L’Hôtel national des Invalides fidèle à sa mission première d’accueil des vétérans

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 18 janvier 2025
Sous l'arche de l'Arc de Triomphe, un général au garde-à-vous, avec à droite de l'image trois militaires âgés en fauteuil roulant, une capeline anthracite ou bleu foncé sur les épaules, casquette d'uniforme sur la tête, et une couverture grise sur les genoux affichant en broderie dorée le dôme des Invalides. L'homme du milieu tient le drapeau français entre ses genoux. Derrière eux et à droite de l'image, d'autres personnes, civiles et militaires, sont debout.
© INI

Lieu unique et polyvalent dédié à la prise en charge des militaires gravement blessés, l’Institution nationale des Invalides abrite trois pôles : un centre d'hébergement pour pensionnaires, un centre de rééducation post-traumatique et un centre de recherche sur l'appareillage du handicap. En constante adaptation aux blessures évolutives issues des conflits, de la guerre de Louis XIV aux traumatismes psychiques contemporains, l’établissement met l'accent sur la préservation d'un savoir-faire unique ainsi que sur son rôle dans la réinsertion sociale et professionnelle des blessés. S’engager comme infirmier ou aide-soignant aux Invalides est donc porteur de sens.

Depuis plus de 350 ans, l’Hôtel national des Invalides trône majestueusement au cœur de Paris, sur la rive gauche de la Seine. Qui ne connaît pas la célèbre coupole dorée à la feuille et surmontée d’un lanternon, qui domine Paris du haut de ses 107 mètres ? Témoin de l’histoire militaire de la France, le site, affecté au ministère des Armées, héberge trois musées : celui de l'Armée, celui des Plans-Reliefs et celui de l'Ordre de la Libération, ainsi que deux églises : l'église du Dôme, qui abrite le tombeau de Napoléon Ier et les sépultures de militaires célèbres, et l'église Saint-Louis des Invalides. Pour beaucoup d’ailleurs, ce vaste ensemble architectural, bien que considéré comme un trésor du patrimoine, se réduit à un lieu de mémoire accueillant des cérémonies militaires et des offices religieux.

Ce que l’on sait moins en effet, c’est que l’Hôtel national des Invalides est aujourd’hui encore un lieu de vie, dont la vocation s’ancre dans les origines mêmes de la création de l’édifice au XVIIsiècle. Lorsque l’Institution ouvre ses portes, en 1674, sous l’impulsion du roi Louis XIV, c’est en effet pour accueillir les vétérans des guerres, au sein d’une cité regroupant hospice, caserne, couvent et hôpital… « Louis XIV a voulu un édifice grandiose, d’une part parce qu’il en allait du rayonnement de la France, mais surtout pour bâtir un lieu magnifique pour des gens qui le méritent. C'était le premier geste social de l'État envers ses blessés, et c'est ce qui, à mon sens, donne à l'Hôtel des Invalides sa vraie grandeur et sa noblesse », présente le Général de corps d’armée (GCA) Christophe de Saint Chamas, 45gouverneur des Invalides.

Fidèle à cet héritage, l’édifice, par l'intermédiaire de l'Institution nationale des Invalides (INI), poursuit ces mêmes missions avec abnégation et détermination. « Aujourd'hui, les pensionnaires sont sous la protection du chef de l'État et mon rôle de gouverneur est de leur exprimer, au quotidien, la gratitude du chef de l'État, la fierté des armées et la reconnaissance de toute la Nation », insiste-t-il.

Le centre des pensionnaires, héritier de la mission première d’accueil des vétérans

Aujourd’hui installée dans ce qui fut par le passé l’infirmerie, l’INI est divisée en trois centres distincts : le centre des pensionnaires, le Centre de rééducation post-traumatique (CRPT) et le Centre d'étude et de recherche sur l'appareillage de handicap (CERAH).

Quatre personnes sont assises ou allongées sur des tables de kinésithérapie vertes ou violettes. A leur côté se trouve un personnel soignant vêtu de blanc ou de blanc et bleu. Au fond, un homme travaille avec un soignant sur un espalier en bois.
© INI

