À Cayenne, l’adjudant Florent sublime l’ordinaire
- Par le capitaine Tristan Maysounave
- Publié le 05 mars 2024

Pendant quatre mois, l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 47/3 de Châteauroux est projeté en Guyane. L’adjudant Florent, gradé de cette unité, renforce le mess de Cayenne pour le bonheur de ceux qui y mangent quotidiennement.
Les gendarmes affectés en Guyane française sont continuellement renforcés par des Escadrons de gendarmerie mobile (EGM). Les militaires de l’EGM 47/3 de Châteauroux effectuent des missions de transfèrement sur le secteur de Cayenne. L’escadron fournit également un cuisinier en renfort du mess de la caserne de la Madeleine. Cette structure est chargée de fournir les repas aux militaires et aux civils travaillant sur le site ou bénéficiant d’une convention leur permettant d’y manger. Ces repas pris en collectivité sont désignés sous le terme « d’ordinaire » dans les armées. Fort de son expérience en cuisine, l’adjudant Florent s’est porté volontaire pour assurer cette mission.
Cuisinier, gendarme ou les deux à la fois
Mess de la caserne de la Madeleine à Cayenne. L’adjudant Florent s’affaire en cuisine. Dans sa veste blanche, il jongle entre ses casseroles qui bouillonnent. Ce midi, en plus du repas préparé à l’attention des gendarmes et des civils qui mangent habituellement sur place, il expérimente une recette qu’il a imaginée et qui sera servie à la table du général commandant la gendarmerie de Guyane, qui reçoit plusieurs invités de marque. Confiant mais concentré, l’adjudant Florent n’en est plus à son coup d’essai.
« En 1982, mon père m’a envoyé faire un apprentissage de cuisinier au Bar André à La Rochelle. À l’époque, j’avais 12 ans, il fallait donc une dérogation de la préfecture. Après avoir obtenu mon Certificat d’aptitude professionnelle (CAP), j’ai travaillé au restaurant Le Schlossberg à Forbach. J’y ai appris le poste de chef de partie poissonnier. À cette époque, j’ai fait mon service militaire au 15e régiment du génie de l’Air et j’ai tenté le concours de sous-officier de gendarmerie, que je n’ai pas réussi. Je suis alors devenu saisonnier dans différents pays et différents types de restaurants (pizzerias, restaurants étoilés, etc.). De 1993 à 2001, j’ai été gérant, puis directeur de restaurant, avant de partir m’installer en Espagne, où je suis devenu second de cuisine du Rock Hôtel à Gibraltar.
L’idée me trottant toujours dans la tête, j’ai de nouveau présenté le concours de sous-officier de gendarmerie, que j’ai réussi. J’ai intégré l’école de Châteaulin à l’âge de 34 ans et j’ai rencontré le directeur du cercle mixte de la caserne à l’occasion de ma scolarité (NDLR : structures militaires, les cercles mixtes proposent divers services : restauration, hôtellerie, salon de coiffure etc.). À l’issue de ma scolarité, j’ai été affecté au 2e régiment d’infanterie de la Garde républicaine. Le directeur du cercle mixte de Châteaulin venait alors d’être muté au cercle mixte de la Garde et m’a contacté. À l’époque, j’envisageais de profiter de ma carrière en gendarmerie pour découvrir autre chose que la restauration, mais on comptait sur moi et j’ai été affecté au cercle mixte des Célestins (NDLR : du nom de la caserne abritant le siège de l’état-major de la Garde républicaine à Paris). Grâce à mes compétences en gastronomie, j’ai rapidement démontré que j’étais capable de faire des repas pour le salon privé dans lequel le commandant de la Garde recevait des autorités civiles et militaires.
