La FGE, sécurité et défense communes

  • Par le chef d'escadron Charlotte Desjardins
  • Publié le 15 septembre 2023
Un groupe d'une vingtaine de gendarmes mobiles arborant le bérêt de la FGE, devant eux un officier général de gendarmerie et une femme en civil
© D.R.

Initiée il y a 19 ans, sous l’impulsion de la France, la Force de gendarmerie européenne est un outil de coopération opérationnelle, regroupant les gendarmeries de sept États membres de l’Union européenne. Sa mission : intervenir sur l’ensemble du spectre « paix, crise, guerre ».

La FGE (Force de Gendarmerie Européenne), ou EuroGendFor, regroupe les forces de type « gendarmerie », c’est-à-dire des forces de police à statut militaire, de sept États membres de l’Union européenne (U.E.). Ces sept pays sont la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, les Pays-Bas, la Roumanie, ainsi que la Pologne. Y sont également agrégés un pays partenaire, la Lituanie, et un pays observateur, la Turquie, qui peuvent ainsi se déployer avec les autres unités de la FGE. Outil opérationnel au service de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), son objectif est de participer à la stabilisation des zones de crise.

Créée en 2004, elle est officialisée en 2007, avec la signature du Traité de Velsen. Après une décennie marquée par les conflits en Europe de l’Est, sur les territoires d’États défaillants, elle vient répondre à un besoin opérationnel, celui de compléter l’action militaire sur les théâtres par une mission civile. Maintien de la paix, rétablissement de l’état de droit, missions de police, tel est le champ à investir pour accompagner le retour en sécurité intérieure d’un pays à l’issue d’un conflit.

En parallèle de ce constat européen, en 2000, le rapport Brahimi est publié. Il met en lumière les limites de l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour gérer les crises, et propose des solutions afin d’améliorer l’efficacité des missions de maintien de la paix, en prenant mieux en compte le « security gap». L’une des pistes envisagées est de donner une plus grande place aux « capacités de police », ce que vient offrir la force de gendarmerie européenne.

Une force robuste et structurée

La FGE n’est pas une institution européenne et les mesures prises relèvent des États membres qui y participent. C’est le Comité interministériel de haut niveau (CIMIN) qui prend les décisions politiques et stratégiques de la force. Il fonctionne selon une présidence tournante, actuellement occupée par l’Italie.

La France l’a présidé pour la dernière fois en 2020. Basé à Vicenza, en Italie, l’état-major permanent regroupe trente-huit personnels des sept États membres, dont cinq Français : trois officiers de gendarmerie et deux sous-officiers du corps technique et administratif. L’une des particularités de la FGE est qu’elle ne possède pas de forces permanentes, mais va mobiliser, en fonction des besoins, des experts ou unités constituées.

« Laplus-valuedelaforceseressentauniveauopérationnel : le caractère modulaire de sa posture,danslecadred’unmandatexécutif,luipermet de remplir de simples missions de policeou de répondre à une situation dégradée demaintiendel’ordre;demonterenpuissanceetderedescendretoutaussirapidement.Ellecontribue à véhiculer cette image de robustesseàlamission,toutenaidantlesÉtatsmembresà pouvoir répondre de manière graduelle à une menace», explique le lieutenant-colonel (LCL) Éric Dikoume, en poste à la Représentation permanente de la France à l’U.E jusqu’en mars 2023 (chef d’état-major de la mission européenne en Arménie depuis mars 2023, NDLR). Cette robustesse et cette capacité d’adaptation rendent ces forces de police à statut militaire, dont la gendarmerie nationale française, toutes désignées pour remplir ces missions, civiles ou non.

