Haute-Garonne : les gendarmes pleinement mobilisés dans la lutte contre les violences intrafamiliales
- Par la capitaine Marine Rabasté
- Publié le 10 septembre 2020
Un an après le lancement du Grenelle contre les violences conjugales, la gendarmerie poursuit son action et reste fortement engagée dans cette lutte. S’inscrivant dans la droite ligne de cette politique, le groupement de gendarmerie départementale de Haute-Garonne a mis en place des dispositifs innovants, visant à faciliter l’accès à la justice et la parole des victimes.
Le 3 septembre 2019 marquait le lancement du Grenelle contre les violences conjugales, mettant ainsi sur le devant de la scène un véritable fléau de société. Face à l’accroissement du nombre de victimes, plusieurs acteurs se sont réunis dans le but de trouver des solutions pour y faire face. Depuis, le nombre de mesures mises en œuvre n’a cessé de croître, mais les Violences intrafamiliales (VIF) demeurent une réalité. Si la parole tend à se libérer, le silence reste, malheureusement, encore la tendance dominante. Peur de représailles, honte, volonté de ne pas détruire sa cellule familiale… Les raisons sont nombreuses.
Forte de ce constat, la gendarmerie a intensifié sa lutte contre les VIF en déployant des dispositifs innovants et adaptés, afin d’encourager les victimes à dénoncer leur situation. Dans ce cadre, le groupement de gendarmerie départementale de Haute-Garonne a mis en place plusieurs initiatives, tels que le réseau de commerçants de proximité et la Cellule de lutte contre les violences conjugales (CelViC).
La force d’un réseau de commerçants de proximité
Face aux freins, matériels ou psychologiques, rencontrés par certaines victimes pour se déplacer jusqu’à une brigade de gendarmerie, le signalement des violences au sein des pharmacies est désormais possible depuis le premier trimestre 2020. Les 22 000 établissements sont ainsi devenus des lieux d’alerte au sein desquels les victimes de VIF peuvent demander de faire appel aux forces de l’ordre ou recevoir discrètement toute information utile à la gestion de leur situation.
Toutefois, ayant observé que la majorité de la population ne se rendait pas quotidiennement à la pharmacie et que les prétextes pouvaient donc s’avérer difficiles à trouver, le groupement de gendarmerie de Haute-Garonne a souhaité développer un dispositif élargi à tous les commerçants. Après analyse des faits de VIF, un secteur particulièrement touché par cette délinquance a été identifié pour expérimenter la mise en œuvre d’un réseau de commerçants de proximité. Sa création a pour objectif de faciliter le dépôt de plaintes des conjoints mais également des enfants. Afin de rendre la mesure pleinement efficiente, les commerçants adhérant au réseau ont bénéficié d’une sensibilisation par des partenaires locaux, notamment concernant la détection des signaux faibles. Enfin, pour rendre le dispositif identifiable, un logo et un QR Code, apposés sur les vitrines des commerces, permettent d’identifier ceux qui participent à l’opération.
S’inscrivant pleinement dans la démarche de l’opération #RépondrePrésent, la mise en place du réseau de commerçants de proximité présente l’avantage de ne pas être contraignante pour les commerçants, facilitant ainsi leur adhésion au dispositif et permettant un large maillage de points d’alerte sur le territoire. Depuis le 1er mai dernier, le dispositif a d’ailleurs rencontré un vif succès. Il a d’ores et déjà été élargi à certaines communes de l’agglomération toulousaine implantées en zone gendarmerie, portant le nombre de commerces adhérents à 170, auxquels s’ajoutent 100 bureaux de poste du département.
La Cellule de lutte contre les violences conjugales
Depuis plusieurs années, les violences conjugales font l’objet d’une attention toute particulière en gendarmerie, pour laquelle elles constituent un véritable enjeu. Cependant, malgré les chiffres alarmants, encore peu de victimes franchissent les portes des brigades pour déposer plainte. Depuis le 6 janvier 2020, la CelViC, composée de six militaires détachés et sensibilisés à cette problématique, œuvre pour le traitement de ces enquêtes, sur l’ensemble de la compagnie de Toulouse-Mirail.
