60 bougies pour la plongée en gendarmerie

  • Par Antoine Faure
  • Publié le 22 septembre 2022

Ce jeudi 22 septembre s’est tenue au Centre national d'instruction nautique de la gendarmerie (CNING), à Antibes, une cérémonie militaire marquant conjointement les 60 ans de la plongée en gendarmerie et la prise de commandement du nouveau commandant du centre, le chef d’escadron David Veyrunes. L’occasion de jeter un coup d’œil en arrière, à travers le masque, sur ces six décennies.

Quand on pense à un gendarme, on imagine rarement un homme grenouille, tout de néoprène vêtu et aux pieds palmés. Or, ils sont aujourd’hui 180 militaires, dont une trentaine en outre-mer, à plonger au sein des unités côtières et fluviales (on en compte au moins deux par zone de défense), mais aussi du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale. Les décisions de mettre ainsi à l’eau des gendarmes, puis de les transformer au fil du temps en véritables enquêteurs subaquatiques, ont été prises à la suite de divers événements, hélas dramatiques.

Le premier s’est déroulé en 1957, dans la baie du Mont-Saint-Michel. Bloquées par la marée montante, neuf personnes se retrouvent isolées sur un banc de sable vers le rocher de Tombelaine. Le commandant de la première formation aérienne de gendarmerie en Bretagne, le lieutenant Pierre Rossignol, et le mécanicien survolent la zone à bord de l’hélicoptère Bell 47G, et tentent une première opération de sauvetage avec une bouée suspendue à leur « Libellule ». Mais trop de personnes tentent de s’accrocher, mettant en danger l’appareil. Le lieutenant change alors de stratégie, décide de larguer la bouée, et revient sur zone avec de nombreux objets flottants : bouées, chambres à air et même des matelas pneumatiques. La manœuvre permettra de sauver quatre personnes, mais les cinq autres périront d’hypothermie. Le gendarme en est alors persuadé : la présence de plongeurs aurait pu permettre de sauver ces victimes.

Trente-deux pionniers sur l’île de Bendor

Un peu plus de deux ans plus tard, le 2 décembre 1959, la rupture du barrage de Malpasset en amont de Fréjus, dans le Var, entraîne le déversement de 50 millions de m³ d’eau dans la vallée du Reyran. L’accident fait 423 morts et disparus et provoque un fort émoi dans l’opinion. Les pouvoirs publics prennent alors conscience de la nécessité de renforcer les moyens de secours, notamment dans le cadre du plan ORSEC, créé en 1952. Le lieutenant Rossignol se voit confier par la Direction générale de la gendarmerie nationale la mission d’organiser les premières formations de plongeurs autonomes de la gendarmerie.

Le premier stage se déroule du 8 au 29 avril 1961 sur l’île de Bendor, face à la commune de Bandol dans le département du Var. Trente-deux gendarmes composent cette première promotion, baptisée Colas des Francs, du nom du premier directeur de l’entreprise Spirotechnique, créée par le groupe Air Liquide afin de produire et de commercialiser les détendeurs brevetés par Jacques-Yves Cousteau et Émile Gagnan. « À l’origine, ces gendarmes étaient uniquement engagés sur des missions d’assistance et de secours dans le cadre de la sécurité des activités nautiques », explique le capitaine (CNE) Julien Delobel qui, après cinq ans comme sous-officier en brigade territoriale, est devenu plongeur de la gendarmerie en 2005, avec pour première affectation la brigade fluviale de Conflans Sainte-Honorine, avant de devenir, en 2019, commandant adjoint du Centre national d'instruction nautique de la gendarmerie (CNING), où se déroulent les formations des plongeurs depuis 1965.

