En Guyane, les gendarmes se font les gardiens des Îles du Salut

  • Par le capitaine Tristan Maysounave
  • Publié le 23 mai 2024
Gendarme aidant à l'accostage d'un navire aux îles du Salut.
© GEND/ G.R. / ADC.BOURDEAU

Au large de la Guyane, trois îlots d’origine volcanique composent l’archipel des îles du Salut. Deux gendarmes mobiles participent à la défense des intérêts stratégiques de la France en assurant en permanence la sécurisation de ce site chargé d’histoire.

À plusieurs dizaines d’encablures au large de Kourou, les eaux boueuses des fleuves guyanais laissent place au bleu azur entourant l’archipel paradisiaque des Îles du Salut. Au nombre de trois, deux d’entre elles sont aujourd’hui accessibles depuis la mer : les îles Royale et Saint-Joseph. L’accès à l’île du Diable est quant à lui strictement interdit en raison des forts courants qui la bordent. Cet archipel doit son nom à l’expédition de Kourou, entreprise entre 1763 et 1765, pour réaffirmer la puissance coloniale française. La majorité des colons ayant été décimés par la maladie et la faim, les survivants se sont réfugiés sur l’archipel, qui leur aura été salutaire, d’où son appellation.

Dans les années qui suivent, un bagne est érigé sur ces îles. Des esclaves y sont d’abord emprisonnés. Sous le Second Empire, puis la Troisième République, l’archipel accueille prisonniers de droit commun et détenus politiques, dont l’un des plus célèbres fut Alfred Dreyfus. En 1946, le bagne ferme définitivement ses portes et les installations sont laissées à l’abandon jusqu’aux années 1960. À cette époque, le Centre national d’études spatiales (CNES) s’installe à Kourou dans le cadre du développement du programme spatial français. Le Centre spatial guyanais (CSG) est alors créé. Les Îles du Salut étant situées sous la trajectoire des lanceurs, elles présentent un caractère stratégique et deviennent propriété du CNES en 1971, lequel doit assurer la sécurité des personnes et des biens. En parallèle, elles sont progressivement exploitées à des fins touristiques, au point de devenir aujourd’hui le site le plus visité de Guyane, avec plus de 50 000 visiteurs par an.

Outre les nombreux animaux peuplant cet archipel, ne vivent sur place qu’un aubergiste ainsi que deux gendarmes, qui arment le poste des îles, créé en 1989.

Gendarmes à l'entrée du poste des îles.
© GEND/ G.R. / ADC.BOURDEAU

Polyvalence et adaptation pour les seuls représentants de l’État sur l’île

Situé sur l’île Royale, le poste des îles, rattaché à la compagnie de gendarmerie départementale de Kourou, accueille en permanence deux gendarmes mobiles, selon un roulement de trois mois. Leur mission fondamentale, financée par le CNES, consiste à protéger les installations présentes dans l’archipel. Le centre d’études spatiales a notamment installé un cinétéléscope sur l’île Royale. Ce dispositif opérationnel est le moyen le plus puissant dont dispose le CSG pour visualiser et filmer tous les événements lanceur pendant la phase de vol et ce jusqu'à la perte de vue optique du lanceur. Le CNES fournit aux gendarmes les moyens d’assurer leur mission dans de bonnes conditions et les réapprovisionne en matériels et en vivres par barge si besoin.

Par ailleurs, des bateaux accostent chaque jour sur l’île entre 9 heures et 10 h 30, débarquant environ 200 touristes. Ceux-ci ne restent en général qu’une seule journée, mais certains d’entre eux passent parfois la nuit dans la seule auberge des îles, où les gendarmes se restaurent également. Une à deux fois par semaine, un navire de croisière mouille à proximité. À ces occasions, la fréquentation journalière avoisine les 600 à 700 personnes. La présence des gendarmes est alors essentielle à leur sécurité et à la préservation de l’exceptionnelle biodiversité de l’archipel.

« C’est la deuxième fois de ma carrière que j’effectue cette mission, explique l’adjudant Florent, affecté à l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 12/9 de Villeneuve-d’Ascq. Avec mon camarade, nous sommes positionnés aux îles du Salut pendant une durée de trois mois. Tous les dix à douze jours, nous bénéficions de deux jours de repos à Kourou, ce qui nous permet de rompre notre isolement. Nous étions volontaires pour assurer cette mission. »

Gendarme renseignant un touriste aux îles du Salut.
© GEND/ G.R. / ADC.BOURDEAU

Et de poursuivre : « nous sommes les seuls représentants de l’État sur place. Notre mission est plurielle. Nous sommes chargés d’accueillir les touristes à leur arrivée sur l’île. Nous participons à l’amarrage des bateaux, puis nous leur délivrons les consignes de sécurité et les renseignons. En l’absence de médecin ou d’infirmerie, nous sommes joignables 24/7 et capables de réaliser les premiers soins en attendant l’arrivée des secours depuis le continent. Mon camarade et moi-même sommes spécialement formés en ce sens. Nous effectuons des patrouilles au cours de la journée et contrôlons l’intégrité des installations du CNES. En fin de journée, nous contribuons aux opérations d’embarquement des touristes quittant les îles du Salut. De retour au poste, nous occupons notre temps libre en faisant du sport ou en lisant. Nous savions que nous allions être isolés, nous sommes tous les deux assez solitaires dans l’âme. »

Confrontés à l’insularité, les gendarmes ne quittent l’archipel qu’à l’occasion de leurs jours de repos et des phases de lancement opérées par le CSG.

Un positionnement stratégique dans le cadre de l’opération Titan

L’opération Titan consiste à protéger le Centre spatial guyanais qui s'étend sur 700 km2. Cette mission est assurée en permanence par des gendarmes mobiles présents sur site. Ceux-ci sont fortement renforcés à l’occasion des opérations les plus sensibles, notamment au cours des lancements de fusée. Gendarmes départementaux, militaires de l’Antenne du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (AGIGN) de Cayenne ou encore composantes des Forces armées en Guyane (FAG) prennent part à ce dispositif. Les unités engagées garantissent l’inviolabilité du site dans ses différentes dimensions et s’assurent qu’aucun individu, navire ou aéronef ne se trouve sur ou sous la trajectoire des lanceurs. Les deux gendarmes positionnés aux îles du Salut œuvrent alors en ce sens.

« En cas de lancement, nous procédons à un ratissage afin de nous assurer que plus personne ne demeure dans l’archipel, précise l’adjudant Florent. Nous sommes ensuite récupérés par un navire de la gendarmerie maritime et ne revenons sur l’île qu’à l’issue du lancement. »

Vedette de la GMAR devant les îles du Salut.
© GEND/ G.R. / ADC.BOURDEAU

Depuis 2023, le CSG connaît une période de transition avec la fin du cycle d’Ariane 5, le développement du programme Ariane 6 et la montée en puissance des lanceurs privés. En conséquence, les lancements se sont espacés ces derniers temps, mais devraient prochainement reprendre, notamment avec le premier vol d’Ariane 6 programmé au cours de l’été 2024. Alors que le CSG compte plus que jamais s’affirmer comme le port spatial de l’Europe, les gendarmes seront fortement sollicités pour assurer la sécurisation des opérations menées ces prochaines années.

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