L’IRCGN au service des enquêteurs : l’affaire de la disparue du Jura
- Par Angélina Gagneraud
- Publié le 12 mars 2017

Mi-décembre 2016, dans le Jura, le corps meurtri d’une femme est retrouvé. Son visage est polyfragmenté. Les enquêteurs sollicitent l’IRCGN pour réaliser une reconstitution faciale
« La dépouille de cette jeune femme a été retrouvée le 15 décembre dans un bois, dénudée, portant de nombreuses traces de perforations. Pas moins de 26 coups de couteau ont été relevés sur son corps. Mais surtout, son visage était très tuméfié », se souvient l’adjudant-chef Dominique Hennequin, de la Section de recherches (S.R.) de Besançon et Directeur d’enquête (D.E.) sur ce dossier. Rien au Fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) ni au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) et aucun signalement de disparition inquiétante. « Sans autre indice, nous avions impérativement besoin de son visage pour l’identifier. » L’IRCGN entre alors en scène…
Un visage à reconstituer
« Nous avions deux solutions : reconstruire physiquement le puzzle des os de son crâne brisé ou le faire virtuellement, à partir des scanners réalisés lors de l’autopsie. La deuxième option s’est imposée à nous, notamment grâce au concours du capitaine de réserve Pierre Guyomarc’h, anthropologue forensique, dont l’IRCGN suit les recherches depuis de nombreuses années », explique le chef du département anthropologie hématomorphologie, le lieutenant Anne Coulombeix.
En effet, l’officier de réserve a réalisé, en 2011, sa thèse de doctorat sur le sujet : « Reconstitution faciale par imagerie 3D : variabilité morphométrique et mise en œuvre informatique. » Il y a développé une méthode novatrice, s’appuyant au départ sur des logiciels existant.
« Le scanner mesure les différences de densité entre les tissus (1), ce qui m’a permis d’utiliser un logiciel libre qui modélise le crâne en trois dimensions (2). Je n’ai eu qu’à assembler les morceaux, souligne, avec simplicité, le chercheur. Par la suite, j’ai placé 78 points sur l’image 3D pour définir la morphologie du crâne. L’application, que nous avons créée avec une équipe d’ingénieurs et d’informaticiens de l’université de Bordeaux, estime ensuite la forme du visage et la place de chaque organe comme le nez, les oreilles, les yeux, selon leurs taille et forme estimées. »
Un troisième logiciel (3) modélise, quant à lui, une texture arbitraire, c’est-à-dire un habillage (peau, sourcils, etc.) Celle-ci est « appliquée » virtuellement sur le visage reconstitué par le logiciel de reconstitution morphologique.
« L’assemblage des deux permet de donner une idée du visage de l’individu. Toutefois, cette méthode demeure scientifique et non artistique. L’idée n’est pas de produire une jolie image car elle pourrait induire en erreur et empêcher une identification formelle. Mon travail est de coller aux formes les plus proches du visage réel, afin de provoquer une reconnaissance. Si une personne connaît la jeune femme, neurologiquement, la forme et l’emplacement des organes de son visage devraient suffire à ce qu’elle l’identifie. »
Une identité à retrouver
L’image ainsi réalisée de cette jeune femme a ensuite été communiquée par le procureur de la République du TGI de Lons-le-Saunier au cours d’une conférence de presse. Peu après les fêtes de Noël, un appel à témoins a été lancé sur les réseaux sociaux de la gendarmerie nationale (Facebook et Twitter) et fortement relayé, tant par la presse nationale et régionale que par les internautes. La large diffusion d’un numéro vert, spécialement activé au Corg de Lons-le-Saunier, a donné lieu à près de 160 appels, que les six militaires de la cellule d’enquête dédiée se sont employés à vérifier les uns après les autres.
« Il s’agit là d’un outil précieux pour récolter des témoignages, mais nos investigations ne s’arrêtent pas là, poursuit le D.E.Nous avons demandé au département médecine légale et odontologie de l’IRCGN d’affiner l’âge potentiel de la victime. Ils ont également pu travailler à partir des scanners, malgré une mâchoire fracassée. De plus, les techniciens en identification criminelle du groupement du Jura ont réalisé un zonal taping sur le corps de la jeune femme. C’est-à-dire qu’ils ont placé des bandes adhésives sur toutes les parties de la peau, ce qui leur a permis de retrouver des éléments pileux, d’origine humaine et animale, ainsi que des fibres.Le tout a été envoyé au département microanalyses de l’IRCGN. »
Les analyses sont en cours et permettront très probablement d’orienter les enquêteurs. Tout est mis en œuvre pour retrouver le nom et la famille de cette inconnue. « Pour moi, en trente ans de métier, c’est la première fois qu’un corps récent n’est pas identifié au cours de la première semaine d’enquête. Toutes les possibilités sont encore ouvertes », confie le D.E.
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