Journal de bord de la VCSM P613 Charente - épisode 1 : affronter les éléments

  • Par le capitaine Tristan Maysounave
  • Publié le 09 octobre 2024
Gendarmes sur le pont de La Charente lors de la manoeuvre de sortie de port.
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

En Guyane, nous avons embarqué pendant plusieurs jours à bord d’une vedette de la gendarmerie maritime. Dans ce premier épisode, nous vous relatons le quotidien hors du commun de ces gendarmes, régulièrement confrontés à des conditions de mer difficiles.

En début d’année, l’équipe de Gendinfo a réalisé un reportage d’un mois en Guyane. L’objectif était de valoriser les unités de gendarmerie implantées dans ce département et de raconter leurs engagements, souvent méconnus. À cette occasion, nous avons pu réaliser une immersion aux côtés des gendarmes de la Vedette côtière de surveillance maritime (VCSM) P613 Charente, commandés par le major Aurélien Coutant.

La gendarmerie maritime en Guyane

La Gendarmerie maritime (GMAR) est une formation spécialisée de la gendarmerie nationale. Composante organique et opérationnelle de la Marine nationale, elle est placée pour emploi auprès de son chef d'état-major. En Guyane, le contrôleur opérationnel est le Commandant supérieur (COMSUP) des Forces armées en Guyane (FAG). Il s’appuie sur les deux Patrouilleurs Antilles Guyane (PAG) de la Marine nationale et sur les deux brigades de gendarmerie maritime basées à Kourou et à Cayenne. La VCSM P613 Charente se situe à Cayenne et la VCSM P624 Organabo à Kourou. Les VCSM effectuent les mêmes missions dans le cadre d’un tour défini chaque année. La Marine nationale compte trois PAG, dont deux, La Confiance et La Résolue, sont basés en Guyane. Dans ce département, les actions prioritaires sont la police des pêches, la Lutte contre l’orpaillage illégal (LCOI), baptisée opération Harpie, et la sécurisation des lancements opérés par le Centre spatial guyanais (CSG), dans le cadre de l’opération Titan.

L’embarquement

Profitant de la protection offerte par le port de Pariacabo, à Kourou, les sept membres d’équipage ont passé la nuit à quai, à bord de La Charente. Au petit matin, le major Aurélien Coutant nous téléphone. Le ciel relativement clément est trompeur. À la sortie de l’estuaire, les conditions de mer sont particulièrement difficiles, avec un vent de force 4 et des creux pouvant atteindre 2 mètres. C’est la limite dans laquelle la vedette peut naviguer. Cette situation est fréquente en Guyane, notamment en période de saison des pluies. En effet, le département, qui ne dispose pas de barrière naturelle, est directement exposé à la houle de l’Atlantique. Le rendez-vous est fixé quelques heures plus tard, mais le commandant de bord prépare déjà une alternative à la mission dans le cas où le bateau ne pourrait pas rejoindre la haute mer. Dans un tel cas, les gendarmes maritimes peuvent effectuer l’entretien du bateau et réaliser des tâches administratives et judiciaires. L’unité dispose également d’une Embarcation fluviale rapide (EFR) comportant quatre places. Celle-ci leur permet de mener des opérations sur les fleuves, tant en matière de pêche illicite que de LCOI.

Nous rejoignons le ponton et montons à bord de la VCSM. L’accueil chaleureux me plonge rapidement dans cet esprit de solidarité des gens de mer. D’une longueur de 20 mètres, ce navire de 40 tonnes est conçu pour accueillir huit personnes, pour des missions d’une durée de quatre jours. À bord, l’espace, bien qu’exigu, est convivial. Des aménagements ont été réalisés par les marins afin de leur permettre de se sentir chez eux. Avec en moyenne 100 jours par an passés en mer, la vedette constitue leur second foyer. Nous prenons nos quartiers sur le pont inférieur. Nous dormirons dans la cabine avant, avec deux autres marins qui nous ont fait de la place pour nous permettre de nous installer. À bord, les équipements et rangements sont optimisés. Ils permettent à la fois d’utiliser le moindre recoin, notamment afin de stocker des vivres, tout en restant fixes en période de navigation, même en cas de mer agitée.

Gendarme s'activant sur le pont de la VCSM avant le départ.
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

Sur le pont supérieur, l’équipage s’active. Pendant que certains sécurisent les divers objets au cours d’une ronde d’arrimage, le mécanicien de bord effectue la vérification des niveaux et démarre le moteur afin de lui permettre de monter en température. Auparavant, le major Aurélien Coutant a défini leurs rôles au cours d’un briefing. Il leur a ainsi attribué différentes tâches en fonction des hypothèses rencontrées au cours de la mission (manœuvre, sécurité du navire, évacuation, navigation, etc.)

« La Guyane est le territoire le moins hydrographié auquel j’ai été confronté dans ma carrière »

Les marins larguent les amarres. Nous voilà partis. La mine grave, le commandant de la vedette fixe l’horizon et l’écume qui se forme après la pointe des Roches.

Le major Aurélien Coutant à la barre de la VCSM sortant du chenal.
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

« L’enjeu est de parvenir à passer la barre d’eau qui se crée à l’entrée du chenal, explique-t-il. Celle-ci est comparable aux vagues de Soorts-Hossegor. Elles déferlent violemment car il n’y a pas de fond. Elles vont entraîner des mouvements de plateforme énormes. Il me faudra rapidement déterminer si elles nous permettent de poursuivre ou si nous devons faire demi-tour afin de ne pas mettre en danger le personnel et le matériel. Par ailleurs, la Guyane est le territoire le moins hydrographié auquel j’ai été confronté dans ma carrière. Les fleuves transportent beaucoup de matière organique. Le sondeur du bateau se reflète sur ces éléments, ce qui rend plus difficile la détermination de la nature des fonds. Le chenal que nous empruntons actuellement doit être fréquemment dragué afin d’éviter que le limon ne s’accumule. En raison des conditions météorologiques, le navire peut racler le fond. Nous devons nous montrer encore plus prudents. Nous progressons en tenant compte d’un pied de pilote (marge de sécurité, NDLR) d’un mètre sous la coque. »

La sortie du fleuve avec la tour Dreyfus à babord de la VCSM.
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

Alors que nous laissons la tour Dreyfus1 à bâbord, la vedette se met à rouler fortement. L’équipage se tient fermement autour du poste de pilotage. Pendant que le major garde les yeux rivés sur la mer et les réactions du bateau, l’adjudant Gabriel assure les fonctions de chef de quart aux côtés de l’adjudant Gwenaël, premier mécanicien de bord. Ce dernier régule la vitesse du navire et scrute les indicateurs. La coque se hisse sur les vagues avant de s’écraser dans un bruit fracassant, parcourue de sourdes vibrations. L’équipage retient son souffle. Ça y est, la barrière est franchie. La mer reste agitée, mais le commandant peut donner l’ordre de faire route vers les îles du Salut afin d’effectuer un exercice de secours en mer avec un hélicoptère Sud-Aviation SA330 Puma de l’armée de l’Air et de l’Espace et des sauveteurs de la sécurité civile (épisode 2).

La VCSM La Charente.
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

1 Cette tour permettait de communiquer par signaux avec le bagne de l’île Royale, situé dans l’archipel des îles du Salut. Son plus célèbre prisonnier fut Alfred Dreyfus.


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