Sécurité des mobilités : anticiper pour mieux agir
- Par l’aspirante Morgane Jardillier
- Publié le 15 juin 2020
Routes, réseau ferroviaire, voies navigables, espaces maritimes et portuaires, aéroports… la sécurité des mobilités s’applique à toutes les voies de communication, y compris celles liées au numérique. Pour s’adapter à la réalité des flux et les accompagner en toute sécurité, la gendarmerie nationale s’inscrit pleinement dans une dynamique d’anticipation.
Par son maillage territorial, la gendarmerie nationale joue un rôle majeur dans la surveillance et le contrôle des déplacements. Elle doit apporter une réponse stratégique et opérationnelle aux besoins de mobilité des personnes, des biens, des entreprises et des administrations, tout en appréhendant la dimension numérique. « La délinquance, tout comme la population, est devenue mobile, utilisant les moyens et les voies de communication pour se déplacer. La gendarmerie se doit d’être dans une démarche innovante et proactive pour surveiller toutes ces mobilités », explique le colonel Jérôme Bisognin, coordonnateur de la sécurité des mobilités à la DGGN.
Pour ce faire, elle s’appuie en autres sur la Loi d’orientation des mobilités (LOM), publiée le 26 décembre 2019, offrant notamment aux concitoyens des solutions de déplacement adaptées à leurs attentes et aux enjeux sécuritaires et environnementaux.
Accompagner pour sécuriser
Préoccupés par un environnement menaçant, les citoyens souhaitent avant tout des dispositifs concernant la sécurité des réseaux de transports. Ainsi, des services conjoints entre la gendarmerie départementale et la sécurité ferroviaire (d’ores et déjà mis en place en Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France et PACA) vont se généraliser au niveau national. Il en est de même pour les actions menées sur les lignes de bus interurbaines (comme en Île-de-France et à Saint-Étienne, Toulon, Lyon et Bourges). Ces dispositifs poursuivent une mission commune : assurer une présence visible et rassurante, tout en renouant le contact avec les usagers dans cet environnement particulier.
« La sécurité des mobilités, c’est aussi savoir anticiper les nouveaux besoins en matière de protection des populations dans leurs mobilités et les besoins des exploitants de transports pour sécuriser leur service. » La gendarmerie doit donc être en mesure de les accompagner en termes de sécurité et de conseil. « Nous les prenons en compte dans notre planification nationale et en informons les échelons territoriaux de commandement afin de pouvoir apporter, en cas d’événement, une réponse opérationnelle. »
Le Centre national de la sécurité des mobilités (CNSM), créé en 2017, est d’ailleurs devenu, entre autres, un outil de prévention, avec l’intégration d’une analyse de risque, offrant ainsi une aide supplémentaire aux opérations.
Tous ensemble !
En s’appuyant sur ses partenaires, la gendarmerie va continuer de développer les services de sécurisation. « Nous allons les dynamiser et les généraliser afin qu’ils donnent lieu à des actions concrètes et durables. » Depuis 2018, plus de 20 conventions ont déjà été signées entre l’Institution et les différents acteurs de la mobilité. Elles ont notamment permis de développer un dialogue stratégique au niveau central et de conduire des actions opérationnelles en métropole et en outre-mer (échanges d’informations, suivi des transports dans différents domaines, contrôles coordonnés, organisation d’exercices et partage d’expériences).
La sécurité des mobilités implique aussi un engagement de l’ensemble des unités territoriales, mobiles et spécialisées ainsi qu’un investissement quotidien de la part de chaque gendarme, d’active ou de réserve. « Parmi ces derniers, nous avons de véritables experts. Ils nous aident à progresser dans notre réflexion. Actuellement, nous travaillons, par exemple, avec un réserviste citoyen sur la cartographie des risques concernant les futurs taxis robots. »
Se structurer pour se transformer
Pour intégrer cette dynamique de la transformation, la gendarmerie nationale doit faire évoluer ses structures. Ainsi, à l’occasion du séminaire des commandants de région, le 19 décembre 2019, le directeur général a annoncé la création de treize centres régionaux de la sécurité des mobilités (dont sept avec attribution zonale), déclinaisons du CNSM. « Ces centres vont coordonner nos actions en matière de sécurité des mobilités au niveau des régions de gendarmerie. Il est important d’avoir des relais capables de couvrir l’ensemble de leur territoire et de saisir la sensibilité de certains transports. » En s’appuyant sur ces centres, les commandants de région mettront en œuvre les plans gouvernementaux (plan stups, plan pirate de mobilité terrestre, plan de gestion de crise routière) à travers des opérations interdépartementales de contrôle.
