Des gendarmes d'Ille-et-Vilaine formés à la méthode Calliope pour mieux recueillir la parole des enfants
- Par la capitaine Sophie Bernard avec le CabCom Bretagne
- Publié le 24 février 2021
Si l'audition est tout un art pour les enquêteurs, c'est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit de recueillir la parole de mineurs victimes. En Ille-et-Vilaine, l'association Alexis Danan de Bretagne forme certains professionnels, dont les gendarmes, à une méthode venue du Québec baptisée « Calliope ».
Dans le spectre des violences intra-familiales qui pèse encore aujourd'hui en France, un sujet jusqu'ici tabou a émergé ces dernières semaines : l'inceste. Selon le sondage mené par l'association Face à l'inceste, une personne sur dix en aurait été victime dans notre pays. Un constat accablant, qui pose à nouveau la question de la méthode pour recueillir la parole des enfants. Encore aujourd'hui, beaucoup de procédures n’aboutissent pas, faute d'avoir pu collecter suffisamment d'éléments probants au cours des auditions, mais aussi compte tenu du peu de valeur accordée à celles-ci parfois. Comment savoir si l'enfant dit vrai ou s'il a été influencé par un tiers ? Comment savoir s'il comprend la gravité de la situation et les termes employés ?
Les voix s'élèvent du Québec à la Bretagne
Spécialisée dans la protection de l’enfance et présidée par Mme Laurence Brunet-Jambu, l'association Alexis Danan de Bretagne se bat depuis plusieurs années pour faire reconnaître en France la méthode québécoise « Calliope », du nom de la muse à la belle voix dans la mythologie grecque.
Après une étude scientifique menée durant un an et demi au Québec, sur un échantillon d'individus, cela fait maintenant 15 ans que l'outil est utilisé Outre-Atlantique, donnant lieu à d'excellents résultats. À tel point qu'une femme, dont la nièce avait été victime de viols répétés, a décidé de l'importer en France. Cette méthode a pour objectif d’aider l'enfant, victime ou témoin, à développer certaines compétences pour se libérer et verbaliser. Il pourra ainsi témoigner plus facilement auprès des différents acteurs qu'il rencontrera tout au long de son parcours judiciaire (enquêteurs, médecins, avocats, experts, juges, etc.).
Formidable outil pour les professionnels de la protection de l'enfance, les responsables de cette association ont décidé de convier ces acteurs locaux à un webinaire de présentation, le 22 janvier dernier. Les gendarmes de la Maison de confiance et de protection des familles (MCPF) du Groupement de gendarmerie départementale d'Ille-et-Vilaine (GGD 35) ont ainsi pu découvrir la méthode par le biais de la psychologue Emmanuelle Vinayagasoundirame.
Une expérience enrichissante
La maréchale des logis-cheffe Cécile, pour sa part, y avait déjà été sensibilisée lors d'un voyage au Québec, en décembre 2019. « L'association est un partenaire de longue date, qui nous convie régulièrement à des colloques. Il y a deux ans, des intervenants du Québec ont invité certains professionnels à venir découvrir leur méthode de travail durant une semaine sur place. »
Un outil d'accompagnement développé pour libérer la parole de l'enfant, mais aussi parfois de l'adulte victime. « Là-bas, j'ai pu observer la prise en charge d'un mineur àla fondation Marie Vincent. Une fois la méthode acquise, il avait les mécanismes pour s'adresser aux différents interlocuteurs qui gravitaient autour de lui, sans qu'il soit ballotté d'un lieu à un autre. J'ai aussi assisté au témoignage d'une femme qui, grâce au travail effectué en amont, a réussi à s'exprimer en restant très digne, que ce soit devant les intervenants sociaux, les psychologues, ou le procureur de la Couronne lors du procès. »
Une mise en confiance de la victime
Riche de cette expérience, Cécile s'est mise à employer la méthode dès son retour en France. « En accord avec le magistrat, je mène un ou plusieurs entretiens en amont de l'audition, en me présentant en civil au domicile du mineur. Il s'agit avant tout de le mettre en confiance, en annulant l'autorité naturelle de l'adulte et en lui expliquant que, cette fois-ci, c'est à lui de m'apprendre. Pour l'aider à surmonter ses blocages, nous allons instaurer les règles de la discussion, puis évoquer divers sujets, tout autres que l'affaire elle-même. »
Contrairement à l'audition Mélanie, ce sont des pré-auditions. Mais là aussi, chaque mot est pesé et chaque question réfléchie. « Il ne faut employer aucune question directive ou fermée. Il s'agit avant tout de rendre l'enfant suffisamment solide et compétent pour échanger ensuite avec les différents interlocuteurs. Ainsi, il ne sera pas déstabilisé et cela évitera toute phrase subjective ou souvenir faussé. » Dès le premier entretien, le mineur a le numéro de portable de la gendarme pour la prévenir lorsqu'il se sentira prêt à être auditionné sur les faits. Si certains camarades de Cécile étaient dubitatifs au départ, ils ont tous été sidérés du résultat. « On parvient à obtenir ensuite naturellement une multitude de détails durant l'audition ! »
Un succès grandissant
Face à ce succès, l'association a pour objectif de former, au cours des prochains mois, une centaine de professionnels du ressort de la cour d’appel de Rennes. Une première formation a été délivrée les 20 et 21 février aux référents « mineurs » du GGD 35 (deux militaires de la MCPF et deux référents par compagnie). Dispensée par une psychologue sociale et une éducatrice spécialisée dans la formation, toutes deux membres de l’association Alexis Danan, cette session d’une durée de 16 heures s’est déroulée sur deux journées, dans une ambiance à la fois studieuse et conviviale.
Rappelons que cette expérimentation est une première en France et que les militaires de la MCPF d’Ille-et-Vilaine sont des précurseurs dans ce domaine. Au vu de l’enthousiasme des participants et des résultats déjà obtenus, nul doute que cette méthode « Calliope » sera utilisée par d’autres MCPF à court ou moyen terme.
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