Gendarme Fanny : agir pour sauver une vie
- Par le commandant Céline Morin
- Publié le 04 juillet 2021
Affectée à la Brigade territoriale autonome de Chamonix depuis sa sortie d’école, en 2017, la gendarme Fanny, 29 ans, a dû faire face, le 21 octobre dernier, à l’intervention la plus marquante de sa jeune carrière. Ce jour-là, sa réactivité et son sang-froid lui ont permis de sauver un homme suicidaire qui s’était tranché la gorge. C’est au regard de cet acte de courage que la militaire est conviée à assister, cette année, au défilé du 14 juillet sur les Champs-Élysées et qu’elle participera, le lendemain, à une cérémonie aux Invalides en hommage aux « héros du quotidien ».
Haute-Savoie, le 21 octobre 2020. Ce jour-là, la gendarme Fanny, 29 ans, est en patrouille avec la brigadière Céline, quand le CORG (Centre d'Opérations et de Renseignement de la Gendarmerie) les sollicite par radio pour intervenir auprès d’une personne suicidaire.
L’homme, qui a lui même contacté la gendarmerie en indiquant son intention, sa description et sa position exacte, se trouve au niveau du col des Montets, sur le chemin de randonnée qui mène au lac blanc.
« Au départ, nous ne savions pas trop à quel niveau du chemin il se trouvait, s’il était loin de la route ou pas. Le PGHM a donc été préalerté, ainsi que les médecins, parce que ça pouvait tout aussi bien être en montagne… Nous nous sommes immédiatement projetées sur les lieux. En arrivant sur le parking de la Réserve naturelle des Aiguille rouges, nous avons repéré son véhicule, puis, toujours en lien téléphonique avec le CORG, nous avons suivi le chemin à pied sur une courte distance, et nous avons rapidement aperçu l’homme à l’endroit indiqué. Il voulait qu’on le retrouve, mais comme nous nous trouvions à proximité, nous avons certainement fait plus vite qu’il ne le pensait, puisqu’il a raccroché avec le CORG à notre arrivée », se remémore la gendarme de la Brigade territoriale autonome (BTA) de Chamonix.
L’homme se trouve non loin de la route… Assis sur un petit rocher surplombant légèrement le chemin de randonnée, il semble calme. Tout en restant à une distance relative, comme on lui a enseigné, la GND Fanny essaie de nouer le dialogue : « Je lui ai d’abord demandé si c'était bien lui, avant de lui dire qu’on était là pour lui, pour l’aider. Mais il m’a rétorqué qu’il n'avait pas besoin de nous, qu'il avait juste besoin de 5 minutes et que ça allait aller. À ce moment-là, il n'avait rien dans les mains, c'était juste une personne assise sur une pierre. Rien qui ne laissait présager son geste… »
Soudainement, l’homme se tranche la gorge
Tandis que sa camarade rend compte au CORG de leur arrivée sur les lieux et de la prise de contact avec l’homme, Fanny essaie de maintenir le contact, tant visuel que verbal : « Je lui dis que je ne vais pas m’éloigner… » Et puis, en une fraction de seconde, tout bascule. L’homme boit une gorgée dans sa thermos, la repose et, soudainement, se tranche la gorge. « Je ne sais même pas d'où il a sorti son coupe-choux. Je vois juste quelque chose d'argenté et je m’aperçois qu'il s'est entaillé la gorge. » La gendarme lui hurle d'arrêter et se précipite d’instinct vers lui, sans se poser de questions. « J’ai tout de suite couru vers lui, tout en tentant vainement de mettre mes gants. Le temps que j'arrive, il s'était encore donné deux ou trois coups de lame. » Elle se jette alors sur lui pour arrêter son geste désespéré. Tout en neutralisant la main armée du couteau, qu’elle bloque au sol de sa main gauche, elle commence à faire un point de compression de son autre main : « La plaie était béante. Il y avait beaucoup de sang. Je me suis alors servie du col de son pull pour essayer de calfeutrer la blessure, avant de faire un point de compression. »
Pendant ce temps-là, sa camarade informe le CORG de l’évolution de la situation. Les renforts ont été activés et sont en route.
Neutraliser l’arme d’une main tout en comprimant la blessure de l’autre
« J'avoue qu’à ce moment-là, je ne savais pas trop ce qui se passait autour de moi. J’étais concentrée sur la victime. J’essayais de lui faire lâcher son arme tout en évitant d’être blessée, n’ayant pas de gants. Je suis finalement parvenue à le désarmer et à jeter l’arme… Malheureusement pas assez loin… Parce qu’en dépit du fait qu'il avait perdu beaucoup de sang, il se débattait avec beaucoup de force et a réussi à la récupérer. J’ai alors demandé à ma camarade d’essayer de lui enlever cette lame, tandis que je le maintenais au sol, toujours en faisant le point de compression. » Mais cette tentative est vaine. L’homme se débat, essaie de nouveau de se taillader la gorge, blessant, dans son geste, la GND Fanny à la main.
