendarmerie et le rugby

Pourquoi le chef d’escadron Agathe s’épanouit-elle autant en gendarmerie et dans le monde du ballon ovale ?

« J’y retrouve des valeurs communes, comme l’engagement et l’abnégation, dit-elle. Mais aussi le courage, l’esprit d’équipe, la solidarité et l’entraide. Il y a un pont entre la gendarmerie et le rugby, et c’est pour ça que je suis si bien dans les deux. Autant de choses que l’on partage et que j’essaie d’insuffler à mon niveau. Ce n’est pas le tout de le dire, il faut le faire vivre au quotidien. »

Que ce soit comme commandant de compagnie ou manageuse du XV militaire féminin, son objectif reste de donner du sens à son action et à celle de ses personnels.

« Enfin, ajoute-t-elle, il faut oser, ne pas avoir peur, ni hésiter à voir grand ! » Un bon mantra pour celle qui a mené son équipe à la victoire mondiale et souhaite poursuivre son chemin en gendarmerie dans le domaine de l’international.

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