Des missions spécifiques

La FGE peut être déployée au profit de l’U.E., mais également de l’OTAN, de l’ONU, ou de l’OSCE. « Elleestprojetéedanslecadred’unmandatinternational,quisertdebasejuridique àsondéploiement.Ellenelefaitpasd’elle-même,elledoitavoirl’accorddelamission quil’envoie, précise la colonelle Christine Bouffière, alors affectée au Commandement de la gendarmerie pour les missions extérieures (CGMEx). Depuis sa création, la FGE a ainsi participé à de nombreux théâtres, que ce soit en Bosnie-Herzégovine en 2007, en Afghanistan en 2009, en Haïti en 2010, et bien d’autres. Aujourd’hui, en incluant la mission EULEX Kosovo, 70 gendarmes sont déployés à travers le monde, sur onze missions civiles et militaires. Quatre types de missions sont remplies par la FGE : ruleoflaw(c’est-à-dire « état de droit », comme EULEX Kosovo ou EUPOL Afghanistan) ; conseil stratégique ; border management (gestion des frontières) ; renforcement des capacités (formation, accompagnement, mentoring sur le terrain, comme la mission en Haïti). Concernant ces dernières, le LCL Dikoume expose une particularité : « ellesn’ontpasdemandatexécutif,c’est-à-direqueles personnels déployés ne peuvent pas agir “àlaplacede”,maisvontconseiller,expliquer, former,encadrer.» C’est pourquoi la FGE ne déploie pas d’unité constituée dans ce cadre précis, mais plutôt des experts. En revanche, dans le cadre d’un mandat exécutif, les pouvoirs de la mission sont élargis et permettent l’envoi d’unités constituées. C’est le cas du déploiement au Kosovo, au printemps 2022, où la FGE a été projetée sous mandat de l’U.E.

Une vingtaine de gendarme de la FGE en tenue de maintien de l'ordre, derrière des fourgons blindés, près d'une scène d'explosion
© D.R.

EULEX Kosovo, un exemple concret de déploiement de la FGE

« LamissionEULEXaétécréée parl’U.E. en2008,danslecadredelaPSDC,etdéclenchéeen2009,pouraideràmettreenplaceunétat dedroitauKosovo,aprèssaproclamation d’indépendance. Elle est compétente pour lesquestionsdepolice,dedouane,etdanslesuividesaffairesjudiciairesquiavaientétéinitiées à la suite de la guerre », introduit le LCL Dikoume. À son arrivée, elle prend le relais de la mission d’administration intérimaire des Nations Unies. Le déploiement se fait selon un mandat semi-exécutif : certaines de ses composantes sont exécutives et directement prises en compte par les personnels déployés. Composée de cent cinq policiers polonais, la force de police d’EULEX se voit renforcée en mars 2022, et ce durant quatre mois, par la FGE.

Dans une logique de gradation et d’apaisement, cette dernière apporte un échelon supplémentaire aux forces en présence, permettant d’éviter un recours à la KFOR (Force pour le Kosovo, force multinationale OTAN mandatée par l’ONU), tout en envoyant des personnels militaires.

En 2019, un accord signé entre le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) de l’U.E. et la FGE, engage cette dernière à fournir des moyens en cas de crise entre les communautés serbe et kosovare. La crise « des plaques minéralogiques » entre la Serbie et le Kosovo, à la fin de l’année 2021, induit une sévère dégradation de la situation dans les Balkans. L’accord est alors mis en œuvre, et la FGE vient renforcer la FPU (FormedPoliceUnit) d’EULEX par une Reservedformedpoliceunit(RPFU), composée de 28 gendarmes français (26 gendarmes mobiles et deux gendarmes départementaux) et de 42 gendarmes portugais. Sa mission : maintenir l’ordre, en particulier à la frontière nord entre le Kosovo et la Serbie, dans le cadre des élections d’avril 2022 en Serbie. Le bilan de l’intervention des gendarmes français, et plus largement de la FGE, est extrêmement positif. Ils n’ont pas été employés au maintien de l’ordre, mais leur présence quotidienne dissuasive a été un facteur clé d’apaisement. Pour autant, la situation locale demeure tendue, et à la suite du récent regain de tension, la FGE pourrait continuer de déployer des effectifs sur place. Au-delà du succès de la mission, le renfort de la FGE au sein d’EULEX Kosovo illustre parfaitement ce pourquoi elle a été créée et la plus-value qu’elle apporte sur une zone de crise, à savoir l’expertise et le savoir-faire de sept gendarmeries européennes, pour une force robuste, structurée et adaptable.

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