26 décembre 1994 : l’assaut spectaculaire du GIGN à Marignane
- Par capitaine Marine Rabasté
- Publié le 25 décembre 2021
Le 26 décembre 1994, à Marseille, se déroulait l’assaut du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) sur l’Airbus A300, pris en otage par des terroristes. Retour sur les 54 heures qui ont marqué l’histoire de l’unité.
Sur le tarmac de l’aéroport d’Alger, le 24 décembre 1994 à 11h, les passagers du vol AF8969 à destination de Paris commencent à monter à bord. À la fin de l’embarquement, quatre individus, se présentant comme membres du personnel des pistes, s’empressent de pénétrer dans l’appareil. Il s’agit en fait de terroristes du Groupe islamique armé (GIA), l’une des organisations les plus radicales, se démarquant par une opposition ferme à tout dialogue. Ils prennent en otage les 227 passagers et les 12 membres de l’équipage. C’est ainsi que débutent 54 heures de huis clos et d’angoisse.
Echec des négociations
La revendication des terroristes est claire : la passerelle doit être retirée et l’avion doit décoller pour Paris. L’appareil se trouve sur le sol algérien, les autorités locales se chargent des négociations. Quelques heures après, des otages sont libérés. Leurs témoignages permettent d’identifier les quatre terroristes. Rapidement, Edouard Balladur, premier ministre, propose l’appui de la France, à travers l’envoi sur place de membres du GIGN. Mais les autorités algériennes s’opposent à toute intervention française sur leur territoire national. Le 25 décembre, les terroristes ont pourtant déjà abattu deux personnes : un police algérien et un ressortissant vietnamien, dont les corps gisent encore sur la passerelle. En France, le gouvernement est déjà sur le pied de guerre depuis plusieurs heures. Une cellule de crise a été mise en place et le premier ministre a envoyé le GIGN à Palma de Majorque, en prévision d’un éventuel assaut. Là-bas, les militaires ont à disposition un Airbus du même type que celui détourné par les membres du GIA. Le premier ministre propose alors au gouvernement algérien d’accueillir l’avion sur le sol français. La proposition est à nouveau rejetée. Les autorités locales décident de faire intervenir la mère du chef du commando. Mais face à la détermination de ce dernier, la manœuvre est un échec.
Arrivée sur le sol français
En début de soirée, c’est un français, Yannick, qui s’adresse à la tour de contrôle depuis le cockpit de l’avion. Il explique que la vie des passagers est désormais sérieusement en danger et que si l’avion ne peut pas décoller à 21h30, les terroristes tueront un troisième otage. A 21h31, Yannick est abattu. Avec l’assassinat d’un français, les choses s’accélèrent. Edouard Balladur annonce qu’il tiendra le gouvernement algérien pour responsable de la mort de ses ressortissants, prenant la communauté internationale en témoin. Le 26 décembre, à 2h20, l’avion décolle vers la France. Mais avant son arrivée, c’est un autre avion qui a atterri à l’aéroport de Marignane : celui en provenance de Palma de Majorque avec, à son bord, les membres du GIGN.
Sur place, le préfet de police de Marseille prend la main sur les négociations, appuyé pas deux négociateurs du GIGN. Les terroristes veulent rejoindre Paris au plus vite. Mais sans kerosène, impossible ! Le prétexte est pris pour maintenir l’avion au sol. Pour le premier ministre, le commando ne quittera pas Marseille. Un assaut sera donné au moment opportun. Le GIGN se met alors discrètement en place. Durant plusieurs heures, ses membres vont observer l’avion et ses occupants afin de construire leur manœuvre.
En milieu d’après-midi, l’avion se dirige vers la tour de contrôle. Les contacts avec les terroristes sont limités. Des coups de feu sont tirés en direction de la tour. Les négociations sont définitivement un échec, une action offensive est décidée. Le GIGN se réorganise, les tireurs d’élite se positionnent pour avoir le cockpit en visuel. À 17h12, le Chef d’escadron (CEN) Denis Favier lance l’assaut.
A l’assaut de l’Airbus
Les militaires pénètrent dans l’appareil par trois entrées. Lors de leur séquence d’observation, ils ont constaté que ces dernières n’étaient ni piégées ni entravées et qu’elles pouvaient s’ouvrir par une manipulation extérieure. « Nous avons choisi d’agir en souplesse. Notre intention était de ne faire usage de l’arme qu’en cas de légitime défense, nous n’avons donc pas fait usage d’explosifs pour pénétrer » déclarait le CEN Denis Favier sur France 2, quelques heures après l’assaut. Les gendarmes qui entrent par la porte avant droite sont immédiatement pris sous les tirs du commando terroriste, réfugié dans le cockpit. « À l’intérieur de l’avion, c’était l’enfer surtout pour l’élément qui a pénétré par la porte avant droite » ajoutait le commandant. Quelques minutes suffisent malheureusement à blesser neuf militaires du GIGN. Les otages sont évacués par l’arrière, tous indemnes. Dans l’espace étroit qu’offre l’avion, les tirs fusent, des grenades explosent. Une quinzaine de minutes après le début de l’assaut, dans le cockpit, le commandant de bord annonce la mort des terroristes. « Arrêtez de tirer, ils sont tous morts. Il reste des français vivants ». À 17h29, l’assaut est terminé.
Reconnaissance de la Nation
Ce 26 décembre 1994, des millions de téléspectateurs ont suivi l’assaut du GIGN. L’opération menée par le Groupe est exceptionnelle. « En quatorze années de GIGN, c’est la première fois que je participe à une opération aussi périlleuse » confiait Thierry P., membre de la colonne d’assaut de la porte avant droite, grièvement blessé. Lors de la première conférence de presse, à 18h30, Edouard Balladur ne manquait pas de saluer l’exploit réalisé. « Je tiens à dire que l’opération s’est déroulée dans des conditions exemplaires de courage et d’efficacité. Je remercie toutes les forces de l’ordre et spécialement le GIGN. L’action de ces hommes est digne d’admiration ». Des propos confirmés le lendemain par le président de la République. Lors de la réception du GIGN à l’Elysée, François Mitterrand exprimait « la gratitude que la nation doit à son armée et particulièrement aux troupes de la gendarmerie et du GIGN qui ont été au cœur de l’action », ajoutant que cette intervention avait été « l’exemple type de ce que peut une troupe d’élite, dès lors qu’elle est formée à cet effet, qu’elle se soumet d’elle-même à une stricte discipline, qu’elle s’oblige à un entraînement de tous les instants ».
Pour autant, malgré la dangerosité et la haute intensité de l’action, les membres du GIGN ne se considéraient pas comme des héros. « Nous ne sommes pas des héros parce que, entraînés, nous avons fait un travail que nous aimons particulièrement. On s’est placé au service du pays pour tenter de régler une situation de crise » exprimait à l’époque le CEN Denis Favier. Une vision partagée par ses hommes, comme le confiait Alain P., membre de la colonne d’assaut : « C’est pour ce genre d’opération qu’on est au GIGN. Quand ça se produit, on fait notre travail, on espère en sortir vivant et que le groupe en ressorte grandi ».
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