En 2007, souhaitant progresser dans les grades, j’ai répondu à un appel à volontaires pour rejoindre la section tireurs d’élite de la Garde républicaine. Après avoir réussi les tests de sélection et suivi le stage encadré par le GIGN, j’ai commencé à servir dans cette spécialité. Nous étions en charge de la sécurisation des chefs d’État en visite. J’ai ainsi contribué à la protection de la reine d’Angleterre ou encore de la chancelière Angela Merkel.
En 2011, alors que je venais d’être promu au grade de maréchal des logis-chef, une situation personnelle m’a contraint à prendre une disponibilité. J’ai alors commencé à travailler pour un grand groupe spécialisé dans la restauration collective. Je gérais une quinzaine de restaurants, dont deux gastronomiques, et j’avais des clients qui travaillaient pour la Défense. J’ai fait ça pendant sept ans, puis la crise de la COVID-19 est survenue et j’ai été licencié. Ne connaissant pas mon avenir, j’ai de nouveau rejoint la gendarmerie et j’ai été affecté à l’EGM 47/3 de Châteauroux. Disposant d’une compétence rare en gendarmerie, j’ai immédiatement demandé à être affecté en cuisine au cours des déplacements de l’escadron. »
Son dessein : mettre sa passion au service de ses camarades
« En arrivant à Cayenne, j’ai recommencé à utiliser des techniques gastronomiques. Je me donne du mal pour faire des plats encore meilleurs tous les jours. Ce que je fais a un sens. La nourriture est très importante pour le moral. Je sers mes camarades qui vont risquer leur vie sur le terrain. Je suis gendarme au service d’autres gendarmes.
Mon expérience en cuisine me permet de maîtriser les accords. Je sais quels sont les aliments qui peuvent se mélanger. J’associe donc les saveurs naturellement, ce qui me permet d’aller chercher de nouvelles idées. Je reprends aussi des recettes que je modifie en y mettant ma patte. Je me fais des plans avec le dessin du dressage. Je visualise l’assiette avant de l’avoir faite. La difficulté réside dans le fait que je dois sans cesse innover, car mon “client” est toujours le même.
Je préfère travailler avec des produits frais, mais ce n’est pas toujours possible. En outre-mer, l’approvisionnement peut s’avérer compliqué. On travaille beaucoup avec des produits surgelés, alors que ce n’est pas le cas en gastronomie. C’est pourquoi j’utilise des techniques pour faire comme s’ils étaient frais. J’aime utiliser des aliments basiques, pas chers, et les sublimer pour leur donner un aspect gastronomique. À Cayenne, par exemple, on trouve facilement du filet de poulet. Je le transforme en ballottine de volaille farcie sous la peau. La saveur est exceptionnelle et ça ne coûte rien. L’idée est de rendre la gastronomie accessible et de permettre à ceux qui goûtent à mes plats de les refaire chez eux s’ils le souhaitent. J’essaie de partager cette passion dans la salle et j’ai formé des jeunes qui venaient de l’EGM 14/5 de Bourg-Saint-Andéol.
Je vais bientôt prendre ma retraite. J’irai pratiquer mon activité de gastronomie dans un restaurant étoilé à proximité de Selles-sur-Cher, où j’ai ma maison. L’accord a déjà été trouvé, je serai chef de cuisine. »
La cuisine : un métier d’avenir en gendarmerie ?
« En gendarmerie, il y a plein de métiers, et la cuisine n’est pas un sous métier, car elle est très importante dans les armées. Tout se passe autour d’une table. La cuisine participe à l’excellence de notre institution. C’est gratifiant de pouvoir faire plaisir à ses camarades. J’en retire beaucoup de bonheur. Et avec cette compétence, on peut voyager en outre-mer et vivre de sa passion. C’est un métier en tension, donc le jeune qui est motivé par cette spécialité peut faire plusieurs déplacements à l’année. En effet, il y a des unités qui n’ont pas de cuisinier. On est donc parfois sollicité par le biais d’appels à volontaires. À mon retour de Guyane, par exemple, je vais renforcer l’escadron d’Orléans déplacé en Corse. »
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