Haute-Savoie : le secours en montagne au cœur des missions de la gendarmerie
- Par Antoine Faure
- Publié le 06 septembre 2024
Les militaires du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) et de la Section aérienne de gendarmerie (SAG) de Chamonix-Mont-Blanc sont engagés quotidiennement sur des missions de secours, notamment sur les voies d’accès au « toit de l’Europe ».
Le 5 août 2024, c’est une chute de séracs sur les pentes du mont Blanc du Tacul qui a emporté plusieurs cordées, faisant une victime française. Deux alpinistes allemands ont également rejoint la liste des portés disparus, qui comprenait déjà une centaine de noms, rien que dans le massif du Mont-Blanc.
Un peu plus de deux semaines plus tard, le 21 août, ce sont deux frères de nationalité espagnole, âgés de 26 et 27 ans, qui sont morts après une chute de plusieurs centaines de mètres, leur cordée ayant dévissé à 4 200 mètres d'altitude, depuis le sommet du mont Blanc du Tacul.
Le lendemain, jeudi 22 août, alors qu’il descendait du sommet par la voie normale, c’est un alpiniste de 67 ans, de nationalité française, qui est mort en chutant de l’arête des Bosses, un des passages techniques de l’ascension. Héliportés sur zone, les gendarmes du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Chamonix-Mont-Blanc ont rapidement identifié une crevasse comme étant le lieu probable de l'accident. Ils ont découvert deux hommes, coincés à 7 mètres de profondeur. Ils n'ont pu que constater le décès d'un des deux alpinistes. Le second, un Français également, âgé de 62 ans, a été transporté à l’hôpital en état d'hypothermie et souffrant d'un traumatisme crânien.
Une série noire ? Un été meurtrier ? Pas vraiment pour les militaires du PGHM, habitués à côtoyer la mort. La montagne fascine, la montagne attire, la montagne tue.
On sait qu’à cette heure-là, à cet endroit-là, il y a du monde
Techniquement, la plupart des alpinistes le diront, l’ascension du mont Blanc ne présente pas de difficultés particulières. Mais c’est bien sûr sa fréquentation, sur la voie normale, mais aussi sur celle des trois monts, qui en fait un lieu de forte accidentologie. « Il n’y a évidemment aucun autre endroit où l’on trouve autant de monde au-dessus de 4 000 mètres, aucun autre endroit avec autant de cordées simultanées, confirme le chef d’escadron Étienne Rolland, commandant du PGHM de Chamonix-Mont-Blanc depuis juillet 2024. Des chutes de séracs, il y en a régulièrement, on les entend. Mais le plus souvent, il n’y a personne dessous. On va simplement faire une levée de doutes, appeler les refuges pour s’assurer que personne ne se trouvait dans cette zone à ce moment-là. Mais si c’est sur le mont Blanc, c’est totalement différent. On sait qu’à cette heure-là, à cet endroit-là, il y a du monde, et qu’il va sans doute y avoir des morts. »
Passage obligé pour tout alpiniste qui veut tutoyer les sommets - même s’il vaut mieux leur montrer du respect en les vouvoyant -, le mont Blanc impose donc, par sa présence dans le massif, une organisation particulière. En Haute-Savoie, le secours se déroule avec deux ou trois hélicoptères, une semaine sur deux : soit deux hélicoptères de la Sécurité civile et un hélicoptère de la gendarmerie nationale ; soit un hélicoptère de chaque entité. Le CEN Rolland complète : « Lorsque nous disposons de deux appareils, celui de la Section aérienne de gendarmerie (SAG) prend en charge les secours sur le massif du Mont-Blanc, depuis la D.Z. (Dropping Zone, NDLR) des Bois, et celui de la Sécurité civile couvre le reste du département, depuis l’aéroport d’Annecy. Lorsque nous disposons de trois hélicoptères, ceux de la Sécurité civile couvrent le massif du Mont-Blanc, depuis la D.Z., ainsi que la partie ouest du département, depuis Annecy, et celui de la SAG la partie est du département, depuis la D.Z. »
Deux minutes chrono
À un peu plus de trois kilomètres du PGHM, à l’abri des regards, derrière le camping de la Mer de glace, se trouve donc la D.Z. des Bois. En cette fin de mois d’août, sous un soleil de plomb, le Choucas de la gendarmerie et le Dragon de la Sécurité civile enchaînent les secours, en fonction du secteur d’intervention. Parfois sans gravité, comme cette simple entorse, parfois un peu plus sérieux, comme cette chute de VTT du côté de Tignes, avec un traumatisme crânien à la clé. Quel que soit l’appareil engagé, ils sont cinq à bord : pilote, mécanicien, médecin et soit deux militaires du PGHM, soit un gendarme et un sapeur-pompier.