Accessible à tous, elle dispose de ses propres locaux à Villeneuve-Tolosane et est joignable grâce à un numéro de téléphone, diffusé dans les médias, ou par l’intermédiaire d’une unité territoriale. La CelViC se veut à l’écoute des victimes, en les accompagnant du début à la fin de leurs démarches. Tout est mis en œuvre pour les mettre en confiance, qu’il s’agisse de la latitude laissée dans le choix du lieu de dépôt de plainte ou de la prise en compte éventuelle des enfants le temps de la déclaration, grâce à l’implantation d’une salle Mélanie au sein des locaux. Cette dernière est également utilisée pour les auditions de mineurs victimes de violences car, si la cellule n’a pas vocation à les traiter, elle peut en revanche s’en saisir lorsque celles-ci interviennent dans le cadre des violences conjugales dénoncées. Cette souplesse est fondamentale afin d’encourager les victimes à engager des démarches et, surtout, à aller jusqu’au bout.
Enquêteur et protecteur
Mais dans le traitement des violences conjugales, le gendarme n’est pas seulement un enquêteur. Il est également un protecteur, sur lequel la victime compte et, parfois même, se repose. Cela nécessite donc une approche particulière, différente de celle que peut avoir l’enquêteur dans d’autres affaires. Pour répondre à cette exigence, les militaires de la CelViC ont été sensibilisés par les partenaires locaux, tels que France Victime 31, l’Association d’aide aux victimes et de médiation, ou encore l’Association Vivre autrement ses Conflits. En complément, des psychologues ont également proposé de collaborer, renforçant encore la portée de la cellule et sa spécialisation.
Le dispositif se voulant complet, la CelViC continue, même après la réponse pénale, de prendre en charge la victime de VIF. Ainsi, en lien avec la Brigade de prévention de la délinquance juvénile du département de Haute-Garonne, les militaires de la cellule l’orientent vers les structures adaptées et s’assurent régulièrement de l’avancée de sa situation. Ce suivi est primordial, car une victime laissée seule à l’issue de son dépôt de plainte risque d’abandonner sa démarche, voire de retourner au sein de son foyer.
244 dossiers en huit mois d’existence
Après huit mois, la nécessité de la CelViC a, malheureusement, été largement prouvée, puisque 244 dossiers ont déjà été traités. Rien qu’en juillet 2020, la compagnie de Toulouse-Mirail a enregistré une hausse de 90 % des faits par rapport à la même période l’an passé. Si le constat depuis plusieurs mois est une libération de la parole chez les victimes, cela n’explique pas tout, et force est de constater que les violences sont encore bien présentes dans la sphère familiale. Parce qu’elles demeurent difficilement décelables, car se produisant dans l’intimité familiale, les enquêteurs de la CelViC sont également sensibilisés à la détection des signaux faibles et ne se limitent pas aux saisines par dépôt de plainte. Nombreuses sont les interventions concernant des différends familiaux qui ne donnent pas suite à un dépôt de plainte, soit parce que la victime revient sur ses déclarations à l’arrivée des gendarmes, soit parce qu’elle ne se présente jamais à l’unité, regrettant son appel. Pour éviter ces situations, les enquêteurs de la CelViC reprennent systématiquement attache avec l’appelant. Cette nouvelle prise de contact, quelques heures après l’intervention, dans une ambiance différente et avec le recul, permet bien souvent d’encourager la victime à poursuivre son action.
Une priorité pour l’ensemble de la gendarmerie
En 2018, plus de 210 000 personnes ont été victimes de violences conjugales, et presque 150 sont décédées sous les coups de leur conjoint. Malgré la gravité de la situation, ces violences restent malheureusement trop peu dénoncées, puisque seules 18 % des victimes déclarent avoir déposé plainte. Depuis septembre 2019, la lutte contre les violences conjugales s’est néanmoins accélérée. De nombreuses mesures ont été prises, au niveau national comme local, et le partenariat entre les instances institutionnelles et le tissu associatif s’est renforcé, afin d’assurer un meilleur accompagnement des victimes. C’est dans cette lignée qu’a souhaité s’inscrire le groupement de gendarmerie de Haute-Garonne.
D’une manière générale, la gendarmerie s'attache à améliorer l'accueil des victimes de VIF en enrichissant ses formations initiales et continues. Partant du postulat que chaque gendarme peut être confronté à cette problématique, en intervention ou à l’accueil d’une brigade, tous doivent y être sensibilisés car, s’ils n’interviennent parfois qu’en première phase, leur prise en charge de la victime constitue le premier contact avec les services de gendarmerie. Elle est donc déterminante pour la suite.
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