Héritier de la mission première du site, le centre des pensionnaires dispose d’une capacité de 80 lits, dont 65 sont actuellement occupés. « Le secret le mieux gardé du ministère des Armées, c'est qu'aux Invalides, il y a des invalides », confie, dans un sourire, le gouverneur des Invalides. Nous accueillons des ressortissants de la Seconde Guerre mondiale, blessés au combat ou au cours des bombardements. Il ne s'agit pas seulement de militaires, mais de victimes de la guerre au sens large : des femmes, des enfants, etc. Nous recevons également des blessés des guerres d’Indochine et d’Algérie, ainsi que des soldats blessés pendant leur service militaire et lors des différentes opérations extérieures. »
L’admission des pensionnaires se fait selon plusieurs critères, combinant handicap, dépendance et vieillissement. La pensionnaire la plus âgée, blessée pendant la Seconde Guerre mondiale alors qu’elle avait 18 ans, est aujourd’hui dans sa 103ᵉ année. Le plus jeune, blessé en Afghanistan par une balle dans la tête, n’a lui que 35 ans. « Ces blessés souffrent de traumatismes physiques ou psychiques lourds, parfois les deux. Nous les accompagnons jusqu’à la fin de leur vie. Nous accueillons également, dans des conditions dérogatoires, des serviteurs de l’État méritants, qui sont hébergés à titre onéreux, de manière transitoire et passagère, même si cela peut s’inscrire dans la durée », précise le GCA de Saint Chamas, dont le rôle, en tant que Gouverneur, est d’être aux côtés des pensionnaires au quotidien. Si le médecin-chef qui dirige l’INI est en charge du volet organique, du budget, des ressources humaines et du volet médical, le mien est davantage centré sur l'accompagnement, l'humain et la fraternité d'armes. Je suis à la fois leur papa, leur frère d'armes, leur ambassadeur, leur défenseur, leur aidant et leur écoutant. Je les accompagne jusqu’au bout, veillant au respect de leurs dernières volontés. »

Le centre des pensionnaires est ainsi un véritable lieu de vie, rythmé par les multiples animations organisées chaque jour par la cellule animation, avec le soutien du Cercle sportif de l’INI et de nombreuses associations. « Si le personnel soignant entoure nos pensionnaires pour les soins, toutes les activités extérieures, les sorties et les loisirs sont pris en charge par des bénévoles de la Croix-Rouge, de l'ordre de Malte, de l'ordre de Saint-Jean, des visiteurs en milieu hospitalier, de l'Hospitalité Notre-Dame des Armées, etc. Nous avons également un jumelage avec l’École de guerre ou encore avec le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale. Ces visites sont une présence précieuse pour les pensionnaires, précise le gouverneur des Invalides. Une activité différente est proposée tous les jours. Nous fêtons également chaque mois les anniversaires de nos pensionnaires. Tout est fait pour qu'ils se sentent comme chez eux jusqu’à la fin de leur vie. »

Certains pensionnaires vont ainsi passer le reste de leur vie au sein du centre, tandis que d’autres y viennent ou y reviennent le temps d’un court séjour, permettant d’assurer un suivi ou des soins médicaux, ou encore de gérer certains problèmes d’ordre financier (révision de la pension), techniques (réglages de prothèse ou de fauteuil), ou médicaux, tout en offrant une bulle de répit à leurs aidants.

Répondre aux défis actuels

L’Hôtel des Invalides abrite également le Centre de rééducation post-traumatique (CRPT). Tout au long de son histoire, cette structure hospitalière a su préserver et développer un savoir-faire très particulier, lui permettant de prendre en compte l’ensemble du spectre des blessures de guerre. L'histoire de l’INI est ainsi une adaptation à l'évolution des conflits, chacun d'entre eux ayant sa signature en termes de blessures. En 1919, 400 000 « gueules cassées » ont ainsi dû être prises en charge. Dans les années 50, les blessés médullaires, principalement tétraplégiques, se sont multipliés chez les vétérans. Puis, avec le conflit afghan et, plus largement, les guerres au Moyen-Orient, est apparue la problématique des amputés multiples. « Aujourd’hui, nous avons de solides arguments pour dire que la blessure psychique est la signature des conflits modernes. Un phénomène dont nous ne pouvons pas mesurer l’ampleur puisqu’on ne sait pas à quel moment ces blessés deviendront symptomatiques. Nous ne savons pas non plus quel est le meilleur moyen de les soigner ou tout simplement de les adapter à leur blessure, explique le médecin-chef Sylvain Ausset, directeur de l’INI. Nous sommes le seul endroit à assurer la rééducation initiale et la réadaptation des blessés les plus graves et de toutes natures. Nous pouvons nous fixer pour eux des objectifs très ambitieux, comme leur permettre de retrouver leur place et leur métier au sein de leur institution. Mais il arrive parfois qu'il faille se satisfaire d'au moins leur permettre de retourner chez eux et d'y vivre de manière autonome. Ceux qui sont trop lourdement blessés pour retourner auprès de leur famille peuvent être pris en charge à vie au sein du centre des pensionnaires. »


Le centre de réhabilitation post-traumatique suit ainsi les blessés tout au long de leur vie : « Nous traitons tous les problèmes de santé liés à leur blessure, nous évaluons l’aggravation de leur invalidité, jusqu’au jour où ils n’ont tout simplement plus la force de retourner chez eux. Nous accueillons chaque jour une petite trentaine de patients en hôpital de jour pour des séances de rééducation physique ou psychique », poursuit le directeur.