Autre mesure : la création de groupes locaux de contrôle des flux. À titre expérimental en région Grand-Est, ces groupes, placés sous l’autorité des escadrons départementaux de sécurité routière, organisent des contrôles sur les grands axes routiers du département.
Leur mission : lutter contre les trafics de toute nature, mener des opérations anti-délinquance, rechercher des malfaiteurs, lutter contre l’immigration irrégulière, participer à la lutte anti-terroriste… « L’objectif est de constater le flagrant délit dans le cadre de la sécurité des mobilités et non de la sécurité routière. »
La stratégie de la donnée
« La sécurité des mobilités s’adresse aux personnes, aux biens et à la donnée. Les mobilités génèrent des données qu’il faut absolument intégrer ! » La sécurité des mobilités contribue d’ailleurs à la stratégie de la donnée, notamment à partir des informations recueillies auprès des observatoires régionaux des transports et des plateformes multimodales. Rattachés aux conseils régionaux, ces observatoires sont des outils de production de statistiques sur la sécurité des transports. « Il est précieux d’intégrer ces données dans notre conception de manœuvre. Cela nous permet d’avoir une cartographie des flux sur le territoire. »
Les données issues des futures plateformes multimodales seront, elles, utilisées par les autorités organisatrices des mobilités pour administrer et recetter toutes ces mobilités. En effet, les acteurs de transports auront vocation à déposer leurs données de manière accessible et réutilisable : horaires théoriques et en temps réel, arrêts, accessibilité aux personnes handicapées, tarifs, caractéristiques des véhicules (classe, présence du Wi-Fi…), éventuelles perturbations, disponibilité, etc. « Ces données permettront d’adapter nos offres de service au terrain. »
Un autre flux de données concerne celles acheminées par des câbles sous-marins, comme le nouveau câble Internet de Google, reliant les États-Unis et la France. « Un certain nombre de données vont ainsi être transportées via ce câble et certaines concourront à la mobilité. Il faut dès à présent l’intégrer afin d’apporter une réponse en termes de sécurité, de prévention et de protection. »
S’adapter aux nouvelles technologies
Aujourd’hui, de nouvelles adversités émergent, susceptibles de porter atteinte aux mobilités. Les cyberattaques, comme celles liées au brouillage du système de positionnement par satellites, sont à prendre sérieusement en compte. À titre d’exemple, si le signal de géolocalisation d’un véhicule connecté vient à être brouillé, le véhicule peut rapidement devenir dangereux. La gendarmerie doit être en mesure de réagir face à ce nouveau type de menace. « Il faut détecter, alerter, intervenir et enquêter lors d’un brouillage, en s’appuyant bien évidemment sur l’agence nationale des fréquences, qui assure la police du spectre des fréquences. »
À ce titre, l’observatoire central des systèmes de transports intelligents a spécialement été créé pour cartographier les risques et les menaces générés par ces véhicules et y apporter des réponses en termes de réglementation, de cybersécurité et d’investigation judiciaire. Le déploiement des drones dans notre quotidien est également à l’étude. « Les commandants de région vont également avoir toute la latitude pour envisager une section drone dans les nouveaux centres régionaux des mobilités, afin de concevoir, déployer et structurer les actions de la gendarmerie en matière de drone, notamment lors de convoi de transports sensibles. »
Et demain ?
La gendarmerie s’inscrit également dans une dynamique d’anticipation, en prenant notamment en compte l’aspect lié au développement durable. L’énergie fait partie des sujets d’avenir de la sécurité des mobilités, par exemple à travers les nouvelles plateformes de réseau énergétique. « Elles ont leurs propres enjeux de sûreté, de protection et d’ordre public, auxquels il faut s’adapter. » La LOM encourage aussi les mobilités douces, comme le vélo, nécessitant là encore une offre de sécurisation. Afin de lutter contre le vol, le recel et la revente illicite de vélos, le projet de loi instaure un fichier national unique des cycles identifiés. Les vélos vendus neufs devront ainsi être marqués dès le 1er janvier 2021 et ceux d’occasion à compter du 1er juillet 2021.
L’anticipation passe également par la préparation aux grands événements, comme la coupe du Monde de rugby en 2023 ou les jeux olympiques de 2024. « Ces grands rendez-vous vont générer des flux d’envergure, avec des enjeux de sûreté sur toutes les voies de communication. Il faudra également prévoir une offre de sécurité sur les espaces d’intermodalité. Le compte à rebours est aussi déjà lancé pour nous ! »
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