 

La naissance des TIS

À partir du jeudi 30 juillet 1998, la plongée en gendarmerie va prendre une autre dimension. Ce jour-là, le paquebot Norway a jeté l’ancre dans la baie de Quiberon. Plusieurs avions de tourisme survolent ce géant des mers, pour le plaisir des yeux. Le commandant d’un Beechcraft 1 900 D de la  compagnie Proteus Airlines, qui assure la liaison Lyon-Lorient, demande même l’autorisation de modifier son plan de vol pour survoler le paquebot. À 13 h 58, l’avion de ligne percute un Cessna 177 en provenance de Vannes. Les deux appareils tombent à pic dans l’océan. L’accident fait quinze morts.

Dépêchée sur place pour quatre jours, une unité d’identification de victimes de l’Institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale (IRCGN), qui existe depuis 1987, collabore avec les deux plongeurs de la brigade territoriale de Quiberon, renforcés par des plongeurs de la zone Ouest, chargés de remonter les corps pris dans les débris. L’idée de transposer en milieu sous-marin les principes de gestion d’une scène de crime terrestre est peut-être née ce jour-là. « Les gendarmes savaient plonger, avec toutes les compétences techniques requises, mais il fallait encore franchir un cap pour pouvoir mener des investigations subaquatiques », résume le CNE Delobel.

Fruit d’un partenariat entre l’IRCGN et le CNING, le premier stage TIS (Technicien en investigation subaquatique) a eu lieu en mai 2001. Les plongeurs de la gendarmerie accédaient à l’époque au niveau de compétences des TICP (Technicien en identification criminelle de proximité), avant de monter en gamme, à partir de 2016, pour devenir l’équivalent des TIC. « La plongée devient alors un vecteur parmi d’autres pour pouvoir traiter une scène de crime dans son intégralité, confirme l’officier du CNING. Les TIS sont des vrais TIC subaquatiques, intégrés à la chaîne criminalistique, avec des protocoles adaptés au milieu subaquatique et validés par l’IRCGN. »

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© GND R. Claudon

Investigation et intervention

Les officiers et sous-officiers de gendarmerie volontaires en vue d'être affectés dans une unité à compétence subaquatique doivent avoir moins de 35 ans, être aptes médicalement, passer des pré-tests en région, puis des tests nationaux au CNING. Il s’agit essentiellement de tests de natation très poussés. Aucun niveau de plongée requis, même s’il est vivement conseillé d’avoir une bonne expérience dans ce domaine. Puis ils suivent le stage Plongeur de bord (PLB) à l’école de plongée de la Marine nationale (ECOPLONG) de Saint-Mandrier pour valider le diplôme d’ES (Enquêteur Subaquatique). « Tous les plongeurs de la gendarmerie ont ensuite l’obligation de passer la qualification TIS, à l’issue d’un stage de six semaines, dans les deux à trois ans qui suivent leur première affectation, ajoute le capitaine Delobel. Et ils doivent retourner à Antibes tous les deux ans pour une semaine de recyclage comprenant une requalification technique, professionnelle et matérielle. »

Autre unité de la gendarmerie à compter des hommes grenouilles dans ses effectifs : le GIGN, au sein de sa Force Intervention (F.I.). Les plongeurs du GIGN suivent une première formation de cinq semaines au CNING, en circuit ouvert (où l’oxygène inhalé est aussitôt relâché vers l'extérieur), puis une formation spécialisée de cinq semaines à ECOPLONG, durant laquelle les instructeurs nageurs de combat entraînent les stagiaires à travailler avec un appareil à circuit fermé, qui consiste à respirer de l'oxygène pur, recyclé après expiration, ce qui permet de ne pas relâcher la moindre bulle d’air.

Qu’il s’agisse d’intervention ou d’investigation, la plongée tient donc une place de plus en plus grande au sein de la gendarmerie. Les plongeurs sont régulièrement engagés pour mener des investigations au profit des unités de terrain et de recherches de la gendarmerie, mais sont également sollicités par les commissariats de la police nationale, voire directement par les parquets lors des accidents en mer ou sur les voies navigables intérieures.

La plongée en gendarmerie a aujourd’hui officiellement 60 ans, mais l’âge du départ à la retraite n’a pas encore sonné, loin s’en faut !
 

 

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