Comprenant que ce serait trop compliqué de lui faire lâcher son couteau, elle décide alors de reprendre ma position initiale, en bloquant la main armée tout en maintenant le point de compression, le temps que les renforts arrivent. « J'étais prête à tenir le temps qu'il fallait, parce que je n'avais pas d'autre solution sur le moment. Et dans cette posture, il ne pouvait pas me blesser davantage. Les renforts sont très vite arrivés, peut-être 10 minutes plus tard, mais j’avoue que dans cette situation, ça m’a paru une éternité. On a l’impression que les minutes s’étirent… Quand les premiers renforts sont arrivés, j’ai eu l'impression qu’ils venaient en marchant, alors qu’ils ont dû piquer le sprint de leur vie… »
Les premiers sur les lieux sont des gendarmes du peloton motorisé de Passy, qui parviennent à eux deux à désarmer l’homme. « L’un d’eux m’a alors remplacée sur le point de compression, et quand je me suis retournée, j’ai vu que mes camarades de la brigade étaient là aussi, ainsi que les médecins… tout le monde était arrivé. » Le major, commandant en second la BTA, est sur place et la prend en compte. « Il m’a mise un peu à l’écart et m’a tout de suite dit que c'était fini, qu’ils prenaient le relais. Et à partir de là, j'ai tout lâché. Pleurer m’a permis d’évacuer tout de suite, du moins en partie… »
Couverte de sang, la gendarme essaie de se nettoyer au maximum dans le refuge voisin, avant d'être conduite à l'hôpital : « Je n'avais pas grand-chose. On m’a posé des strips sur la coupure, mais il fallait surtout que ma camarade et moi commencions la trithérapie préventive, qui a été suivie de prises de sang de contrôle. C’était une toute petite blessure, le médecin a été rassurant, mais il ne fallait prendre aucun risque. »
Une intervention qui restera marquée en elle
Cette intervention, la GND Fanny y repense encore aujourd'hui, de façon moins intense qu’au début, mais elle sait qu’elle restera gravée dans sa mémoire : « Il y a eu une ou deux semaines compliquées. Aider de force quelqu'un qui n'a pas envie d'être aidé, c’est difficile à gérer. J’ai essayé de beaucoup extérioriser dès le début, car je pense que c’est ce qu’il y a de mieux à faire, et nous avons aussi bénéficié d’un suivi, explique-t-elle, avant de confier : « C'est ma première intervention aussi marquante. Cet homme s’est tranché la gorge devant moi. Il y avait énormément de sang, il se débattait, il ne voulait pas être aidé, mais je ne pouvais pas le laisser se vider de son sang. Ça me paraissait normal d’agir comme je l’ai fait. On serait arrivé 10 minutes plus tard, on n'aurait pu rien faire. J’ai d’ailleurs appris récemment qu’il avait réussi à se suicider quelques semaines plus tard, cette fois en sautant d’un pont. »
De fait, elle porte désormais un autre regard sur son quotidien opérationnel : « On est déjà tous partis sur des tentatives de suicide, mais dans 99 % des cas, ce sont des appels au secours ; on va peut-être faire interner la personne, appeler ses proches, mais ça ne va pas plus loin. Maintenant, je me dis que sur n'importe quelle intervention, on ne sait pas ce qui peut arriver. »
Des héros du quotidien à l’honneur
Au regard de son geste, la gendarme Fanny a été conviée à assister au défilé du 14 juillet sur les Champs-Élysées et à participer, le lendemain, à une cérémonie à l’Hôtel national des Invalides, en hommage aux « héros du quotidien », au cours de laquelle vingt gendarmes seront récompensés par les autorités ministérielles, en présence également des familles des camarades décédés en service au cours de l’année écoulée.
« J’ai encore un peu de mal à y croire. J’ai été très étonnée quand on me l’a annoncé et en même temps je suis très honorée qu'on valorise mon action, avoue-t-elle. J’ai bien conscience que c'est un geste important, que tout le monde n’aurait peut-être pas pu faire, mais sur le moment il fallait que j'agisse, je ne me voyais pas faire autrement. Je pense que c’est dans ce genre d'interventions qu'on se rend compte qu'on est fait ou pas pour ce métier, qu'on ne s'est pas trompé de voie. »
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