Un homme assis dans un siège en toile est plongé dans une piscine. Une femme en maillot de bain noir, bonnet de bain noir sur la tête, lui tient les tibias. Derrière lui, un aide-soignant vêtu de blanc est agenouillé sur le rebord de la piscine et tient d'une main le bord haut du siège et de l'autre une télécommande.
© INI

Troisième pilier de cette institution multiséculaire, le Centre d'étude et de recherche sur l'appareillage de handicap (CERAH) met au point des technologies d'adaptation pour les prothèses et les fauteuils roulants. « C'est un mélange d'innovation et d’artisanat, que l’on peut qualifier de luxe, dans la mesure où le centre fournit un service très particulier à quelques personnes. Mais peut-être qu'ils seront des dizaines, voire des milliers dans le futur, note le médecin-chef. Le CERAH est également en mesure de réaliser de nombreuses études cliniques en collaboration avec les industriels et de mettre au point des solutions très spécifiques pour des problèmes très pointus. À l'occasion des Jeux Paralympiques, il a ainsi apporté son aide à un para-athlète pour l’adaptation de sa prothèse. »

Dans un laboratoire, un homme de profil, portant une blouse blanche, manches courtes, bordée de bleu, est debout, observant deux prothèses qu'il tient à bout de bras. Un homme vétu d'un pantalon et d'un tee-shirt noirs est à ses côtés.
© INI

Un manque de soignants

Établissement public implanté dans le paysage médical parisien, l’INI est financé par le ministère des Armées et par la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), via une dotation annuelle de fonctionnement. Sa gestion et son encadrement sont assurés par quelque 400 personnes, dont moins de dix militaires.
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, l’INI est le seul hôpital du ministère des Armées dont l'équipe est principalement composée de civils, c'est-à-dire des fonctionnaires ou des contractuels du ministère des Armées. Une idée reçue qui pourrait constituer un frein à l’embauche. « Je pense que nous pâtissons d’une autocensure des potentiels candidats, notamment des conjoints de militaires, qui imaginent qu'il faut être militaire pour travailler aux Invalides, estime le médecin-chef Ausset, soulignant à cette occasion le manque de personnel soignant auquel doit faire face l’établissement : « Au CRPT, nous ne pouvons ouvrir que 41 lits sur 58, faute de personnel soignant. Nous recevons de nombreuses candidatures de psychologues, de kinésithérapeutes ou encore d’ergothérapeutes, que nous étudions toutes d’ailleurs, mais les métiers paramédicaux sont particulièrement sous tension, ici comme partout ailleurs. C’est un métier difficile, impliquant des cycles de jour et de nuit, ainsi que le travail le week-end et pendant les vacances. Un contexte général qui vient s’ajouter à une méconnaissance de notre institution. »

Le sens de la mission

Qu'est-ce qui distingue alors l'INI des autres établissements de santé ? « Le sens de la mission, répond de but en blanc le médecin-chef Ausset, même si ce sentiment est prégnant dans tout le milieu médical. Je pense qu'il y a ici un vrai sentiment du devoir accompli. Alors que la durée moyenne de la vie professionnelle d'une infirmière est de 7 à 10 ans, nos personnels ont des carrières bien plus longues dans l’institution. Cela veut bien dire qu'ils sont heureux et épanouis dans leur travail. Il y a en outre une identification à l'institution qui apporte une certaine sérénité, même si nous avons nos problèmes, comme ailleurs. »
Autres facteurs d’attractivité mis en exergue par le directeur de l’INI : l’expertise et la polyvalence de l’établissement. « Je pense que c’est le seul endroit en France où l’on peut traiter toutes les dimensions de la blessure. Outre les aspects médicaux et psychologiques, nous prenons également en compte la dimension spirituelle et sociale. Au-delà des blessures psychiques ou du vieillissement, la vulnérabilité est au centre des préoccupations de nos assistantes sociales et de l’encadrement, que ce soit dans le cadre des démarches administratives ou de la vie quotidienne. »
L’INI prend donc en compte tous les aspects de la vie des grands blessés militaires.
« On peut dire beaucoup de choses à propos des Invalides, que c'est le tombeau de l'empereur, que c'est le musée de l'armée. Et bien d'autres choses encore. Mais pour moi, conclut le GCA Christophe de Saint Chamas, le lanternon qui brille dans la nuit et qui domine les Invalides représente le flambeau de la fidélité de l'État à l'égard de ces vieux soldats qui lui ont tout donné depuis 354 ans. »

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