Camille Pierre, père lointain de l’IRCGN

  • Par le commandant Laurent López, service historique de la Défense
  • Publié le 23 mars 2018
Mensurations dans le service de l’Identité judiciaire, situé sous les combles du palais de Justice à Paris. Un garde républicain assiste à la séance.
© D.R.

Le capitaine Camille Pierre a joué un rôle capital dans l’histoire de la police judiciaire et l’émergence d’un enseignement criminalistique au sein de la gendarmerie au début du XXe siècle.

Né en 1867 dans la Meurthe, Camille Pierre s’engage dans l’infanterie en 1886. Élevé au grade de sous-lieutenant en 1891, il est admis dans le régiment d’infanterie de la garde républicaine en décembre 1894, où il devient lieutenant. Promu capitaine, il est affecté, peu avant son décès, à Bar-le-Duc, le 31 décembre 1903.

Le militaire témoigne rapidement de ses qualités. C’est l’étude résumée des principaux caractères du signalement descriptif dit portrait parlé (méthode Bertillon) à l’usage des militaires de la gendarmerie, publiée en 1904, qui constitue son œuvre cardinale posthume. Il y décrit l’une des techniques anthropométriques élaborées au sein du service de l’Identité judiciaire institué en 1893.

Il n’a « d’autre but que de permettre aux militaires de la gendarmerie d’arriver rapidement à lire et à utiliser les fiches signalétiques des repris de justice, criminels à rechercher, etc. qui leur sont adressées, sous la forme du “portrait parlé”, par le service de Sûreté générale du ministère de l’Intérieur ». Ce livre vise, plus largement, à familiariser les gendarmes avec des procédés modernes de police judiciaire.

Un instituteur de la gendarmerie en « chose policière »

Deux ans après l’entrée d’élèves-officiers dans le cours de signalement descriptif dispensé à la préfecture de police, le lieutenant Camille Pierre, nommé à la garde républicaine depuis novembre 1902, publie un manuel décrivant la technique du « portrait parlé », nom familier du signalement descriptif anthropométrique. La technique, imaginée par Alphonse Bertillon, vise à identifier un individu recherché par la mémorisation de traits physionomiques caractéristiques.

Les diverses formes du nez traduites chacunes par un signe particulier.

© D.R.

L’officier de la garde républicaine se propose d’être un médiateur permettant aux gendarmes de comprendre les signalements adressés par leurs interlocuteurs judiciaires, pénitentiaires ou policiers. Il ambitionne néanmoins de voir les militaires ne pas être de simples exécutants mais de se réapproprier la technique en rédigeant eux-mêmes des « signalements descriptifs abrégés ». L’ouvrage exprime l’évolution des représentations de la police parisienne parmi de jeunes officiers pour qui s’estompe l’ombre tutélaire et infâmante de Vidocq.

La participation de quelques officiers de la garde à ces leçons et à l’encadrement des élèves-officiers, mais également la proximité géographique et l’entente née des rapports quotidiens avec les policiers parisiens favorisent l’incorporation d’éléments de leur culture professionnelle. C’est probablement l’initiative de ce militaire qui donne lieu à une vaste interrogation au sein de l’arme sur la compréhension et l’utilisation de la méthode par les gendarmes de tous grades.

Gendarmes et policiers partagent enseignement et diplôme

Mais comment cette technique née à la préfecture de police gagne-t-elle la gendarmerie ? Ignace-Emile Forestier, alors élève-officier, se souvient que « tous les jeudis après-midi, nous allions au service anthropométrique de la préfecture de police, quai des Orfèvres, où nous suivions des cours de “portrait parlé” ».

Si la présence des militaires aux côtés des policiers peut a priori surprendre, elle s’explique notamment par la création, le 3 janvier 1901, de l’école des sous-officiers de la gendarmerie. Ses élèves sont accueillis pendant six mois à la caserne Schomberg, voisine de la préfecture de police, et encadrés par des officiers de la garde républicaine.

Réunir gendarmes, gardes républicains et policiers par l’apprentissage d’un langage anthropométrique commun : le signalement descriptif ou cours de « portrait parlé », à la préfecture de police à Paris.

© D.R.

Sortis du rang, ces aspirants au grade de sous-lieutenant reçoivent un enseignement essentiellement militaire, complété par le cours de « portrait parlé », une révolution culturelle dans la gendarmerie en matière de police judiciaire, au début du XXe siècle. Obtenant son brevet en 1907, le sous-officier Forestier évoque plus particulièrement les séances de reconnaissance organisées dans la cour de la citadelle policière.

Loin de considérer celles-ci comme un divertissement incongru, les exercices sont pris très au sérieux par des gendarmes, « tous quelque peu inquiets » ; Forestier rapporte qu’ « il s’agissait de trouver, parmi une centaine d’individus, appartenant tous au service de la Sûreté et allant et venant dans la cour, celui dont Monsieur David nous aurait remis la fiche.

Cette fiche ne comportait ni l’âge, ni la taille de l’intéressé ; nous avions dix minutes pour l’étudier et retenir trois signes bien déterminés. Nous devions ensuite mettre la fiche dans notre poche et partir à la recherche de notre homme ; les candidats à l’examen étaient compris dans le groupe des suspects possibles ».

L’ouvrage du lieutenant Pierre manifeste l’évolution des représentations des jeunes officiers vis-à-vis de la police parisienne, qui ne représente désormais plus un repoussoir, mais un modèle au tournant des XIXe et XXe siècle. La tentative d’importation de la technique policière donna lieu, plus largement, à une vaste interrogation au sein de la gendarmerie sur l’utilisation de la méthode par les militaires et la nécessité de la modernisation de leurs pratiques d’identification criminelle.

Camille Pierre, le père lointain de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) actuel ?

Pour plus d’actualités, vous pouvez consulter le site du service historique de la Défense.

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