Les locaux sont partagés entre le SAMU, la Sécurité Civile, le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS), la Section aérienne de gendarmerie (SAG) et le PGHM. À l’heure du déjeuner, et avant de prendre un temps de repos à l’issue d’une permanence commencée à 3 heures du matin, c’est l’adjudant Johan, secouriste du PGHM, qui fait la visite guidée.
Haute-Savoie : rencontre avec l’adjudant Johan, du PGHM de Chamonix-Mont-Blanc
Affecté au Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Chamonix-Mont-Blanc depuis 2014,...
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À l’étage, se situe donc la salle de permanence du peloton, où deux équipes composées de deux secouristes, plus un maître de chien, se relaient de 8 heures à 19 heures. « Les appels arrivent soit par radio (dont sont équipés les guides de haute montagne et les gardiens de refuge, NDLR), soit par téléphone, au centre opérationnel situé au centre-ville de Chamonix, où se trouvent trois gendarmes, explique-t-il. Ce sont eux qui trient les appels, priorisent les interventions. Quand l’alerte tombe, si le chef de caravane confirme l’engagement, commence alors une conférence téléphonique à trois, avec le SAMU et le moyen aérien. On localise l’endroit, le pilote et le mécanicien de l’appareil préparent leur plan de vol, calculant la quantité de kérosène à embarquer, le médecin prépare son matériel en fonction du type de secours, et nous faisons pareil de notre côté. Pour les interventions d’urgence, nous pouvons être prêts en deux minutes. »
Au rez-de-chaussée, se trouve donc le SAMU, avec des médecins montagne bénéficiant d’une dérogation du SAMU d’Annecy pour la régulation médicale. « C’est spécifique à Chamonix, souligne Johan. Ce sont des médecins qu’on connaît, qu’on emmène régulièrement en montagne pour les tester, qui tiennent sur des skis. Nous sommes garants de leur sécurité, bien sûr, mais nous avons entièrement confiance en eux, ils connaissent la montagne, ils savent de quoi on parle. Il arrive parfois qu’on dépose les blessés graves ici, avant de les transférer ensuite vers l’hôpital. » Il existe même, depuis peu, une chambre mortuaire, parce qu’il faut malheureusement tout prévoir.
Un Lézard révolutionnaire
Dans la salle où s’équipent les secouristes du PGHM, à côté du SAMU, cohabitent tous les équipements techniques pour faire face à toutes les situations qu’on peut trouver dans le massif : des cordes de différentes longueurs et de différents diamètres ; des brancards treuillables sur lesquels on peut installer une roue en cas de secours terrestre, voire des skis ; des outils électriques pour percer ou tronçonner les blocs de glace ; des coussins de levage destinés à soulever des pierres ou des troncs d’arbres par l’envoi d’air comprimé ; de quoi grimper en sécurité aux arbres, puisque les parapentistes ont une fâcheuse tendance à se retrouver coincés dans les branches ; des pieux à neige pour constituer un point d’ancrage solide ; des Détecteurs de victime d'avalanche (DVA) qui peuvent se placer sous l’hélicoptère pour gagner du temps lors des secours ; du déglaçant pour faire fondre la glace ; des attelles pour immobiliser un membre et des matelas coquilles pour le corps entier…
Certains de ces équipements sont d’ailleurs des innovations du PGHM de Chamonix, connu pour cela, souvent conçues après des missions à l’issue parfois dramatique. « En 2013, un camarade a eu un accident mortel en passant à travers la glace lors de la dépose par l’hélicoptère, rappelle Johan. Les gendarmes du PGHM ont imaginé cette plaque d’aluminium assez légère, l’équivalent de deux paires de ski, afin de se poser sur la surface du glacier le temps de sonder pour vérifier s’il y a une crevasse cachée en dessous. »
Mais l’innovation marquante dans le secours en montagne date de 2015. Son nom ? Le Lézard. Développée en partenariat avec l’entreprise Petzl, cette longe d’hélitreuillage permet de sécuriser les phases de dépose et de reprise en hauteur. En effet, pendant un secours, il existe une phase pendant laquelle le secouriste est relié à la fois à l’hélicoptère et à la paroi. « C’était une situation critique, notamment en cas de turbulences, si l’hélicoptère avait un souci aérologique l’obligeant à quitter sa position stationnaire », relève l’adjudant du PGHM. Grâce à un brin réglable instantanément éjectable - la queue du Lézard -, le secouriste et l’hélicoptère sont désormais en sécurité. « C’est une révolution, la plus grande innovation des dix dernières années », estime Johan, qui s’empresse de faire une démonstration en s’accrochant au plafond.
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