De la formation à l'innovation
- Par Antoine Faure
- Publié le 31 mai 2021
Afin de maintenir un haut niveau d’expertise au sein de la gendarmerie nationale, et de demeurer une source d’innovation importante, le PJGN a tissé des liens étroits avec les mondes académique et industriel. Tour d’horizon de ces différents partenariats.
Près d’un million d’ordinateurs désinfectés ! C’est le tour de force réussi par le Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) du PJGN au début de l’année 2019. Les gendarmes avaient été informés, par une société d’antivirus, que des centaines de milliers de machines étaient attaquées par un logiciel malveillant, en Amérique centrale et du Sud. L’analyse de ce logiciel a permis de découvrir une faille, de s’y engouffrer, puis d’assainir à distance l’ensemble du réseau impacté. Une réelle prouesse technique qui demande un haut degré de compétences. « Le PJGN a pour mission de lutter contre le crime par la science, résume le colonel Philippe Davadie, directeur de l’enseignement et de la recherche au PJGN. Pour être meilleurs que les criminels, nous avons besoin d’expertises rares et nous devons toujours être au top niveau. Il faut donc commencer par recruter des personnes qui ont déjà cette expertise dans leur domaine. Mais cela ne suffit pas. Il faut s’entraîner, entretenir et développer nos connaissances. Et cela passe par des partenariats, car la science ne fonctionne pas en vase clos. Il est donc indispensable d’être en contact avec des entreprises, des centres de recherche, des industriels, pour confronter nos points de vue, développer nos connaissances, et au final être plus efficaces. »
Trois diplômes universitaires
Concernant les liens noués avec le monde académique, trois Diplômes universitaires (D.U.) ont été développés en partenariat avec l’université voisine CY Paris Tech de Cergy-Pontoise. Un D.U. Criminalistique, qui s’adresse à tous les publics, civils et militaires, centré sur les techniques destinées à établir une preuve dans une enquête ; un D.U. Analyse de documents, avec deux parcours, « Comparaison d’écriture », ouvert à tous, et « Fraude documentaire »* ; enfin, un D.U. COCrim (Coordinateur des Opérations de CRIMinalistique)*, qui forme des ingénieurs de scènes de crime. « Cela répond à deux besoins de la gendarmerie, estime le colonel Davadie. Former ses personnels et faire connaître ses savoir-faire. Mais ce partenariat s’inscrit aussi dans le cadre d’une ambition plus grande, celle de créer une école nationale de sciences forensiques et de la sécurité, qui constituera le troisième pôle francophone, avec l’Université du Québec à Trois-Rivières et l’École des sciences criminelles de Lausanne, la référence mondiale dans le domaine. C’est un projet porté par CY Paris Tech. Nous apporterons notre savoir-faire pour les cours à partir du niveau Master, comme nous le ferons prochainement à l’Université d’Aix-Marseille, avec trois jours de formation à l’attention des doctorants de l’École doctorale Science et Défense, mais aussi à Lorient, où des gendarmes du PJGN dispenseront des cours dans le cadre d’un Bachelor, proposé par un ancien militaire de la section de recherches de Rennes. » Le Pôle propose aussi des sujets de thèse à des étudiants, dans le cadre de leur parcours doctoral, afin de monter lui-même en compétences. C’est le cas, par exemple, de l’empreinte olfactive, sujet traité par un étudiant à qui a été proposé un contrat d’officier commissionné à l’Institut de recherche criminelle (IRCGN). « Cette thèse a pour ambition de déterminer si à une odeur correspond une seule personne, et réciproquement, détaille l’officier du PJGN. Cela intéresse la gendarmerie bien sûr, mais aussi d’autres institutions, comme des centres de recherche et des industriels. Nous travaillons ainsi en lien avec l’Institut Curie, qui a pour objectif de faire détecter par des chiens l’odeur du cancer du sein. » Une convention a également été passée avec le Centre national de recherche scientifique (CNRS). Dans ce cadre, une liste de domaines dans lesquels les chercheurs pourraient aider la gendarmerie a été fournie au CNRS.
Une source d’innovation
Pour la gendarmerie nationale, le PJGN constitue également une source d’innovation essentielle. Les militaires du Pôle sont incités à proposer des idées destinées à aider les enquêteurs sur le terrain. « Innover aujourd’hui pour mieux protéger demain », selon la formule du général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. Les liens avec le monde de l’industrie sont indispensables pour vérifier si ces idées neuves sont transposables dans le monde réel. « Nous avons des contacts fréquents avec les industriels pour soumettre des projets, mais ce n’est pas nous qui usinons, précise le colonel Philippe Davadie. Nous devons passer par eux pour réaliser un prototype, et éventuellement ensuite pour l’industrialiser. » De nombreux brevets sont ainsi déposés chaque année et font souvent l’objet de transferts de technologie. Parmi les innovations récentes, plusieurs ont été développées dans le domaine génétique. C’est le cas d’un écouvillon d’analyse ADN avec des réactifs chimiques. Utilisé exclusivement sur les personnes décédées, il permet d’obtenir un résultat au bout de quatre heures, au lieu de 24 ou 48 heures habituellement. « C’est un procédé très intéressant pour l’identification des victimes de catastrophe, notamment quand les corps sont polyfragmentés », note le directeur de l’enseignement et de la recherche. Citons également le laboratoire mobile d’analyse ADN, breveté par la gendarmerie nationale en 2016, et utilisé pour la première fois sur le terrain lors de l’attentat de Nice, en juillet de la même année, mais aussi déployé l’an dernier en renfort des hôpitaux pour effectuer les premiers tests COVID-19, ainsi que dans les Alpes-Maritimes après le passage de la tempête Alex.
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